Nouveau aux Éditions Traversées

Une chronique de Olivier Massé
Parue dans le n°75 de Diérèse
Frédéric Chef, Poèmeries, éditions traversées, 15 €, 2018
Des poèmes qui courraient en trois parties :Vanités, où l’on s’essaierait, vaille que vaille, à trouver une voie juste entre la prétention et l’autodérision, Hommageries, où l’on rendrait plus clairement hommage aux grands frères, illustres et pitoyables, de François Villon à Jean-Claude Pirotte,Voyageries, où l’on tenterait le pittoresque au défilé dans la fuite du temps ? Un peu de cela dans Poèmeries, mais d’emblée, il faut l’annoncer mi-désinvolte mi-grandiloquent, à la fin du premier sonnet – car ce ne sont que ces formes à peu près : je me fous de tout et de la poésie / ce qui compte avant tout c’est le geste. Sans doute, plus profondément, le geste, la course avec finesse malgré les apparences de l’ici ou là, ainsi va la vie poème sur le fil tendu. L’humour noir côtoie aussi la tragédie, les petits croquis, les touches intimistes angoissés et fugaces, reprenant parfois au haïku l’idée de la petite pensée après la description, en mode de clôture ou d’ouverture, c’est selon. Car enfin, le lointain et le proche ne se rejoignent-ils pas comme ces poètes relus pour approcher de moi / cet autre qui ressemble à quelque réconfort ? Oui dans ce voyage où le décor si pittoresque peut se lézarder, il y a lueurmêlée aux pleurs, condition humaine de l’homme qui de sa place ne sait que la difficulté, sans prétention ni négation de vérité tragique : un jour qu’il est de jour avant la fin de quoi / du voyage qu’on porte au cœur ou à la tête / nous sommes ici-bas de passage c’est comme ça !
© Olivier Massé, Diérèse, n° 75, hiver 2018-2019, pp. 266-267.
Une mouette
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Au-dessus de la petite place de mon quartier
plane en se plaignant une mouette à l’élégance
immense D’ailes gris-blanc au double galbe
elle glisse son envergure entre les cheminées
et rase les toits avec une nonchalante virtuosité
Mon pain sous le bras je reste à contempler
ses évolutions jusqu’à ce qu’une décision
subite la pousse à s’éloigner vers la Seine
d’un vol rapide et régulier le long de l’avenue
Les passants pressés m’évitent Ils me jettent
ce regard apitoyé qu’on réserve aux idiots
Emmenant avec moi la fascination d’un rêve
d’intense liberté je me fais violence pour casser
l’hypnose et je tourne au coin de la rue qui va
me ramener jusqu’à la porte de chez moi.
D’autres merveilleux poèmes de Xavier Bordes sont à lire là
https://xavierbordes.wordpress.com/2012/03/21/fanatiques/
Fanatiques
La nuit du dieu unique s’étend sur l’esprit des Égarés, les éblouit puis les laisse aveugles, leurs pensées murées comme des mouches dans ces chambres noires où seule une lueur de sang réveille des clichés.
Chaque geste les consume ainsi que branche sèche au feu d’une haine sans fin. La forge d’une oppression irrespirable au fond d’eux réveille le feulement glacé propre aux fauves aux prunelles fendues.
Ils se jettent dans le bond impitoyable, exterminent en eux-même toute enfance. Les petits corps, empoissés d’une flaque de pourpre sombre, gisent autour de leur mémoire, dans une clarté terrible d’injustice, que viennent reconnaître des parents en larmes.
Mais les tueurs, eux, fascinés par leur illusion, poursuivent leur absurde guerre contre eux-mêmes en croyant combattre pour le bien, les yeux fixés sur leur souhait de fleuves parfumés et de vierges dociles, jusqu’à ce que le néant les stoppe d’un ultime
Cylindre de plomb définitif.
©Xavier Bordes