Albert STRICKLER, HORS JE

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  • Albert STRICKLER, HORS JE, Journal 2011 ; Le chant du merle, Le Touneciel, 2012

Comme on pratique une gymnastique de l’esprit, une sorte de yoga mental au plus quotidien des quotidiens, Albert Strickler poursuit imperturbablement l’écriture de son Journal. Ici le Journal 2011, neuvième du genre intitulé HORS JE comporte une contrainte d’écriture supplémentaire qui consiste à ne jamais employer « je », le pronom personnel et portatif, dont l’absence équivaut à effectuer une contorsion du langage, un évitement nécessaire à projeter l’auteur vers un champs de travail « hors (de) soi » et par extension comme en survol ; Vogelperspektive… Ce Journal offre à nouveau un foisonnement de précieuses et de monumentales fresques narratives, véritable méditation augmentée par la pratique d’années d’écriture de ce genre littéraire qui mûrit les Journaux via l‘exercice quotidien et radical de cette expérience diaristique utile à tenir ce pari un peu fou d’expérience cathartique en partage.

Ainsi doublement inspiré par un mouvement critique pendulaire réitéré, – le regard extérieur est porté sur ce qui est tangible, de l’infinitésimale leçon de vie et de choses décelable dans une goutte de pluie ou de pleur, à la cosmographique énigme interrogée pour savoir, – tandis que le regard intérieur est porté sur tout signe de présence / prégnance dans l’absence ; sur les temps météoro/logiques de l’âme et du ciel ; les traumatismes ; la permanence de la ronde des saisons… le chant du merle, et oh ! sur les paroles traversières de compagnons de route – qu’on reproche parfois à Albert Strickler de citer, par crainte que sans elles, son verbe ne soit jugé de : ni assez dense, ni assez expressif (qui le craint ici ?) ; comme si ces paroles de grands prosateurs, poètes et autres penseurs, ne méritaient pas de figurer, telles quelles. De figurer… oui, il s’agit de cela aussi : de figures de styles ; de climats ; de figures exemplaires achevées, ou plutôt abouties, comme des œuvres d’art, auxquelles il ne faut pas toucher. Touche-t-on aux œuvres d’art d’une collection ? Non ! Ici, c’est pareil.

À propos des citations que l’auteur verse dans ses Journaux, il est certes utile de souligner, d’une part, qu’elles font partie intégrante du genre littéraire exercé ici avec vigueur et, d’autre part, parce qu’elles incarnent autant de pertinentes illustrations ; de clins d’œil transgénérationnels du genre : Hut ab ! des ponctuations et autres sources vives ; les meilleures qui soient, puisqu’elles sont des A.O.C. de fabrication ; appellation d’origine contrôlée et re-connues comme telles ; infiniment partageables, enrichissantes, et participent aussi – et ce n’est pas rien, à une meilleure connaissance du lecteur pour la propre manière de voir le monde de l’auteur – seine persönliche Weltanschauung, à travers la Weltliteratur que Strickler verse de façon réfléchie et éprouvée à ses Journaux, et déjà prônée par Goethe selbst. De plus, cet auteur attentif n’effectue-t-il pas là un judicieux tri sélectif dont tout lecteur devrait lui être reconnaissant ?

Il est aussi plus aisé pour le lecteur de discerner les modes d’articulations de l’œuvre en progression, de voir se dessiner peu à peu le portrait, les traits de caractère, les préférences et les hésitations, contenues – à livre ouvert, dans la retranscription du réel vécu par l’auteur ; virtuose de descriptions vertigineuses en cascades. Ce processus tend ainsi à créer une ligne – tantôt de fuite, tantôt de continuité, entre le monde extérieur et le monde intérieur, propre semblerait-il à construire, re-constuire le narrateur lui-même, ce Wanderer, musicien du monde qui distribue ici une symphonie de perceptions serpentines, sans doute utile à dénouer une angoisse ancestrale, à assécher des marécages psychologiques, et à opérer un déchiffrement existentiel, singulier / pluriel.

