Hommage à Jacques BASSE

Par Marc Wetzel

                        Hommage à Jacques BASSE

 Jacques Basse, par ailleurs poète et peintre né en 1934, a cette autre activité, qu’on considèrera exclusivement ici, de dessiner des portraits selon photos. Il n’a donc, pour la plupart, jamais rencontré les six cents personnes (personnalités) qu’il figure. Il ne prévient pas, se procure un cliché, fait (facilement, rapidement – « sans effort ni délai », dit-il; il pouvait, du temps de ses bons yeux, en faire trois par jour) son dessin, l’envoie au concerné, demande en retour un autographe et un petit texte. Et, presque infailliblement, les obtient.

Gens de foi, gens de loi, gens de laboratoires et théories, gens d’idées, gens de soins, gens de scène, gens d’affaires publiques, gens d’aventures et explorations, gens du monde sonore et, bien sûr, – et de plus en plus souvent – gens de mots, poètes surtout, tous, ébahis, flattés, mis si étrangement en demeure de cautionner leur apparence (toujours commune, au sens où Basse use volontiers de leurs images moyennes et connues, et ordinaire, au sens où ce sont photos sans grande pose ni effets, prises à la vient-vite et comme lucidement fidèles, sans apprêt ni recul) répondent présents et le signalent.

Le résultat, particulièrement déroutant, peut se nommer : un bestiaire de célébrités quelconques, un virtuose florilège de physionomies de gens réputés et marquants. Qu’ont-ils en commun ? Ils auront fait quelque chose d’eux-mêmes (ce sont des visages qui ont, d’une manière ou d’une autre, su se servir de leur partie supérieure), et auront dû réagir à une image d’image d’eux-mêmes (écrire, en quelques mots, comment leur moi constate qu’en effet lui ou elle, là, c’est bien ça, car ça l’est incontestablement, et qu’en même temps un inconnu a décidé de prendre pour modèle d’eux une image et de leur en faire à la fois gratifiant et indéclinable cadeau public).

Les portraiturés sont embarrassés par le principe (comment dédicacer une image offerte et subie de soi, sans devoir grotesquement se prendre pour une oeuvre ?), et soucieux des conséquences (quel usage aura-t-on d’une si baroque galerie de sortes de flyers mémoriels, où Lévi-Strauss doit côtoyer Poivre d’Arvor, Jean-Marie Pelt Philippe Bouvard, Jacques Lanzmann François Fillon et Jaccottet Ruquier, et chacun des 592 autres ces huit-ci, ou inversement ?). Dans cette Académie informelle (mais extraordinairement figurative !), nul ne choisit ses collègues. Basse n’a, pour tous, entériné au profit de chacune leurs valeurs qu’en piégeant les unes auprès des autres leurs vérités. Ou l’inverse ? En tout cas, cette oeuvre si caractéristique et perdurable est délicieusement problématique, autant pour ceux qui constatent avoir assez réussi leur vie pour y figurer, que pour celui (c’est mon cas) qui échouait à s’en figurer pleinement … la raison ultime.

 Ainsi, systématiquement,  Jacques Basse prend pour modèle (de son dessin) une image (photographique, prise ailleurs et par un autre). Non par respect de l’art photographique même (sinon, il photocopierait le cliché, et voilà tout), mais par intérêt pour ce qu’une photo (plutôt qu’une présence réelle, une pose physique) doit être seule à pouvoir lui présenter : une présence personnelle sans la personne, c’est à dire – comme me le suggère Lieven Callant – une expressivité sans chair, qu’on peut, presque comme on ferait d’une chose, transposer sans en être troublé . Et, on l’a dit, il rencontre rarement – en tout cas facultativement – ses portraiturés : il ne fixe donc rien, complémentairement, de mémoire (la figuration sensible qu’il considère devant lui, pour la reproduire, n’est pas plus mentale qu’elle n’est réelle). Travaillant l’oeil sur le cliché de quelqu’un, il interprète (par dessin) une figure photographiée. Cette méthode de redoublement délibéré de l’image le fait nous présenter une version de ce qui lui était déjà (matériellement), non pas présenté, mais représenté. La question est donc : interpréter (graphiquement) une image,  comme le fait à chaque occasion de son travail Jacques Basse, est-ce imagination, est-ce redoublement délirant (lubie ou folie), est-ce connaissance,  est-ce perception ? On peut – en se servant d’indications précieuses d‘André Comte-Sponville – saisir que cet acte est en même temps les quatre, et aucun pourtant, sinon un énigmatique cinquième genre d’acte, qui fait probablement le mystère de cette oeuvre. Ce que l’ami philosophe pense, c’est en effet ceci : l’imagination nous libère du réel, mais en nous en séparant (car son irréalité nous fait perdre la présence nécessaire dont seul le réel nous instruit); la folie nous en sépare sans nous en libérer (car elle est une imagination qui s’ignore, et une évasion qui s’emprisonne dans l’ailleurs); la connaissance nous libère du réel sans nous en séparer (car, faisant saisir ce qui fait que les choses sont ainsi, la nécessité qu’elle révèle y être à l’oeuvre ne nous fait plus autant obstacle); la perception, enfin, nous relie au réel sans nous en délivrer (car elle ne nous rapproche de lui, ne nous rapporte à lui, qu’en nous enchaînant aux moments ou aspects sensibles que cette perception unifie).

