Valérie Trierweiler, Le secret  d’Adèle, Éditions des Arènes ; (320 pages – 20€), Mai 2017.

Chronique de Colette Mesguich

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Valérie Trierweiler, Le secret  d’Adèle, Éditions des Arènes ; (320 pages – 20€), Mai 2017; ISBN 978 2 35204 615 8


« Durant les séances de pose, Adèle se sent légère, comme si l’art de Klimt avait répandu en elle une force régénératrice. »

A dix-huit ans, Adèle, issue d’une famille bourgeoise viennoise, épouse un riche industriel. Ferdinand est un homme généreux et bienveillant.

Au début du XXème siècle, la vie intellectuelle est florissante et Gustav Klimt, peintre avant-gardiste, refuse le conformisme et crée «La Sécession viennoise », nouveau courant artistique.

Novateur doublé d’un séducteur impénitent, il est inspiré par les estampes chinoises et japonaises. La perte de deux enfants plonge Adèle dans une profonde mélancolie. Un portrait ne serait-il pas un parfait antidote ?

Durant les séances de pose, Adèle est fascinée par le dynamisme du peintre, par sa culture, par son assurance et par son rejet de toute contrainte ! La puissance de cet amour a occulté son mal-être et cette renaissance se traduit par une adhésion  à l’émancipation des femmes.

Mais le doute ternit cette passion dévorante quand Gustav souligne :

«  Rien ne dure jamais. Seul l’art transcende tout. »

Et l’or n’illumine plus les œuvres de ce peintre génial. L’écrivaine ne nous livre-t-elle qu’un portrait de femme finement ciselé ? N’est-ce pas un plaidoyer contre la domination mâle ? N’est-ce-pas une diatribe contre le rôle réducteur dévolu aux femmes à cette époque là ? Valérie Trierweiler signe un roman subtil et captivant, riche en rebondissements.

©Colette Mesguich

 Émilie de Turckheim, Le prince à la petite tasse, Editions Calmann -Levy, Août 2018 (216 pages – 17€)

Chronique de Colette Mesguisch

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 Émilie de Turckheim, Le prince à la petite tasse, Editions Calmann -Levy, Août 2018 (216 pages – 17€)


 

 

« Pour accueillir quelqu’un, il ne faudrait pas accueillir l’hôte par des cris de bienvenue, mais le laisser prendre sa place en se déplaçant souplement. »

Ainsi s’exprime Émilie de Turckheim. Avec son mari, Fabrice, ils ont hébergé un Afghan, âgé de vingt-et-un ans. Il a traversé plusieurs pays du Moyen-Orient et son séjour en Norvège s’est soldé par un échec. La narratrice, avec diplomatie et une infinie patience, explique à Reza, fait appel à sa réflexion mais se garde de juger. Mais peut-elle remplacer sa mère ? Ils ont été séparés et les recherches ont été vaines. Il garde de son passé des habitudes de prince et ne peut boire son thé que « dans une tasse de fine porcelaine ».

Il explore les rues de Paris. Il fait preuve envers les enfants, Marius et Noé, d’une grande sollicitude et n’oublie pas les réfugiés moins bien lotis que lui.

Émilie l’incite à suivre les cours de français assidûment. Elle lui répète que le rejet et l’exclusion sont souvent générés par une interprétation erronée des propos des exilés.

L’intégration de Reza peut-elle être mise en doute ?

 

La décision de ce couple de franchir le pas a été probablement insufflée par leur générosité et leur ouverture à l’autre. Ces idées, ils ne se contentent pas de les clamer, ils les mettent en pratique. Ce récit émouvant est émaillé de poèmes de l’écrivaine qui exhalent sa sensibilité et son empathie. Tous, dans cette famille, ne nourrissent qu’un espoir ; c’est que « Reza s’enracine ici, pousse ici, fleurisse ici, en France ».