On ne peut en effet réaliser cette écriture – au long cours, forgée, initiée dans la solitude nécessaire pour se concentrer et déployer une énorme énergie (hors-norme), sans craindre de rester dans la marge. Mais être en marge peut avoir du bon, évitant de la sorte de succomber aux chants des sirènes, d’être tourneboulé par les rumeurs et autres agitations contemporaines – au souffle court, car sautillantes, primesautières, creuses et vaines.

Ainsi, jour après lune, Albert Strickler pose-t-il les jalons de verre de son œuvre d’hui et de demain, afin d’aboutir sans doute à une unité complexe, dotée de rythmes, de souffles et de dialectiques si différentes, ouvrant un champ d’énergie et d’être au monde du vivant & des choses différencié, plus subtil aussi, utile à se maintenir dans une rectitude approximative et à propager des idées qui nourrissent un espace élargi où résonnent / raisonnent des accents littéraires en correspondances communicantes – à sauts et à gambades, ainsi que l’entendait Montaigne, traversés de tendresse, de moments d’épiphanies, de doute, d’intranquillité, portés par une voix désirante, ardente et passionnée, si complétudément poétique.

Écriture respirante, observante encore, passée par une expérience sensible, à la fois physique et intellectuelle ; véritable chantier de tous les possibles, vibrant de réseaux pluriels d’échos diffractés du monde réel et d’un monde rêvé. D’un monde à venir aussi, émergeant d’un processus double et vital, consistant à appliquer des principes de réalité, de réflexion et d’action savamment mêlés, dosés, mêmement expérimentés, façonnés, en bon artisan qu’il est, doté semble-t-il de manière innée, de cette science naturelle, mise au service de son art singulier d’écrire tel quel, à la Albert Strickler, s’entend !

Rome DEGUERGUE

Traversées a reçu

25/09/2012

Traversées a reçu :

Les recueils suivants :

  • Broussailles, REM, poèmes, Mianoye, 2009, 70p.

  • Célébration de la vie, Flos CRISTAL, poèmes, Thélès, 2011, 214p. ; 15€.

  • Cette poésie d’inspiration romantique évoque les tourments, la souffrance, la tristesse, la mélancolie, les visions hallucinatoires et les clameurs mystiques, jusqu’à la folie surréaliste d’un poète solitaire en proie au dérèglement de la raison. De l’ombre à la lumière, ce recueil chante aussi la beauté, le désir et le plaisir. Du romantisme au symbolisme, il est un hommage à une tradition poétique dont Flos CRISTAL ravie la mordinété baudelairienne.

  • Célébrations, Béatrice KAD, poèmes, prix de poésie 2011 Yolaine & Stephen Blanchard, Les presses littéraires, 2011, 45p. ; 10€.

  • L’auteure suggère l’impuissance de l’écriture à traduire en mots les quintessences de la pensée, la « beauté de la Beauté » limitée par le non-savoir et l’Ignorance : « Comment nommer sans réduire ?… nul ne pouvait saisir Ce tout autre chose…, quand parfois les mots perdent la raison », propos souligné par toutes les constellations des préfixes privatifs en (in) et de la préposition (sans) : « insondable, invisible, inapprivoisable, innumérable, imprononçable, ineffable, imprescriptible, in-sai-si-ssable, sans-nom… », jusqu’à l’ultime défi à relevé : « Ecrire de baiser le Poème Impossible ». Elle met aussi l’accent sur les multiples combinaisons tissant un réseau complexe d’analogies et mettant en scène plusieurs réalités qui peuvent s’éclairer mutuellement : « ainsi accrochés ou d’autre façon Les mots parlent encore D’autre chose », « Herbe au pluriel comme autant de possibles », renforçant la force expressive et suggestive des images dans des rapprochements saisissants et contradictoires tels que « foules inhabitées, absences bavardes » et des raccourcis fulgurants : « la salive des livres, la cendre de nos paroles ». Elle s’attache de plus à une mise en valeur typographique par des expressions en italique, des majuscules, des enjambements et des espaces blancs qui isolent et donnent un retentissement supplémentaire à la parole poétique, comme un silence qui en prolonge l’écho. En effet, l’œuvre de Béatrice Kad reste à l’affût du « silencieusement écrit » dans une forme ciselée qui n’a pas encore dévoilé tous ses secrets et comme René Char, elle « place le poème hors des éclats du temps de la finitude humaine » car, au moment de l’éveil :

« il fera beau ce jour-là

nous écrirons la Rencontre

à l’encre verte »

Yolaine et Stephen Blanchard

  • Côté ubac, Jean-Louis BERNARD, poèmes, Editions du Petit Pavé, collection « Le semainier », 2012, 65p. ; 10€.

