Planète solaire L’instant s’égoutte, Jeanne Champel Grenier, Illustrations de l’auteur, Éd. France Libris, 107 p., Orthez, 2021

Une chronique de Claude Luezior

Planète solaire L’instant s’égoutte, Jeanne Champel Grenier, Illustrations de l’auteur, Éd. France Libris, 107 p., Orthez, 2021


Lire Jeanne Champel Grenier, vivre un instant à la lumière de ses tableaux sont une expérience toujours positive, toujours nourrissante. Cette suite de souvenirs d’enfance, mais également de contemplations philosophiques, le plus souvent tendre mais sans concession au désarroi ambiant, fait preuve d’une vision profonde et chamarrée : celle du poète.

D’emblée, voici la tonalité de ce recueil : Alors, je décidai de saisir sur ma route, le verre à demi plein et de le brandir afin qu’il se remplisse de cette lumière, de ce cru céleste qui éclaire loin, et longtemps. 

Puis : Au fond de moi et en périphérie, un fakir marche sur les braises d’un amour qui cache son nom, et je brûle d’écrire l’impossible douleur des mots qui clouent le secret à ma porte.

L’écriture est élégante, la prose est forte en images, le propos est dense, même quand il est teinté d’humour. Concernant son tilleul, éminent arbre de vie : Il est d’une patience et d’une générosité sans pareille. Il me connaît, me reconnaît. C’est un être majuscule et je l’ai inscrit à la cime de mon arbre généalogique.

Empathie envers les êtres et toutes choses qui prennent vie sous des yeux émerveillés, bienveillants. Oui, lire Champel Grenier est un bol de lumière.

Parfois, les gènes ardèchois et catalans de l’auteure ne peuvent s’empêcher de jouer avec les mots, dans un château en ruine : Parfois s’y arrête, accompagné de son chien, un pauvre laissé-pour-compte, ou pour comte, ou pour conte, qui sait ? Tout est là : un grand bol d’affection, un zeste de dérision heureuse, le bonheur simple du ravi. On pense à Pagnol, à Daudet. Colette n’est pas loin. Et Laurent Bayart se tient en embuscade ; le tout est daté de juin 2020… ou deux mille vins. 

Maintes lignes sont particulièrement enlevées : LIBRE, l’oiseau a tout réussi. Il témoigne du Ciel, Lui, le prodige aérien, surgi du magma vivant des possibles, bien avant les hommes et leur mémoire. Dès la naissance, il lui suffit de quelques miettes pour mettre la vie en musique et nous transporter jour et nuit, sur les portées d’harmonie. Ou bien : Quand la femelle couve, l’embryon la reconnaît aux petits coups de bec en morse qui rassurent, et racontent tous les soirs, l’histoire de la chouette au bois dormant. Magnifique ! 

Exponentielle légèreté de l’être :  le poète ne cesse de nous enchanter, de nous nourrir par sa vision simple mais sacrée. Justement parce qu’elle remonte aux sources, à l’eau lustrale, à l’infiniment humble, aux écorces essentielles de la vie. Du coup, les violettes deviennent un tatouage de l’âme,  le ciel se fait diamantaire qui va retomber en pluie de milliards de carats insaisissables. Et sur le parvis d’une cathédrale, en guise de prière : Ô gouffre structuré mi-intime mi-sacré aux abyssaux vitraux qui s’élèvent infiniment, avec autour de soi cette odeur de moisi, d’encens et de marée qui vous interroge ad vitam aeternam.

Textes solaires, tandis que l’instant s’égoutte…

Encore quelques paragraphes pour la célébration de sa mère :  Ton souvenir, c’est toujours une écriture de printemps, simple et tendre, sans fioriture. (…) Je ne t’ai pas perdue : tu es juste devant moi… Sans oublier le final du recueil : Ah qu’elle sera courte, l’Eternité ! Courte et renouvelable à satiété…

Quoi de plus tendre, quoi de plus beau ?

©Claude Luezior