Or, que fait Jacques Basse en interprétant graphiquement un portrait photographique ? Il perçoit l’image-support autrement, mieux, plus librement que nous; ou, plus exactement, il saisit les éléments sensibles constituant  l’image photographique comme susceptibles d’une autre unification que celle qui fut enregistrée par le photographe et fixée sur la photo. Pour lui, l’image photographique n’est qu’un instantané technique, dont il refuse d’entériner la perception acquise, qu’il veut et sait redécomposer en ses sensations élémentaires pour les rassembler autrement, les ramener (et pour ainsi dire rameuter) à une autre unité possible d’elles, qu’il peut à son tour rendre visible. Il a le regard légitimement libre (car toute photographie, à deux dimensions, est déjà une transcription, un choix du rendu d’apparence – Basse ne dessine pas selon une tête sculptée, car, à trois dimensions, buste et sculpture ne seraient plus véritablement des portraits, devant interpréter leur propre sacrifice d’une dimension, et assumer l’artificielle platitude née de cette amputation, mais déjà des essais de présence directe), et, en même temps, prophétiquement nécessaire : pour dessiner un modèle présent en chair et en os, il suffit, en plus du talent, de  psychologie; mais pour dessiner sa représentation photographique, il y faut un tout autre genre d’observation, à la fois pré- et post- psychologique, c’est-à-dire un discernement simultanément physiologique et métaphysique.

Cet art, si singulier, du portrait sur image dépasse donc à la fois la motivation de croquer de la présence personnelle (que reste-t-il d’un psychologique « intérêt pour l’individu » quand il s’est ainsi incroyablement multiplié par six cents ?!), et  brouille, spéculativement, la distinction pourtant centrale partout ailleurs, entre idole et icône (l’idole est un dieu qu’on croit voir en oubliant qu’il n’est qu’une image; l’icône est un dieu comme il paraît lui-même nous regarder, nous faisant oublier que la condition glorieuse, l’arrière-cour sacrée depuis laquelle il nous considère est née d’un regard d’homme). Or que font ces centaines de portraiturés ? Ils nous présentent ce que quelqu’un a su refaire de leur image, les libérant d’une première image qui les aura séparés d’eux-mêmes, et, dès lors, les liant à une délivrance désormais sous les yeux de tous. Ils sont en vadrouille conditionnelle, en liberté surveillée  par un talent qui nous les expose. En un sens, donc, toutes ces personnes sont à la fois figurées, connues, hallucinées et perçues ; en un autre, elles bénéficient d’une présence inédite, née d’un travail de démantèlement-virtuose et de réunification-surprise d’aspects déja présents ensemble, donc cohérents (sur un cliché déjà existant, et fidèle), mais réinterprétés, de bout en bout, au crayon, donc jugeant non-valides leurs purs traits photographiques, fixés d’abord comme avait agi sur eux (et avait été interceptée physiquement) la lumière réelle, mais invalidant de facto (présence nécessaire, mais non-suffisante !) ce qu’on pourrait appeler un premier état de personnes … Basse nous fait ainsi percevoir ce qu’il a réimaginé de présences fixées, en nous faisant connaître notre folie même de la représentation. Il a bien réuni, d’où notre trouble, les quatre modes (si peu compatibles entre eux) de notre présence d’esprit au monde. Incroyable réussite d’une nette impossibilité !

 Qu’accomplit-il ainsi ? Un autre philosophe contemporain – Francis Wolff – a bien montré que quatre choses sont faciles à la parole, dont les images sont pourtant incapables : d’abord montrer l’abstrait, la présence générale ou figurer un concept (une image peut présenter telle ou telle couleur, mais non représenter la couleur, comme le fait tout de suite, lui, le mot « couleur »); ensuite exposer une négation (toute image affirme ce qu’elle expose; elle ne peut dire de ce qu’elle contient que « voici … »; pour prétendre montrer que « ceci n’est pas une pipe », il faut le formuler, donc le dire); encore, exhiber du pur possible (le subjonctif et le conditionnel n’ont aucun équivalent plastique, puisqu’une image ne peut évoquer son contenu qu’indicativement et tel quel); enfin l’image ne représente qu’au présent (comme dit Wolff, à voir son image, on ne peut pas déterminer si une personne est vivante ou morte, et les paradoxes si aisés à prononcer – je suis mort récemment, ou je ne naîtrai que dans quelques millénaires – sont sans effigie, sans équivalent illustré possible). Mais c’est là la force d’indécidabilité supérieure de l’image : que serait l’imagé hors d’elle ? Quelque chose ou rien ? On ne sait pas. On n’est même pas sûr, devant elle, de ne pas halluciner (et si ce que l’image représente hors d’elle, pour nous, était « réellement présente » en elle ? Si son anodine fiction était une redoutable hantise ? etc.).