  • La poésie ne cherche ni à démontrer, ni à proposer, ni à distraire, ni même à faire rêver. Elle se dépose à peine comme une buée sur la vitre, celle sur laquelle, pour un temps si court, on pourra dessiner tous ses destins, tous ses hasards. Et cette parole éphémère nous touche justement parce qu’elle ne prend pas la peine de juger qui que ce soit, de prêcher quoi que ce soit, cette parole affaiblie qui danse au-dessus des arcs-en-ciel et des orages et se dissout dans un murmure, en cercles de plus en plus amples, jusqu’à ce qu’il n’en demeure qu’un écho de lumière. Echo qui pourra se répenniser dans quelques mémoires, pour peu que le poète, au-delà de ses mots, au-delà de ses silences, de sa musique et de ses images, n’ait jamais omis l’exigence. La poésie peut alors être vue comme exode sans fin vers le lieu d’où tout procède.

Jean-Louis Bernard (Vous avez dit poésie ? édition Sac à mots)

  • Eloge du Superflu/Lof van het overbodige, Stefaan Van Den Bremt, choix de poèmes (1971-2009), traduit du néerlandais par André Doms avec la collaboration de l’auteur, préface d’André Doms, éditions Henry/Ecrits des Forges, 2012 ; 250p. ; 15€.

www.editionshenry.com ; www.ecritsdesforges.com

  • Peut-être est-il encore prématuré d’analyser ce nouvel état de la poésie de Van den Brempt, mais il est déjà permis d’en goûter la précision et la plénitude. En guise d’illustration, ce « limon bleu » des Graves, où s’évasent le fleuve et le regard, se configure et se meut sans cesse l’argile alluviale, selon vents et vagues, en plis et en reflets ; c’est l’espace et le temps conjugués, que nous contemplions déjà vers l’embouchure du Yangtsé, et qui nous sont rappelés lorsque l’œil « se resserre/ vers le polder » de la Gironde, ou les « paludes » de la mer du Nord… Aval, amont, la fidélité du poète s’y « creuse un chenal ». A nous, à présent, d’y engager l’œil.

André Doms

  • Escaut, de-ci de-l’eau, Michel VOITURIER, recueil de nouvelles, Les déjeuners sur l’herbe, 17, rue Ladrerie à B-7620 MERLIN (Brunehaut), 2012, 99p. ; 14€.

www.lesdejeunerssurlherbe.be

dejeunherbe@gmail.com

  • Dans des lieux proches de l’Escaut, entre Douai et Tournai, se déroulent une série de nouvelles qui cherchent à avoir chacune un ton différent. Elles sont proches d’un fantastique diffus, aves une part de mystère et de quotidien. En guise de décor : le fleuve, les carrières, des cités du Pays Blanc et du Pays Vert… En guise de temps : un présent malmené par l’économique, un passé qui resurgit dans un futur contraignant. Au milieu : des personnages qui tentent de confronter leurs perceptions du monde avec la réalité.

  • Tournaisien de naissance, Michel VOITURIER a participé et participe encore à nombre de projets culturels régionaux. Sur la région, il a écrit des essais, des poèmes, des nouvelles, une pièce de théâtre. Il fut un des co-concepteurs du jeu Un petit tour dans le grand Tournai. Il a monté des récitals et des elctures-spectacles comme Rodenbach au miroir de lui-même, Un papa de Martine était aussi poète ou La vallonnée picarde des poètes d’Unimuse.

