Eric Dubois, Langage(s), éditions unicité, 57 pages, 2017, 12€

Chronique de Lieven Callant

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Eric Dubois, Langage(s), éditions unicité, 57 pages, 2017, 12€


La poésie d’Eric Dubois témoigne d’une grande spontanéité et cette effervescence est à mes yeux l’une de ses plus belles qualités. C’est que derrière le poète se cache un homme sincère, un témoin passionné de poésie, un peintre, un artiste. Il anime joyeusement la revue littéraire en ligne « Le Capital des Mots » et publie par cette voie de nombreux autres auteurs.

Depuis fort longtemps aussi, il partage sur son blog « Les tribulations d’Éric Dubois » et sur divers réseaux sociaux ses propres écrits. Il a su par exemple habilement jouer avec les caractéristiques de Twitter (messages courts de portée éphémère) pour y diffuser des micro-poèmes qui soulèvent des questionnements qui n’ont rien de passager. Ce livre en reprend quelques uns diffusés entre 2013 et 2015 sous le hashtag #Laboratoiredulanguage.

La première partie concerne donc des expérimentations sur le langage et en particulier les aphorismes. De bribes, autrement dit d’éclats de conversations ou plus exactement de monologues intérieurs, il tente de tisser malgré tout un ensemble qui ne ferait nullement oublier au lecteur l’idée de morcellement initial. Le texte s’appréhende donc de manières différentes: Les points ne sont pas reliés entre eux ou au contraire se suivent et établissent de nouvelles correspondances. Du langage, le poème, le mot est une fraction qui se lie aux fractions du silence, aux impasses du message et des significations, aux principes et structures langagières.

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L’écriture se veut légère, portée par de multiples respirations, espacée de blancs comme les coups de pinceaux sur une toile qu’on commence à peine à découvrir.

« L’esprit s’élève quand le monde est léger »

Pour Eric Dubois, les mots forment un ciel « La peau danse dans le ciel des mots » ou ont une peau qui «  recouvre bien des silences et des incertitudes », « le mot est le soleil du langage » « et empourpre les sourires »

et comment lire ce qui suit où « pour conquérir » se tient comme en retrait, à l’écart du reste de la phrase, comme dans sa marge?

 

Il faut élargir le cercle ……………………………………………………………….pour conquérir
d’autres prérogatives

circonstanciées »   

Le poème consigne plus d’incertitudes et d’hypothèses que d’affirmations.

« Nous sommes des cris des couacs des chutes des ploufs »

La nuit est impossible et Horizon closent le recueil. Ici aussi on peut songer qu’il s’agit de deux plus longs poèmes ou au contraire d’une multitude de plus petits poèmes car chaque parcelle se suffit à elle-même comme elle peut tout aussi bien faire partie d’un ensemble beaucoup plus large.  C’est sans doute en cela qu’on mesure la force de l’écriture d’Eric Dubois, chaque mot trouve sa place sur la page, dans le silence, on finit par ne plus savoir si c’est lui qui porte le silence ou si c’est le silence qui apporte le mot vers la phrase. Le langage est pluriel, il comporte plusieurs facettes et le titre du recueil nous le rappelle.

Cela, l’écriture, la voie choisie par le poète est à la fois simple et d’un raffinement complexe et savant, comme on en remarque parfois dans les jardins. Vous pourrez lire le recueil sans vous arrêter, sans deviner même qu’il est le fruit magique d’enchainements judicieux, d’un cheminement attentif et intentionné. Eric Dubois fait simple et réussit à évoquer par cette manière si personnelle un univers dense, un monde à multiples facettes sans nous en faire porter le fardeau, la charge négative. On ne peut que l’en remercier.

©Lieven Callant