Les images créées par Jacques Basse, qui sont donc clairement toujours des portraits de portraits, sont donc déroutantes où on n’attendait pas qu’elles puissent l’être, car, devant elles, on sait qui l’on voit (la personne est connue, il y a son nom, elle a contresigné son image etc.), mais on sait d’autant moins ce que l’on voit. Pour reprendre les termes de Wolff, une image normale « représente » ce qu’elle n’est pas (elle est présente, mais ce qu’elle représente ne l’est pas), et n’est pas ce qu’elle représente (elle est, toute seule, l’image, mais n’est qu’indirectement, que pour nous, qu’en effet de présence, l’imagé) : dans un cliché, on voit le portraituré dans son portrait, ou le portrait comme le portraituré qu’il montre; mais dans un dessin sur cliché de Jacques Basse, que voit-on ? On voit, exceptionnellement, une double absence (l’image dessinée fait voir, en l’absence de la photographie de départ, l’absence de la personne réelle que cette photographie, déjà et comme telle, montrait), et, en même temps une double présence (l’image dessinée a en elle-même la propriété de rendre présent le cliché qui rendait déjà lui-même présente la visibilité de quelqu’un). 

Pourquoi ce procédé est-il, dès lors, particulièrement troublant, quand il figure des poètes ? Parce qu’ils sont les seuls dont la parole a vu quelque chose qui soit déjà un portrait de la réalité (et même, si leur voix est bonne, un autoportrait par délégation d’elle). Les écoutant ou lisant, on a quelque chance de saisir ce qui, dans l’être des choses, assure leur incessant passage à l’acte. Et dans l’être des personnes ? Aussi. Simplement, on ne peut pas fonder la conscience (on ne peut légitimer la présence de la conscience qu’en la supposant déjà là, et l’inconscient lui-même n’apparaît qu’à la conscience). Mais qu’importe : on ne peut pas non plus fonder les mathématiques (car leur propre fécondité leur est un mystère; les structures formelles qu’elles mettent rigoureusement en oeuvre dans l’esprit humain, elles n’en reçoivent pas la puissance morphogénétique, le dynamisme vivant, de lui, mais  d’ailleurs), ni d’ailleurs la morale (la relance active du Bien que celle-ci encourage et justifie, en court-circuitant la violence et privilégiant ses victimes lui est, aussi, un mystère : le coeur découvre en lui une générosité, une réciprocité transitive (je ne peux pas, disait Michel Serres, rendre à mes parents, mes modèles, mes institutions ce qu’ils m’ont donné, mais je peux faire l’effort équivalent d’en devenir méritoirement pour d’autres) qu’il ne se doit pas (le coeur se doit le pouvoir de vouloir le bien, mais non le bien, en général, de pouvoir vouloir). On ne peut donc pas fonder la conscience, mais on peut montrer ceux qui (les poètes) nous rendent celle que leur parole sut extraire et obtenir de la nature. Comme le sourd sur les lèvres, notre artiste lit assez sur les traits des inspirés pour en faire deviner la puissance (pour nous, sans lui, à jamais) muette. 

 Jacques Basse, 88 ans, a ainsi, dans cette oeuvre de toute une vie, montré ce dont la poésie est directement capable, en montrant indirectement (par images d’images) les poètes qui s’en sont montrés dignes. Il n’y a pas d’équivalent connu d’une telle entreprise. « Le tracé poussé avec adresse jusqu’à l’âme devient un privilège » dit, avec justesse, l’auteur. Mais avoir distribué ainsi son privilège n’est plus simple justesse, mais bonté. C’est diffusion du pouvoir secret des coeurs. Qui montre mieux ?

                                              ©Marc Wetzel

On pourra s’informer, plus complètement, de l’oeuvre de l’auteur sur son site : Jacques Basse

et y saisir comment mieux approcher, ou se procurer, les divers tomes de cette anthologie  continue de portraits aussi surprenants qu’exemplaires.

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Peindre les mots comme ils respirent

Les logogrammes de Christian Dotremont

Par Jean-Christophe Ribeyre

« C’écrit c’est écrit mais ça n’était pas écrit », 1975, Centre Pompidou, Musée d’art moderne
© Adagp, Paris 2011
source:https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/cAEqAX

Christian Dotremont, qui aurait cent ans cette année, est de ces artistes inclassables et novateurs qui nous font passer des frontières dans le domaine de l’art et de la sensibilité. Il consacra sa vie à la recherche de formes nouvelles. Le logogramme est certainement son invention la plus fascinante.

Pierre Alechinsky, son complice et ami de toujours, a été l’un des premiers à s’intéresser aux logogrammes, tracés à l’encre de Chine, dont il donne une excellente définition : « manuscrit de premier jet où contenu et contenant – imagination verbale, mais imagination graphique aussi – s’entr’inventent, allant à une aventure littéraire et plastique quasi indissociable.1 » Il organise en 1972 la première exposition des logogrammes de Christian Dotremont à la Galerie de France, puis l’exposition « Dotremont, peintre de l’écriture » au centre Wallonie-Bruxelles dix ans plus tard.

Avec ses logogrammes, Christian Dotremont a mené très loin le dialogue texte/image. À tel point que l’on peut se demander si les logogrammes relèvent toujours de l’écrit. S’agit-il d’un texte difficilement lisible dont l’intérêt serait purement plastique ou d’une image faite de lettres et de mots ? S’agit-il d’une expérience qui viserait à abolir toute frontière entre texte et image, expérience qui conduirait à donner à voir le texte, c’est-à-dire à lui conférer une dimension plastique ?