  • Le grain vit, Amédée GUILLEMOT, poèmes, Clapàs, collection Franche Lippée, 2012, 8p. ; 1,5€.

http://www.clapassos.com

  • Réveiller l’aurore, Jacques DEMAUDE, poèmes 1954-2002 présentés par Eric Brogniet ; frontispice de J.M. Zele, Le Taillis Pré, 2012 ; 20€ ; 295 p.

  • Poète généreux, ouvert sur le monde, homme de conviction et de combat, Jacques Demaude est une des voix les plus justes et spirituellement exigeantes de notre littérature. « Sa relation au monde s’étend à tout le Vivant, ne séparant jamais l’apparent du non-visible, ni l’homme de son questionnement, ou la nature de son mystère » écrivait à son propos Luc Norin. Poésie initiatique, élégiaque, gnomique sans nul doute, dont la forme a été modelée à la pratique des grands poèmes dramatiques d’un Agrippa d’Aubigné, à la brutalité rimbaldienne et aux aveux bouleversants d’Une saison en enfer, à l’hallucinatoire et ésotérique profération prophétique d’un Trakl, et dont l’éclat lyrique se souvient des expressionnistes allemands. Pour lire cette poésie initiatique dont la forme a l’éclat lapidaire ou haletant des fragments arrachés à la souffrance et à la conscience des limites, il faut mettre beaucoup de silence et n’en jamais oublier l’assise fondatrice basée précisément sur la résilience et les valeurs de la morale, de la justice et de l’espérance.

Eric Brogniet

  • Riches heures du sexe amoureux, Francine CARON, Illustrations de Marie-Thérèse MEKAHLI, Voix Tissées, collection « coup du cœur », 2012, 12€.

  • « Vous explosez de force, de lumière, d’extase dans l’invitation des Riches Heures du sexe amoureux. Pour moi, tout y est sulfureusement sublime : rien à supprimer. On est pénétré, avalé, expulsé en un feu d’artifice poétique et sans répit. L’inspiration est là et conduit vers l’Art dans l’explosion d’amour. Je me sens bien dans ce long texte et le chevauche malgré l’âge, avec désirs et sans regrets ! »

Jacques Canut

  • Ru asséché, Fabrice FARRE, poèmes, Clapàs, collection Franche Lippée, 2012, 8p. ; 1,5€.

http://www.clapassos.com

  • Saison châtaigne, Micheline DEBAILLEUL, poèmes, prix de poésie 2009 Yolaine & Stephen Blanchard, Les presses littéraires, 2009 ; 45p. ; 10€.

  • Saison châtaigne illustre parfaitement les deux fameuses citations latines : fugit tempus… et carpe diem. « La tête pleine de saisons, de nuits longues et de matins pressés », la poétesse rend hommage au ventre de la terre féconde, en contemplant ses métamorphoses et ses caprices qui se projettent en clair obscur… Une odeur, un parfum, une saveur réveillent les souvenirs du passé, à la recherche des « petits bonheurs endimanchés », dans l’évocation mélancolique de cette « fragilité de l’essentiel, de ces murmures attablés sur la margelle de l’instant… pour réinventer un moment à perdre ». Quand « les mots restituent la vie et ses contraires », en symbiose avec cette nature généreuse, « elle joue encore quelques arpèges pour les mots exilés sur le clavier du silence ». Discrètement, par quelques touches, elle révèle son univers et ses racines, en évoquant le coron, les péniches à qui elle dédie une véritable hymne d’amour…, tandis que la nuit mystérieuse, porteuse de rêves…, « à l’heure où la douleur pèse le silence », semble plus propice aux épanchements d’une âme baladine en quête de lumière. Sa poésie semble vitale, essentielle à son existence, car, sans elle, c’est « comme si le rien n’existait, rien qui accroche, qui entraîne, qui n’égaye la grisaille » ; elle traduit bien la complexité, l’aspect paradoxal du fonctionnement à la fois dichotomique et cyclique de l’univers et de la nature humaine. Donnant elle-même une définition transcendée de l’artiste : « un migrant qui va du songe au réel », Micheline Debailleul a pris le temps de faire naître ses poèmes et de nous faire partager cette révélation fulgurante : « Ce qu’il y a de poésie est baigné de Lumière ».