 

©Colette Mesguisch

Jean-Christophe Rufin, Le suspendu de Conakry,  Flammarion, Mars 2018, ( 310 pages – 19,50 €)

Chronique de Colette Mesguisch

 

Jean-Christophe Rufin, Le suspendu de Conakry,  Flammarion, Mars 2018, ( 310 pages – 19,50 €)

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«  La gymnastique mentale à laquelle il se livrait d’habitude, il allait pouvoir l’utiliser à bon escient dans cette enquête parallèle. » Rien ne prédisposait Aurel, consul de Conakry, à occuper ce poste prestigieux. Un mariage – qui dura peu de temps – avec la fille d’un diplomate, le propulsa au Quai d’Orsay. Depuis, il trompe son ennui dans des destinations lointaines, en jouant du piano… Le consul général est absent et cet être effacé va révéler des qualités insoupçonnées dans une affaire épineuse.

Un homme est suspendu au mât de son voilier amarré dans une marina. C’est un gros industriel qui a vendu son entreprise et tout l’argent se trouvait dans un coffre dévalisé! La compagne du pendu Madame Fatima a disparu. Aurel multiplie les contacts avec les proches de l’industriel. Sur le voilier, il découvre un indice capital et ses flâneries le long des quais lui révèlent des individus suspects.

Ce roman ne serait-il qu’une histoire policière ? Certes non ! D’un seul trait de plume, Jean-Christophe Rufin campe une galerie de personnages avec talent et que dire de l’humour décapant ! Il suggère aussi à un diplomate de manifester « de l’étonnement, de l’approbation et de la soumission dans ses relations avec autrui. » N’est-il pas judicieux d’utiliser les astuces, les techniques de la diplomatie pour résoudre une énigme policière ? Ce roman – dont la portée moralisatrice est patente- est la réhabilitation d’ Aurel, homme obscur et méprisé. C’est lui qui fait éclater la vérité ! Quelle revanche ! Quel roman jubilatoire !

©Colette Mesguisch

 

 

Les jonquilles de Green Park, Jérôme Attal, Robert Laffont,

Chronique de Colette Mesguisch

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Les jonquilles de Green Park, Jérôme Attal, Robert Laffont, (213 pages – 17,50€)

« Les jonquilles de Green Park, belles et fières
dans le vent puissant et douloureux d’Avril».


Le narrateur a treize ans en septembre 1940. Il nous fait le récit de la vie à Londres sous les bombardements nazis. En observateur avisé et avec un style fleuri, il évoque la vie quotidienne. Les incartades de ses camarades pimentent le roman et sont révélées avec une infinie tendresse et un humour revigorant. Les amourettes d’adolescents ne sont pas passées sous silence.

Avec une ingénuité touchante, il dévoile la vie de sa famille, les travers des personnes qu’il côtoie sans s’appesantir. Son père « n’a pas de travail sérieux », dit-il, « il a un métier d’inventeur ». Il cultive habilement l’art de la litote quand il énonce les horreurs provoquées par les bombes. Et même, un soir de Noël, le refuge dans un manoir victorien prend des allures de fête. « La bonne humeur se réverbérait dans cette ambiance étrange», clame-t-il.

Un rêve illumine ce roman et, par sa récurrence, c’est l’espoir salvateur : celui de devenir écrivain. Avec un soin méticuleux, il rédige un journal avec « des colonnes des plus et des moins ». Parfois cet écrivain en herbe laisse son imagination vagabonder et nous gratifie de remarques pertinentes sur l’écriture « qui est le bonbon magique de l’existence ».

Un aspect paradoxal, mais séduisant, de ce roman réside dans ces interrogations :

Comment un enfant de treize ans peut-il avoir une telle maturité ?

Pourquoi insiste-t-il avec emphase sur l’atmosphère festive durant les alertes ?

Pourquoi évoque-t-il le passé et sa grand-mère Granny Rose ou encore Mila dont il est amoureux ?

Jérôme Attal, en psychologue subtil, nous livre ici un bel exemple de résilience.

Les jonquilles « qui ne plient jamais » ne sont-elles pas le symbole de la résistance ?

Que dire de l’image tutélaire de Churchill ? Souligner le courage du peuple britannique, tel est le message véhiculé par l’auteur qui me semble être en parfaite adéquation avec la citation : « Il faut garder une part d ‘enfance dans l’âge adulte afin d’être capable d’aimer». Un roman attachant.

©Colette Mesguisch