Comme le suggère Yves Bonnefoy, peut-être faudrait-il d’abord saisir le lien qui unit, pour Christian Dotremont, le caractère vivant de l’écriture à celui de la végétation. « Et j’indiquerai maintenant que Dotremont avait cru pouvoir remarquer, quand il n’était qu’un petit enfant encore, que certaines plantes ont une apparence de lettre, que le vent passe dans les herbes comme la main qui écrit court dans les mots : il avait rêvé ainsi d’une continuité de la forme vivante et de celle des signes de l’alphabet, ce qui montre déjà qu’il était prêt à ressentir que les lettres, celles que l’on fait naître avec le crayon ou la plume, ont en retour quelque chose sinon même beaucoup des plantes et peuvent s’emplir comme ces dernières des énergies de la vie.2 » 

Pour Dotremont, il existerait en effet une écriture maîtrisée mais vidée de sa substance par les caractères d’imprimerie et une écriture « à l’état sauvage », qui se déploierait librement. C’est ce qu’il suggère souvent à propos de ses logogrammes : « Le jardinage fausse la nature par soins et pesage de paysage, mise hors course des lenteurs et bondissements qui ne sont pas dans l’ordre, élevage faux comme tout élevage, faux qui abat la vérité nue et la vérité encore naissante, fossilise toute la nature en la classifiant sous mille ordres imbéciles. On est pour le désordre, et surtout du désert.3 »

La nature, Dotremont s’y confronte jusque dans ses déserts. Fasciné par le Grand Nord, il effectue plusieurs voyages en Laponie et cela, malgré une santé des plus fragiles. Le vaste désert de neige se révèle étonnamment fertile. De là lui viennent sans doute ses plus beaux textes en prose, ainsi que l’invention des logogrammes à partir de 1962. On peut même affirmer que l’énergie créatrice, chez Dotremont, est intimement liée au Grand Nord et à la lumière toute particulière qui y règne.

Les logogrammes lui sont révélés par l’observation des paysages lapons  « débarrassés de l’exactitude géométrique », offrant « cette vision infiniment répétée sans jamais de mesure 4 ». Les vastes étendues de neige évoquent une page blanche sur laquelle apparaissent bientôt des taches d’ombre, une forme particulière d’écriture en mouvement. 

« J’ai donc entrepris, Extrême-Nord, de me décentrer, de te chanter sur le désert blanc du papier, de te danser, de ne plus me relire, de t’écrire. 5 » Le logogramme est exécuté à l’encre de Chine noire sur fond blanc, il donne à voir le poème avant que l’on puisse réellement le lire selon les codes traditionnels. Il se situe aux frontières de la poésie et des arts plastiques. Il peut au premier regard évoquer la calligraphie orientale mais s’en distingue par le fait qu’il n’est pas la simple reprise stylisée d’un texte préexistant. « Mes logogrammes sont d’une spontanéité absolue, globale, jamais le texte n’est préétabli ; jamais l’écriture n’est retracée (…) ; je veux que l’invention verbale et l’invention graphique se déterminent autant que possible l’une l’autre. 6»

  Très peu de temps sépare la conception du logogramme de son exécution. Le contenu du texte et son tracé interagissent, sans intention de livrer un message préalablement défini. En ce sens le logogramme, qui peut se développer sur plusieurs feuillets, pourrait s’apparenter à l’écriture automatique pourtant vivement décriée par Dotremont qui lui préfère la notion plus modeste et plus ludique de « spontanéité ». Les logogrammes sont en réalité le parachèvement d’une pratique antérieure, celle des « peintures-mots » de la période Cobra, même si cette fois-ci, Dotremont les réalise seul. 

Le texte en train de naître sous nos yeux est tracé plutôt qu’écrit. Il se montre dans son tremblement originel, dans son rapport intime, presque charnel avec son auteur. Dotremont travaille debout et présente le corps à corps avec le logogramme comme une chorégraphie. Il s’agit d’« écrire les mots comme ils bougent ». 

Christian Dotremont, Écrire les mots comme ils bougent, 1971
source image

écrire les mots comme ils bougent

tellement plus que moi

comme ils foncent au sommet de leur naissance

ou tremblent de chaleur

ou de froid ou brusquement se nouent contre le froid

ou contre le froid se déplient

comme ils se déplient de chaleur ou de tempête ou de pluie

ou se nouent alors aussi, fondent

les écrire de mon désordre certes

mais aussi de leurs caprices

pour que même tout écrits déjà

ils bougent encore dans vos yeux 7

Le logogramme s’offre au regard dans sa globalité, il se déploie dans l’espace, devient « tableau ». Chaque logogramme est accompagné de sa « transcription », mais ce n’est pas elle qui prédomine. Il faut noter cependant que Dotremont n’envisageait jamais de logogramme sans sa transcription et que lorsqu’il lui arrivait de ne plus parvenir à relire les mots qu’il avait tracés et de ne plus s’en souvenir, il préférait le détruire. 

Puis Logogus, l’alter ego de Dotremont, fit son apparition à l’intérieur même du logogramme : 

Ah oui, les plus vrais logogrammes, aux yeux de Logogus, il les a enlevés à une sorte d’absence de préenvie, c’est-à-dire à sa préenvie présente, à l’ensemble semblant dormeur de lui, du papier, du pinceau d’encre, de pensée, de tout, mais sans rêve prévoyant, et que n’a pas même éveillé – aux horlogeries de la fausse vie- sa brusque action.