Yolaine et Stephen Blanchard

  • Survitudes, Stephen BLANCHARD, poèmes, préface de Michel Lagrange, Les presses littéraires, 2010 ; 102p. ; 15€.

  • Qu’y trouvons-nous ? Le chant d’une âme, qui est un monde pour son auteur, et pour ceux qui s’y reconnaîtront. Ils sont nombreux parce que le chant du poète nous concerne tous. Le chant d’une âme donc, en ses contradictions fertiles. Les facettes d’un esprit personnel, unique et propre à la condition de tout être pensant. Portrait du peintre face au miroir, et désireux d’ouvrir grandement la fenêtre…

Michel Lagrange

  • Un pugno di sole, poesie per sopravvivere/Eune faust voll sonne, überlebengedichte, Ferruccio BRUGNARO, poèmes, Zambon, Leipziger str.24 à F-60487 Frankfurt/M., 2011, 159p. ; 9,90€.

  • Una raccolta di poesie di un operaio petrolchimico di Marhera. Negli anni Settanta Brugnaro è stato attivo nel movimento operaio e le sue posie iflettono gli impulsi, il sapore amaro della sconfitta e la fatica di confrontarsi in una visione del mondo realistica ma non rassegnata.

  • Eine Sammlung von Gedichten eines Chemiearbeiters in Marghera (bei Venedig). Brugnaro war aktiv in der Arbeiter-bewegung in den 70er Jahren. Seine Gedichte spiegeln die revolutionären Impulse, den bitteren Geschmack der Niederlage sowie die Mühe, die man aufbringen muß sich eine realische, aber nicht resignierte, Vision der Welt anzueignen.

  • Variations et sortilèges, Claude MISEUR, poèmes, recueil illustré de quatre planches inédites réalisées par Patrick De Meulenaere, Novelas, 2011.

http://novelasasbl.eu ; novelasasbl@hotmail.com

  • Vertige, Charles VIQUERAT, poèmes, prix d’édition poétique de la Ville de Beaune 2010, préface de Alain Suguenot, Les poètes de l’amitié, 2010 ; 62p. ; 10€.

  • Après avoir lu Vertige de Charles Viquera, vous n’entendrez plus le chant des sirènes de la même manière, vous ne percevrez plus le tintement des délicieux nectars bachiques avec la même subtilité, vous écouterez la flamme de votre cœur « telle la voix des galaxies » dans laquelle il nous invite à nous plonger, avec délectation…

Alain Suguenot

  • Villanelles, Arielle THOMANN, poèmes, prix d’édition poétique de la ville de Dijon 2011, préface de Louis Delorme, 68p. ; 10€.

  • L’auteur aborde tous les thèmes que l’on rencontre en poésie, ceux qui créent l’émotion : la vie, l’amour, la nature, la mort ; le rêve bien évidemment mais le quotidien aussi et sa morosité… J’indiquerai… deux pistes de lecture : la première, être attentif à la partition musicale :

« Ta vie livide au ras du sol

au rail des jours filant leurs cours

ta vie a raté son envol

pris un élan un peu trop court »

Quel joli mouvement de sonate ici, avec les sonorités sourdes (cours – jours) ou légères (sol-envol) l’association des v de vie et de livide, le raclement des r… L’oreille se laisse charmer par tout cela mais c’est encore mieux si l’on en prend conscience.

La seconde : les images… De belles trouvailles dont l’auteur n’est pas avare…

Louis Delorme

  • Voyeur, voyageur, André DOMS, poèmes, Le Taillis Pré, 2012, 118p. ; 12€.

  • Images d’un monde, un monde d’images : où s’est caché mon temps, vécue ma vie ? Voire, quand est née ma naissance ? Et si c’avait été au grenier, parmi les malles vertes, nervées, leurs étiquettes illisibles, j’étais libre de leur prêter des voyages insensés. Voyeur, voyageur, je le reste.

