Laurent Grison, L’homme élémentaire, Collection Atelier, Color Gang, novembre 2016.

Chronique de Lieven Callant

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Laurent Grison, L’homme élémentaire, Collection Atelier, Color Gang, novembre 2016.


Ce qui me semble élémentaire à l’homme, primordial au même titre que l’eau, l’air, la terre et le feu, c’est l’art. La faculté d’en apprécier la magie. Le silence, la beauté inventée. La possibilité de créer.

Je pense que la poésie de Laurent Grison se nourrit de l’art plastique, en explore les frontières. Les mots construisent sur l’espace blanc de la page ce qui pourrait être une toile. La ponctuation installe respirations, segmentations du temps, rythmique vitale. La lecture devient une performance artistique car le poète nous invite à entrer dans le jeu, à mettre en scène les phrases.

Par cette simple évocation :

Ce sont

(et il le sait)

Les larmes de la piéta

Laurent Grison convoque Michel-Ange qui a su imposer au marbre blanc une fabuleusement transformation. Transformation élémentaire de la pierre en chair.

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By Juan M Romero (Own work) [CC BY-SA 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)%5D, via Wikimedia Commons

Ventre fécond:

vie: vie: vie: vie:

(Le marteau casse le marbre )

Plus loin, les formes élémentaires (cercle, ligne courbe, triangle, carré, rectangle ) rappellent le discours qu’entretient l’art moderne avec la fin de la figuration. Je pense alors à Piero Manzoni et à ses célèbres lignes remettant en cause le statut de l’œuvre d’art et par la même occasion le rôle même de l’homme-artiste en enfermant dans une boîte un ligne tracée à l’encre d’imprimerie sur une feuille de papier. Est-ce une portion de l’infini qui nous est ainsi proposée? Est-ce la limite ultime de l’acte créatif qui est démontrée?

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Crédit photographique :© Adagp, Paris Piero Manzoni (1933 – 1963) Linea M. 10,1, 9/59 (Ligne longue de 10,1 mètres, 9/59) septembre 1959

Laurent Grison nous propose dans le même esprit d’une recherche ultime, des listes. « Liste des éléments de l’origine du monde », « liste des formes ».

————marche——-sur———-une————-ligne———d’encre———noire————-(une seule ligne car l’écriture et la vie ne tiennent qu’à un fil de soi)———

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Sur la couverture des lignes, des coulées d’encre semblent tracer le profil d’un homme, sa structure élémentaire qui ne se limite pourtant pas uniquement à celle d’une ombre, d’un squelette. L’homme élémentaire est également un objet-livre, une oeuvre graphique d’une beauté épurée, on savoure la qualité du papier, la mise en page originale et la place laissée au silence, à l’air, à la respiration.

L’interprétation de ce poème, de ces poèmes, de ces signes graphiques ne se limite pas à ce que je viens de présenter ici par ce texte. Les lectures sont ouvertes, on ne rencontre pas de portes fermées, seulement des mots, des mots, des mots, des mots comme aime nous rappeler le poète. Le jeu consiste à se laisser porter par les liens symboliques que suggèrent les phrases.

© Lieven Callant

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