Sa brusque action, tohu-bohu de temps pêle-mêle dans une projection unique, où n’est pas possible de séparer départ et voyage, écriture et vision et cri, tohu-bohu pourtant silencieux, si loin jusqu’au début du débat 8.

Le logogramme restitue au poème sa dimension charnelle, que notre époque évacue totalement au profit du texte dactylographié. Cette question préoccupait déjà Logogus-Dotremont lorsqu’il animait le mouvement Cobra, bien avant l’invention des logogrammes : « Si l’écrivain écrit, c’est d’abord dans le sens physique : avec la main ; c’est ensuite dans le sens « rédactionnel ». (…) Imprimée, ma phrase est comme le plan d’une ville ; les buissons, les arbres, les objets, moi-même nous avons disparu. (…) La vraie poésie est celle où l’écriture a son mot à dire. 9»

Le logogramme est un moyen de se réapproprier le poème jusque dans sa graphie. Le poème joue ainsi sur tous les tableaux, il s’offre à nous non seulement comme contenu mais également comme objet, brouillant les repères usuels entre signifiant et signifié. Le poème existe visuellement et relève aussi des arts plastiques.

qu’il nous arrive de bafouiller

eh bien bafouillons

puisque nous sommes vivants donc ivres

de trop de ceci de pas assez de cela

puisque c’est bouquet notre vin notre lie

et s’il y a un discours eh bien disloquons

ou plus exactement laissons le discours naître

en sa dislocution

puisque nous sommes des bêtes à vivre et à penser

qui vacillent mais vont mais zigzaguent

de nature puisque nous refusons

toute aile béquille bouée illusion idéologique ou logique 10

Christian DOTREMONT (1922-1979). Logoneige « Nulle part qu’ici le vif ailleurs » , 1976
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En 1976, Dotremont effectue un voyage en Laponie avec Caroline Ghyselen, qui photographie des logogrammes tracés dans la neige avec un bâton : ils deviendront des « logoneiges ». 

Christian DOTREMONT (1922-1979). Logoneige « Nulle part qu’ici le vif ailleurs » , 1976
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Le logoneige est conçu selon le même principe de spontanéité, mais contrairement au logogramme, il s’agit d’une œuvre éphémère, vite effacée par le vent, ce qui lui permet d’échapper à la commercialisation et à l’atemporalité supposée de l’œuvre d’art. Le logoneige ne peut s’inscrire dans la durée, il n’est pas de nature à lutter contre le temps qui passe, contre la mort, il ne peut défier le temps ni la nature. Il se contente d’être ce que l’art semble finalement avoir toujours été, une inscription humaine des plus précaires sur le vaste désert blanc.

©Jean-Christophe Ribeyre, Mai 2022.

1 Pierre Alechinsky, Dotremont et Cobra-forêt, Paris, Galilée, 1988, p.25. 
2 Yves Bonnefoy, Préface des Œuvres poétiques complètes de Christian Dotremont, Mercure de France, 1998, p. 27.
3 Christian Dotremont, « On est allé voir le côté cour », Logogramme réalisé en 1975, Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 504.
4 Christian Dotremont, « Du peu de bois qui me protège » (1961), Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 372.
5 Christian Dotremont, « Sur les îles » (1966), Œuvres poétiques complètes, op. cit.,  p. 429.
6 Lettre à Michel Butor, 15 septembre 1969, Christian Dotremont – Michel Butor, Cartes et lettres, Correspondance 1966-1979, Paris, Galilée, 1986, p. 48.
7 Christian Dotremont, « Écrire les mots comme ils bougent », Logogramme réalisé en 1971, Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 462 
8 Christian Dotremont, « Logstory », Logogramme réalisé en 1973, Œuvres poétiques complètes,  op. cit., p. 481.
9 Christian Dotremont, « Signification et sinification », Cobra n°7, 1950.
10 Christian Dotremont, « Qu’il nous arrive de bafouiller », Logogramme réalisé en septembre 1972, Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 467. 

Les recueils des Éditions Traversées

  1. Paul MATHIEU, Auteurs autour  (2015)
  2. Xavier BORDES, L’Astragalizonte (2016)
  3. Anne LÉGER & Jacques CORNEROTTE, Le Guetteur de matins (2016)
  4. Paul MATHIEU, Le temps d’un souffle (2017)
  5. Rome DEGUERGUE, Girondine (2017)
  6. Frédéric CHEF, Poèmeries (2018)
  7. Remy CORNEROTTE, Seul (2018)
  8. Alain TRONCHOT, Où va ce train qui meurt au loin ? (2018)
  9. Gérard LE GOFF, L’orée du monde (2020)
  10. Ivan DE MONBRISON, La cicatrice nue (2020)
  11. Demosthenes DAVVETAS, Dans le miroir d’Orphée (2020)
  12. Barbara AUZOU – NIALA, L’époque 2018 – Les mots peints (2020)
  13. Christine HERVÉ, De l’autre côté de l’eau (2020)
  14. Paul MATHIEU, Labyrinthe du seul (2021)
  15. Caroline CALLANT, Initiale (2021)
  16. Eric DARGENTON, La fleur des pois (2021)
  17. Guy DENIS, Corps et âme (2022)
  18. Claude LUEZIOR, Sur les franges de l’essentiel, suivi d’Ecritures (2022)
  19. Jamila ABITAR, Chemin d’errance (2022)
  20. Claude LE MANCHEC, Effusions (à paraître, 2022)
  21. Albert GATEZ, Poèmes (à paraître, 2022)
  22. Barbara AUZOU, Epoque 2019 (à paraître, 2023)
  23. Christine HERVÉ, Dernier émoi (à paraître, 2023)
  24. Pierre HELLIN, Terres levées (à paraître, 2023)
  25. Blandy MATHIEU, Poèmes (à paraître, 2023)
  26. Nathalie ROUMANÈS, Trevor cordis (à paraître, 2023)
  27. Michèle GARANT, Traversière (à paraître, 2024)
  28. Francis CHENOT, Un coquelicot sous les décombres (à paraître, 2024)