André Doms

Les revues suivantes :

  • L’aède n° 31, été 2012, 16p. A5

Bulletin à périodicité variable de l’Union des Poètes francophones

Centre social et culturel, Mairie à F-84110 Puyméras

http://upfpoesie.blogspace.fr

(Chris BERNARD)

  • L’aero-page n°98, été 2012, 12 p.A4 ; Union Nationale pour l’Information des Auteurs et Concouristes pour la Défense de la liberté d’expression des écrivains (UNIAC), 19, allée du Mâconnais à F-21000 DIJON

aeropagblanchard@aol.com

(Stephen BLANCHARD)

  • Les Amis de l’Ardenne n° 36, juin 2012, 112p.

Mazagran par André Dhôtel et quelques autres

10, rue André Dhôtel

à F-08130 ST-LAMBERT-ET-MONT-DE-JEUX

lesamisdelardenne@wanadoo.fr

(Frédéric CHEF)

  • Dites Mazagran à un Ardennais. Il vous répondra carrefour, auberge, éoliennes ou Dhôtel, selon qu’il est automobiliste, nostalgique du café disparu, écologiste ou lecteur de romans (on peut être les quatre à la fois). C’est de lectures qu’il va s’agir ici, notamment du livre d’André Dhôtel, son Plateau de Mazagran, paru en 1947 et réédité en collection de poche trente ans plus tard, en 1977… On parlera donc d’André Dhôtel mais pas seulement de lui car divers noms d’autres écrivains sont attachés à ce lieu : Victor Hugo, Hippolyte Taine, Paul Verlaine, Jean Rogissart, Jean-Claude Pirotte, Franz Bartelt, Christophe Mahy…

Les amis de l’Ardenne

  • Art et poésie de Touraine n°209, été 2012, 62p. A4

Carroi de Paris, 61, rue du Coteau à F-37500 SEUILLY

catpoesie.touraine@free.fr

(Catherine BANKHEAD)

  • La braise et l’étincelle n° 101, 15 septembre 2012,

24 p.A4

Journal bimestriel indépendant au service de la francophonie (arts – lettres – poésie – échos) – 7/2 rés. Marceau-Normandie, 43, avenue Marceau à F-92400 COURBEVOIE –

yvesfred.boisset@papus.info; http://yves-fred.over-blog.com

(Annie et Yves-Fred BOISSET)

  • Jointure, poésie & arts, avril 2012, n°94, 66p. ; A5.

La Jointée éditeur, 146, rue du Point-du-Jour à F-92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

www.jointure.net ; jointure@jointure.net

(Jean-Pierre DESTHUILLIERS)

  • Lecture et tradition(nouvelle série) n°15-16, juillet-août 2012, 36p. ; A5.

BP 1 à F-86190 CHIRE-EN-MONTREUIL

www.lecture-et-tradition.info ; sadpf.chire@gmail.com

(Jean AUGUY)

  • Lectures françaisesn° 663-664, juillet-août 2012

2012, 64 p.A5 – Revue mensuelle de la politique française

Un président « normal » et son équipe d’idéologues fonctionnarisés…

BP 1 à F-CHIRE-EN-MONTREUIL

sadpf.chire@gmail.com

(Jean AUGUY)

  • Libellen° 236, juillet-août 2012, 8 p.A5 – Mensuel de poésie

116, rue Pelleport à F-75020 PARIS

pradesmi@wanadoo.fr

(Michel PRADES)

  • Phoenix n°5, cahiers littéraires internationaux, janvier 2012, 157p.

