PHILIPPE MATHY- VEILLEUR D’INSTANTS – Éditions L’Herbe qui tremble, 2017

Une chronique de Claude ALBARÈDE

PHILIPPE MATHY- VEILLEUR D’INSTANTS – Éditions L’Herbe qui tremble, 2017

Philippe Mathy est un « veilleur d’instants ». C’est à dire un « capteur d’éternité », car chaque instant, chaque poème, chaque mot, qui par la magie du texte nous traversent, déposent en nous sa trace d’éternité. Voilà la fonction du poète, et Philippe Mathy la connaît bien, car il dirige la revue « Le Journal des Poètes » avec brio et ténacité.

Enrichi de belles peintures de Pascale Nectoux, le texte se développe suivant plusieurs périodes. D’abord le désemparement, qui est une sorte d’angoisse métaphysique devant l’impuissance et l’inabouti :

Dans mes yeux

un nuage se penche

se déchire.

Une vague

remue

s’épuise

Sur le tapis de l’herbe,

je demeure assis,

ne sachant comment

survivre à mes rêves

Puis, passés ces instants, le poème ouvre ses fenêtres sur le fleuve, l’appel du printemps sur la Loire riveraine, sorte de bain purificatif pour te laver du temps qui va. Car le poète s’accorde un dialogue avec lui-même, avec son âme vibrante, dont l’inquiétude transparaît aux interférences de la beauté et du temps qui passe.

Ensuite c’est l’été, associé aux grains, aux récoltes, au vin, à l’amour, promesses à espérer sans hâte, presque à voix basse, celle du bonheur qu’on a peur de détruire, car Philippe Mathy est un sage, il sait que l’éclat des voix empêche les oiseaux de chanter.

Et, parcourant le jardin, qui aurait pu être d’Eden, le poète accepte sans trop de douleur le retournement du sablier. Quand l’automne arrive, les vers deviennent de la prose, l’espérance une certitude dont l’usure ou la perte ne sont que des instants de gestations intimes qui préparent de futures éclosions :

Roulis des collines dans l’eau de la Loire. Le vent amer pousse plus loin les feuilles d’un automne à l’agonie. Dans le péril d’ombres trop froides, il faudra la patience de l’hiver pour veiller sur l’éclosion d’un possible printemps.

Et si l’hiver est passé sous silence, c’est qu’il se trouve dans chaque sourire, dans chaque découverte, dans chaque reflet sur la Loire, dans chaque instant de nos vies, comme une ombre fugitive qui, loin d’obscurcir le poème, affûte les ailes de l’ange qui le traverse et qui, jusqu’à la fin, se reflète dans son cœur :

Parfois un ange nous traverse,

comme une absence,

un rire dont nous n’aurions perçu

que la transparence.

©Claude ALBARÈDE