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Les Poésicales 2022 – Le Service du Livre Luxembourgeois 

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Service du Livre Luxembourgeois

Promotion des auteurs et des maisons d’édition de la province de Luxembourg

© SERVICE DU LIVRE LUXEMBOURGEOIS

Portées par la Province de Luxembourg, « Les Poésicales » ont pour ambition de mettre en relation des musiciens de la plateforme www.lampli.be et des poètes de la province de Luxembourg. Parmi ses objectifs, Les Poésicales cherchent ainsi d’autres manières de faire connaître un auteur, un musicien, un texte ou une œuvre pour toucher un large public et favoriser des rencontres inspirantes. 

Cette année, Les Poésicales posent leurs valises dans un haut-lieu artistico-poétique de la province de Luxembourg : Virton. La finalité du projet sera la mise en chansons de textes poétiques, présentée lors d’un concert public à la salle « Le Franklin » (Virton), le dimanche 27 novembre à 15h00.  

Les partenaires rassemblés autour de la Province de Luxembourg lors de cette 3e édition sont la Ville de Virton et sa Commission Culture, Musique Acoustique asbl, le Collectif Balaclava et la revue littéraire et maison d’édition « Traversées ». 

  • Vous avez déjà écrit de la poésie dans la revue littéraire Traversées et vous avez une actualité poétique à proposer ? 
  • Vous êtes un poète de la province de Luxembourg et vous avez publié un recueil ces 3 dernières années ? 
  • Vous aimeriez soumettre un de vos textes à un compositeur, sélectionné par le jury artistique, pour entendre votre production transformée en chanson ? 
  • Vous êtes disponible le 27 novembre 2022 pour découvrir le résultat, à Virton ?  

Alors, cet appel est pour vous : 

Appel aux poètes

Icône PDF Appel aux poètes

Toutes les candidatures devront être rentrées pour le 31 août 2022. 

A vos plumes ! 

PROVINCE DE LUXEMBOURG

Service du Livre Luxembourgeois

Chaussée de l’Ourthe, n° 74
B-6900 MARCHE-EN-FAMENNE

Du lundi au jeudi : 8h00-12h30 / 13h00-16h00

+32 (0)84/31.34.78

sll@province.luxembourg.be

Lecture de mai 2022 de Patrick Joquel

Patrick Joquel

www.patrick-joquel.com

Poésie

Titre :Tant que chantent les merles

Auteur : Colette Andriot

Illustrations : Valérie Linder 

Éditeur : L’Atelier des Noyers 

Année de parution : 2 022

14€

Colette Andriot nous invite à passer un moment dans son jardin. Un jardin de ville. On s’y promène au milieu des fleurs, des arbres, des herbes folles. On y rencontre des oiseaux, des escargots, des lombrics. Du silence aussi. Des couleurs, des parfums.

Un voyage minuscule et quotidien : la vie tout simplement. La vie d’une planète, à hauteur de jardin. Un jardin de ville. Le tout petit rejoint l’immense. Rejoint aussi l’actualité : tout n’est pas aussi paisible que ce jardin en ce monde et l’autrice en est consciente. Consciente aussi des luttes pour vivre à hauteur de végétaux, d’animaux.

Rien n’est aussi simple qu’on croit le voir ; même le poème. Même ce livre. Y entrer, c’est entrer dans l’univers.

Les illustrations de Valérie Linder sont joyeuses et colorées. Elles incitent à la contemplation ; comme si on y était dans ce jardin.

Un beau livre à mettre dans toutes les mains et sans modération.

Un jour on quitte

son jardin devenu trop petit

pour aller visiter le monde

cependant

on l’emporte pour

toujours 

dans ses bagages.

https://www.atelierdesnoyers.fr/


Titre : La maison, le jardin et le rêve

Auteur : Paul Bergèse

Illustrations : Solange Guégeais

Éditeur : Voix Tissées

Année de parution : 2 022

15€

Le quinzième album carré de Voix Tissées, collection AAA. Une merveille de douceur et de couleurs. Les pages nous permettent d’entrer dans un jardin. De s’y promener. D’y rêver. 

Bien sûr il y a la maison. Une de ses maisons à parfum de nostalgie d’enfance. La maison du bonheur innocent. Et le jardin. Immense. Mystérieux. Toujours pareil et jamais identique. Les jeux. Les oiseaux. Les fleurs. Les insectes. Les cachettes. Le fil des jours heureux. Des jours colorés. 