4, rue Fénelon à F-13006 MARSEILLE

http://www.revuephoenix.com

(Yves BROUSSARD)

  • Portulan bleu n°12, mai 2012, 52 p.A5 ; 10€. Éditions Voix Tissées, 105, avenue Aristide Briand à F-92120 MONTROUGE.

portuland@orange.fr

(Martine RIGO-SASTRE)

  • Revue indépendanten° 334, juillet à septembre 2012, 54p. 15X24

Résidence B, 24, rue Saint-Fargeau à F-75020 PARIS

sje_ri@yahoo.fr

(Jeannine-Julienne BRAQUIER)

  • Le temps des poètes n°15, été 2012, 8 p.A4 ; Association Poésie Contemporaine Française (APCF), 19, allée du Mâconnais à F-21000 DIJON.

poesieapcfstef@aol.com

(Estienne de GRIZAUD)

  • Traction-Brabant n°47, 24 juillet 2012, A5, résidence Le

Blason 3ème étage, 4, place Valladier à F-57000 METZ.

p.maltaverne@orange.fr

(Patrice MALTAVERNE)

Rentrée littéraire 2012 —-Marie-Hélène LAFON, Les Pays

  • Marie-Hélène LAFON, Les Pays, Buchet Chastel (112 pages ; 15€).

Le roman de Marie-Hélène Lafon se déroule en trois temps, correspondant à trois étapes majeures dans la vie de Claire.

Dans le premier volet, l’auteur revisite l’enfance et la scolarité (au pensionnat de St Flour, cocon « douillet » où l’accent est mis sur le travail assidu) de l’héroïne.

Dans le second chapitre, on découvre la passion de Claire pour le latin et le grec, qui la conduisit à choisir d’étudier à la Sorbonne, avec comme ambition d’embrasser la carrière d’enseignante. N’aurait-elle pas été secrètement amoureuse de ce professeur qui lui fit découvrir le Louvre ? La nécessité de monter à Paris, fuyant l’insularité de son Cantal natal, correspond à l’émancipation de la fille de paysan et à la fracture entre deux univers totalement opposés. On la suit dans sa vie estudiantine, son expérience de la laverie est cocasse. On la voit « trimer » et savourer son succès.

L’auteure effleure la vie sentimentale de son héroïne, son divorce, ses rencontres avec Gabriel (leur cérémonial de lectures); avec Alain : « arpète en blouse bleue », un gars du Pays; avec Jean-René, féru de littérature. Amitiés féminines éphémères.

La dernière partie réunit la famille séparée, occasion de flashbacks.

Aux vacances, Claire retourne au Pays en train dont elle aime « la lenteur propice au rassemblement de soi », ou invite son père et son neveu à découvrir Paris.

Pour le père, atteindre la capitale relève de l’odyssée, d’autant qu’il apporte une cargaison de produits du terroir. Voyager en métro, prendre un escalator, aller au cinéma dans un gigantesque multiplexe, se perdre dans « l’imbroglio des entrailles » du Louvre sont autant d’aventures inédites pour le paternel.

Ce qui frappe, c’est le fossé générationnel qui se creuse entre une fille et ses parents (attachés à leur terre, aliénés par les bêtes). Également entre un grand-père dépassé par les technologies et son petit-fils. Le neveu découvre ce que fut la vie de sa tante, autrefois, ce qui gratifie le lecteur de joyeuses anecdotes comme la première venue au salon agricole. Avec autodérision, l’auteure met en parallèle les brillantes capacités intellectuelles de Claire et son incapacité à se servir d’un râteau.

Marie-Hélène Lafon excelle dans l’art de nous faire voyager avec ses protagonistes.

Elle brosse deux magnifiques portraits attachants. Celui du père, pétri de tendresse, ce père piégé d’avoir donné priorité à l’éducation de ses enfants et caressé l’ambition de les voir bardés de diplômes. Un père, dépendant de la télévision, donc au courant de l’actualité, alors que sa fille vit sans télé et se nourrit de littérature largement évoquée dans ce roman. Elle décline un véritable hymne aux livres et à la lecture.

Son style est alerte, éloquent, une pléthore de verbes participent au mouvement. Une propension aux phrases longues et « aux embardées digressives » (comme sur UV). Son écriture ciselée, riche en adjectifs, son vocabulaire châtié enrichissent le lecteur.

Marie-Hélène Lafon signe un roman touchant, aux accents autobiographiques, qui nous fait naviguer entre deux mondes, deux terriers : le rural, là-bas (nostalgie de ce qui se perd) et l’urbain (où la population subit l’accélération du progrès, est happée par la vie trépidante de la capitale). Un récit qui fleure bon le terroir.

