TINO VILLANUEVA – Anthologie de poèmes choisis, (trad. O. Boutry et O. Caro – Ed. L’Harmattan. 126 pp. Edition bilingue.)

Une chronique de Xavier Bordes

 

TINO VILLANUEVA – Anthologie de poèmes choisis, (trad. O. Boutry et O. Caro – Ed. L’Harmattan. 126 pp. Edition bilingue.)

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Tino Villanueva est né en 1941 au Texas, a fait à la force du poignet une brillante carrière universitaire, et écrit six recueils de poèmes très particuliers, souvent d’une émotion extrême, dont les thèmes sont liés à son sort de descendant de « chicanos », issus du « barrio » mexicain, aux USA. Ce sont des poèmes – le premier recueil surtout – en partie spontanés d’un autodidacte, promis à devenir plus tard professeur dans plusieurs universités, dont celle de Boston où il sera spécialiste notamment des idiomes issus de mixages culturels. Cette poésie très directe et intense offre un climat à la fois déroutant, dans certains cas, et plein d’humanité, que les deux traductrices ont su rendre avec une simplicité que j’ai trouvée élégante et très efficace. De plus chaque poème comporte son original en regard., ce qui devrait être la règle de ce genre d’éditions, même si cela double le volume du livre… L’arrière-plan de cette œuvre, bien connue aux USA, est celui d’une ascension vers la culture et la poésie, mue par un espoir violent et obstiné, à partir du « bas de l’échelle sociale ». Toute une philosophie de la destinée humains y est sous-jacente. Il y aurait tellement de commentaires à faire sur ce poète, sur la mixité des langues qui l’intéresse, sur son rapport au temps, à la destinée, sur sa confrontation à la société contemporaine, que j’invite les lecteurs éventuels qui m’accordent un peu de sens poétique à se pencher sur ce premier livre en français de la poésie d’un auteur jamais traduit, à la personnalité passionnante, et qui reflète tellement profondément le sort de tant de personnes de notre temps qui ont vécu, ou qui descendent de personnes qui ont vécu, l’aventure de l’immigration à partir de pays en difficulté, vers des sociétés occidentales de plus haut niveau. Par de simple trait surgissent les problèmes de l’acclimatation à une culture très différente, plus exigeante et plus compétitive que la société d’origine. Il y a de longs poèmes, mais aussi de petits poèmes qui en disent long et je ne puis me retenir d’en citer un sur lequel je finis cette note :

NE PAS SAVOIR, À AZTLÀN

La façon dont ils te regardent
les maîtres d’école
la façon dont ils te regardent
les ronds de cuir de mairie
la façon dont ils te regardent
les flics
la police à l’aéroport
tu ne sais pas si c’est pour quelque chose que tu as fait
ou pour ce que tu es

À mon sens, on entre ainsi de plain-pied dans la poésie de Tino Villanueva, écrivant son XXIème siècle, de fait celui de tous !

 © Xavier BORDES