Des poèmes pour embaumer l’esprit du lecteur. 

On est bien dans ce livre et les illustrations donnent une part colorée aux rêves de lectures. 

Une réussite. 

À mettre dans les écoles dès la maternelle et bien au-delà bien sûr.


Titre : L’âcreté du kaki

Auteur : Gorguine Valougeorgis 

illustrations : SIXN 

Éditeur : Mars-A 

Année de parution : 2 022

15€

première partie de ce livre : L’âcreté du kaki

Il y a la vie de tous les jours. Les mots de tous les jours. Les rues de tous les jours, comme celle qui mène à l’école. Les arbres de tous les jours, comme le kaki de la rue qui mène à l’école. Les fruits de saison, comme le kaki que l’on cueille et offre à sa petite sœur. Le kaki qu’on aspire et dont le jus dégouline au menton.

Rien n’est plus beau que les secondes… 

qui font du kaki rond un jus 

coulant son son menton que sèche son rire 

La vie de tous les jours.

Et puis il y a la terreur. 

Le ciel a

tous les cerfs-volants

avalés

plus un rêve ne vole dehors

il y a l’enfer maintenant

Le désir de partir pour survivre. Le départ. 

Une frontière comme une ligne

une corde à sauter

L’exil. La vie d’un migrant comme on dit. La vie de tous les jours d’un migrant. Une vie à traverser les mers. Les pays. Les gens. Ceux qui te voient. Ceux qui ne te voient pas. Ceux qui te sourient et ceux qui ne te sourient pas. 

La vie de tous les jours d’un jeune migrant vendeur à la sauvette de cigarettes place de la Chapelle à Paris 

… cet œil adolescent

qui vient à peine d’éclore

mais qui

n’a déjà plus rien dedans

même plus une larme

où se baigner… 

…il passe sa vie 

à passer

d’un pays à l’autre

d’un trottoir à l’autre

d’un quartier à l’autre

d’un papier à l’autre

d’un rejet à l’autre

d’un boulot à l’autre

d’une pelle à l’autre

d’un balai à l’autre

sans qu’on le voie

voilà des mots pour accompagner le cheminement d’un adolescent migrant ou d’un migrant adolescent, on ne sait plus trop dans quel sens mettre les mots. Le cheminement d’un être humain. Des mots partagés lors de rencontres entre l’auteur et le jeune homme. Des mots à partager à notre tour. Des mots pour apprendre à voir aussi. 

Deuxième partie : Reflet rouge

l’auteur, issue lui-même et comme tant d’entre nous, d’un voyage, d’un exil, d’une migration : parents, grands-parents… s’interroge à son tour sur sa présence ici. Comme beaucoup d’entre nous. À partir de combien de générations est-on d’ici ? Avec quel service rendu à cet ici qui pourrait être ailleurs ?

Qu’est-ce qu’on a perdu (sans le savoir vraiment puisque cette perte vient d’avant soi) ?

Gorguine Valougeorgis semble nous dire à travers ses textes que le langage avec ses langues multiples est une clef pour dire son identité. Une car il en existe plusieurs, comme celle qui permet de s’ouvrir à l’autre, de l’accueillir et de cheminer avec lui. Et tant d’autres à découvrir…

les encres et aquarelles de SIXN vibrent en silence avec les poèmes. On reste à les contempler en entendant résonner les mots du poème.

Un livre dense à offrir, à partager et à donner à lire dès le collège.

marsa@free.fr


Titre : Une traversée de soi

Auteur : Chantal Couliou 

Éditeur : Les Éditions Sauvages

Année de parution : 2 022

Une recueil de poèmes confinés. Périodes que nous avons tous traversés, chacun à notre manière. Pour Chantal Couliou, ce fut avec les mots (stylo, crayon ou clavier, peu importe). Elle n’est pas la seule poète à avoir exploré ainsi cette traversée. D’autres livres sont écrits et ont déjà été ou seront publiés autour de ces moments.

Des poèmes écrits derrière la fenêtre, alors qu’il fait si bleu dehors… Et le bleu en Bretagne… 

des poèmes qui s’interrogent sur la fuite des jours. Sur la fragilité de la vie, de sa vie. Des poèmes qui cherchent l’espérance.

Inventer

une nouvelle cartographie

de la terre

pour se frotter au monde.

Pourquoi 

ce besoin de bouger,

ce besoin d’échapper au quotidien,

ce besoin d’explorer l’inconnu, ce besoin de lever l’ancre ?

Cet appel de l’inattendu,

de nouvelles destinations.

Insatiable désir.

Toujours en quête

d’un ailleurs-

indéfinissable.

On repasse 

toujours aux mêmes endroits

dans les mêmes traces-

en boucle.

Relié à l’autre,

aux autres

par des fils invisibles

dans l’espace,

dans le temps.

Ce recueil a obtenu le prix Paul-Quéré 2021-2022

https://editionssauvages.monsite-orange.fr/index.html


Titre : Prends ces mots pour tenir

Auteur : Julien Bucci 

Éditeur : La Boucherie littéraire 

Année de parution : 2 022

9€

Un petit livre de poèmes pour accompagner les derniers mois d’une mère. Comment se tenir face à ce bientôt l’absence, ce bientôt vide ? Face à la douleur de l’autre ? Cette douleur physique qui prend le dessus sur tout le reste ? Cette tristesse infinie ?