♦Nadine DOYEN

Rentrée littéraire 2012—En retard sur la vie, Éric Paradisi

 

  • En retard sur la vie, Éric Paradisi, Fayard (289 pages – 19€)

Dans ce roman, Éric Paradisi se dévoile sous trois facettes : le romancier, l’acteur et l’amoureux. Il entrecroise son parcours littéraire, les tribulations d’ « amantcomplément » et d’intermittent qui ne sont pas sans influencer le cours de sa vie.

Avec lucidité, recul, et une pointe d’auto dérision, Éric Paradisi nous livre une radioscopie de ses débuts d’écrivain, caressant le rêve d’être adapté à l’écran, mais conscient que pour la Pléiade , il doit encore faire ses preuves. Il égrène avec humour quelques souvenirs de salons littéraires, d’interviews. Il y participa avec la désagréable sensation d’ « être un animal exposé » comme au zoo.

Il met en exergue le rôle de passeurs des libraires, soucieux de défendre la vitalité de la création, d’offrir de la diversité. Il témoigne sa reconnaissance à ceux qui rivalisent d’ingéniosité pour promouvoir leurs coups de cœur, Éric Paradisi ayant bénéficié de ce privilège. Une reconnaissance indispensable pour stimuler, et encourager à persévérer, tout comme les retours des lecteurs.

L’auteur nous confie son plaisir d’écrire, bonheur traversé de doutes, hérissé d’obstacles, le sel même de l’énergie vitale, semblable au désir amoureux. Il poursuit cette comparaison, convaincu que le succès d’un livre « se joue dans les premièressemaines » comme une histoire d’amour. Il ne cache pas ses déceptions (lettres de refus), ses projets avortés, ses frustrations, ses désillusions. Lui, « petit moussaillon » devait être préparé à affronter le cap du second titre. N’est-ce pas quand le narrateur est fracassé qu’il s’épanche le mieux sur le papier ? Pour lui, la paternité d’un livre semble le combler autant que des enfants. Mais il y a la pression des autres.

Revisitant son enfance, Éric Paradisi rend un vibrant hommage au père, son héros » qui lui inculqua la passion pour le 7ème art. Il se remémore leurs soirées enchanteresses, « séances secrètes », « la tête au creux de son épaule », scotchés devant la télévision, fascinés par la beauté des actrices, découvrant leur nudité. Et de dédier ce roman à ses icônes, en particulier à Rita Hayworth et Romy Schneider.

Si celles-ci l’ont fait fantasmer, l’auteur a le privilège d’en côtoyer dans ses rôles de figurant et d’acteur. N’a-t-il pas succombé à leurs charmes ? Ne rêve-t-il pas comme Woody Allen de voir une divine créature surgir de l’écran ou de ses pages ?

Il rembobine le film de ses liaisons et s’interroge sur la difficulté d’aimer, après ses fiascos (essoufflement de la ferveur amoureuse, usure du temps, lassitude du couple). Peut-on vivre d’amour et de littérature ? Peut-on aimer après un amour absolu ? Pour le narrateur, le souvenir de Christel est si prégnant qu’il vient se superposer à chaque nouvelle idylle. Comment concilier deux passions rivales : aimer et écrire ?

Éric Paradisi nous plonge dans les coulisses de la création et démontre que le moi du romancier est insaisissable pour l’autre. Ne confondrait-il pas la fiction et la vraie vie ? La réflexion de Meryl : « Tu ne m’aimes pas. C’est l’idée de l’amour que tu aimes… », bien imprimée comme le papillon tatoué sur une épaule, aurait dû lui ouvrir les yeux. Leurs échanges semblent désormais condamnés à se faire par le biais de DVDs.

Ce retard sur la vie n’est-il pas le temps suffisant pour avoir vécu et raté une vie ?

Les fidèles lecteurs de l’auteur auront reconnu les livres évoqués, depuis La peau desautres au prometteur Un baiser sous X, encensé par la critique. Ils retrouveront son écriture poétique dans les évocations du ciel (« