NOUVEAU aux Éditions Traversées



Voici que pour ses quatre-vingt-deux ans, le poète W. Cliff mainte fois couronné (Prix Goncourt de poésie en 2015 notamment) nous délivre un épais volume de poèmes, composé de vers en forme de sonnets désinvoltes, souvent rimés, sous-tendus d’un humour observateur et plein d’humanité, qui a pour titre « Les destins ». L’ensemble compose une sorte de roman, où s’entrecroisent en effet les fragments de destinées des personnes auxquelles le poète a eu à faire, pour toutes sortes de raisons qu’on découvrira. Cet ensemble de destins trace en filigrane une sorte de biographie de l’auteur, pleine de fantaisie et de personnages comment dire, euh, « hétéroclites » ainsi que les rencontres variées que peut lui avoir ménagées une vie plutôt longue et riche. Le poète y mêle à parts égales le sérieux et la légèreté, l’abîme existentiel et la superficialité de l’anecdote, dans sa manière savoureuse et originale, immédiatement reconnaissable. Sonnets aisés à lire, pointillés poétiques de moments où sont saisis à l’état brut des éclairs de réalité. Une écriture qui, de même que la forme sonnet, souvent semble l’apanage de l’âge et correspondre à des écrivains qui, n’ayant plus rien à prouver, s’adonnent à une liberté d’écrire en quelque sorte printanière, associée à une rigueur formelle qui solidifie les poèmes avec une aisance due à une longue pratique. Traitant ainsi, à la manière de la vie elle-même, du grave et du léger, du ferme et de l’évanescent, en les déployant sur le même plan à travers le livre. J’ai particulièrement apprécié les sonnets des pages 261 à 270 qui racontent « l’Avenir », histoire d’un bateau qui me semble fort bien symboliser le périple de la navigation poétique en elle-même, l’écrit figurant, sous forme de leurre, le vaisseau du « logos ». Je souhaite au lecteur d’éprouver la même jubilation qu’on sent avoir été celle de l’auteur à composer ce massif – néanmoins subtil et facile d’approche – volume poétique, qui feint d’être (et qui est peut-être) le résumé secrètement testamentaire d’une vie distribuée comme si c’était une année, en presque un poème par jour !…
329 pages, 30€
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