La maman, dit Julien Bucci, se récite des poèmes. Des poèmes appris par coeur, pour atténuer sa douleur.

les mots mantras

s’approchent de ton chevet

ils viennent en nombre

te rassurer

ces mots 

tu les tenais

les retenais par cœur

au fond ces mots c’était

déjà

de quoi tenir

On est tous confronté plus ou moins tôt, plus ou moins souvent à ce rendez-vous avec la mort. Le vide. L’absence. Avec cette interrogation sur la vie ? Les poèmes suivent ces points d’interrogation. 

Les mots qu’on partage, aussi simples soient-ils, permettent de garder le lien entre celui qui reste et cette qui s’en va. Le langage et la pensée façonnent notre humanité. Quand disparaît toute parole, la vie disparaît aussi.

La solitude cependant n’est jamais totale, même au fin fond de la douleur

tu n’es pas seule 

au fond 

tu es reliée

à ton cœur qui palpite

aux artères qui irriguent ton corps

reliée

tu l’es 

à ton histoire

à celles et ceux qui étaient là

avant toi et pour toi

tu es reliée aussi à celles et ceux 

qui vont te suivre et seront là

pour dérouler ce fil

sans fin

tu es reliée

à tous les mots que tu as prononcés

à toutes les caresses que tu as reçues et

toutes celles qu tu as offertes

à un père et une mère

qui t’ont invité à venir

au monde

tu es reliée

à tes émotions

à ton corps

qui frissonne

à ce corps qui te parle

tu es reliée

à ces mots mêmes

qui me relient 

en ce moment 

à toi

tout est relié

ici et maintenant

tu es reliée

comme une part du monde

une part du tout dans le tout

tu es là

toi reliée

à tout

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Revue

Titre : Gustave 2

Auteur : revue

Éditeur : LE CENTRE DE CRÉATIONS POUR L’ENFANCE DE TINQUEUX
www.danslalune.org

Année de parution : mai 2022

Un second numéro que l’on peut lire sur écran ou que l’on peut imprimer. Huit pages, 5 poèmes, 5 poètes et une règle de jeu d’écriture proposée par Bernard Friot.

Les cinq poètes : Chiara Carminati, Mélanie Leblanc, Sandra Lillo, Charles Pennequin,Thierry Renard.

Des poèmes à partager en classe, avec les amis, en bcd ou cdi, médiathèque. Lire ou écouter un poème par jour au minimum est bon pour la santé mentale, le moral et la vie, une petite revue supplémentaire permet ainsi d’augmenter même discrètement la présence du poème au quotidien. À chacun de la donner à d’autres comme une chaîne d’amitié.

l’abonnement est gratuit sur le site www.gustavejunior.com

*


Patrick Joquel

www.patrick-joquel.com

Titre : Collectif POÉTISTHME

https://poetisthme.cargo.site/

Année de parution : 2 022

Un numéro spécial consacré aux violences des guerres. Des poèmes, des images. L’art comme témoin, comme solidarité, comme partage, comme désir d’humanité. Pour aller un peu plus loin, un peu plus haut.

Un numéro spécial à donner à lire, à partager. 

Ce sont ces petits signes d’humanité qui portent et accompagnent l’humanité vers un horizon un peu plus humain.

***

Aujourd’hui c’est mon jour de service…
Aujourd’hui c’est mon jour de service,
je veille sur notre champs
dont la terre réchauffée sourit au printemps,
au-dessus de moi des avions volent comme des oiseaux de fer,
je les observe
pour voir si c’est l’ennemi et si des visiteurs importuns avec leurs parachutes
n’arrivent pas,
mon chien est avec moi,
j’appelle ma femme
pour demander comment elles vont, elle et notre fille,
elle me répond qu’elles sont dans un abri anti-aérien,
qu’elles attendent que l’alerte soit finie
et je pense que pour qu’il n’y ait pas de guerres,
il faut fabriquer non pas les balles,
mais les produits paisibles de la culture,
la poésie de l’évolution du bonheur général
est ma position principale,
c’est pourquoi je défends la construction de l’État
sur la base du bien poétique !

35
Сьогодні моя доба чергування,
охороняю наше поле,
яке зігрітою ріллею посміхається весні,
наді мною залізними птахами пролітають літаки,
придивляюся чи не летить ворожий,
та чи не приземляються непрохані гості з парашутами,
зі-мною друг пес,
телефоную дружині,
питаю як вона там з дочкою,
відповідає що сидять в бомбосховищі,
чекають на відбій повітряної тривоги,
а взагалі, для того аби не було війн,
більше за кулі треба виготовляти
мирні продукти культури,
і поезія еволюції всещастя
є моя головна позиція,
тому захищаю конструкцію держави
в основному – добропоетичну!

©mykola istyn
poèmes traduits de l’Ukrainien par ella yevtouchenko 

mykola istyn a envoyé ses poèmes-témoignages depuis le front de l’Ouest Ukrainien. 

Collectif POÉTISTHME: https://poetisthme.cargo.site/


©Patrick Joquel:www.patrick-joquel.com