Sur Roulette russe, de Horia Badescu.

Chronique de Max Alhau

Couv-Roulette-russe

Horia Badescu, Roulette russe, Chants de vie et de mort,Éditions de L’herbe qui tremble, 2015, 80 pages, 14€.


Ce sont bien des chants de vie et de mort, comme tu le signales au-dessous du titre de ton livre, que ces poèmes. Car ces deux termes sont profondément liés dans ta démarche. La mort, tu ne cesses de la rappeler, elle est cette lueur qui nous guide au cours de notre vie et qui se manifeste à tout instant dans des paysages sans cesse présents. Cette mort qui nous habite tu la définis simplement dans ces vers : « chaque poème est un battement de cœur / dans chaque battement de cœur vit la mort. » Ainsi se manifeste cette dualité, ce double mouvement qui va de la vie à son absence. Dans ces terres que tu traverses auxquelles tu te fonds, c’est bien la notion de néant assez surprenante chez toi qui apparaît et que tu cernes, en même temps que celle d’infinitude. Tu parles de ce lieu « qui mène là où ne commencent / ni jour ni nuit / alors que le corps n’est plus / qu’un chemin de campagne / sur lequel le vent balaie la poussière / tombée de l’habit / du néant. » Dans cette marche parmi des paysages à la topographie variable, celui qui va ne peut que songer à la souffrance éprouvée, mais une souffrance qui recevra sa récompense.

La marque du temps qui ne cesse de s’imprimer sur nous, la fuite des saisons, tout nous rappelle notre condition de mortels et nous ne pouvons que conserver le souvenir de ceux qui ne sont plus : « Et maintenant à qui veux-tu parler ? / Ceux qui devaient écouter / n’existent plus, / celle qui n’avait pas besoin des paroles / pour comprendre / a tendu ses ailes fatiguées / vers l’horizon. » Bientôt nous comprendrons que dans ces disparitions où l’oubli se manifeste parfois, le souvenir est une notion qui nous permet de résister au néant : « De plus en plus derrière toi s’entassent / ceux qui te sont chers, / les souvenirs du sang, / copains et ennemis dont personne / n’est jamais dépourvu » et dans ce même poème tu écris justement à propos de ces « choses »qui représentent la vie: « Tu ne les vois plus / mais tu parles d’elles et t’imagines / qu’elles sont là ». C’est donc que la vie n’a pas déserté, qu’elle est partout présente, invisible et tenace. Pourtant, celui qui avance au rythme du temps comprend qu’il ne lui est pas possible de revenir sur ses pas. La sentence tombe, sèche : « Trop tard / Entends le sifflement de la balle ancienne, / fume le fusil de l’automne / collé sur ta poitrine. »

Dans ta démarche philosophique tu sais donner à la vie ses pouvoirs essentiels et c’est une sagesse que tu exprimes, une allégresse contenue dans ces mots : « Réjouis-toi du jour qui commence ! / Il est toujours le premier, / Il est: toujours l’intouchable touché, / la vision de la vue / et l’apparence de l’ouïe ». Cette sagesse te permet d’affirmer la nécessité de la mort : « Rien de plus tragique / que l’absence de la mort » sans doute pour mieux célébrer la présence de la vie. Mais que l’on ne voie pas dans ces propos la louange de la mort, bien au contraire. La démarche qui est la tienne te permet ce constat exprimé de la sorte : « viendra le temps où les paroles / ne seront que l’oubli / du silence, / le temps d’apprendre / que rien ne vaut la peine de mourir : / pas même la mort. »

Je voulais juste dire combien cette Roulette russe était un message humain et lucide sur notre condition humaine, un message que nous accueillons parce qu’il est écrit à notre intention.

©Max Alhau


Éditions de L’herbe qui tremble: ici

 

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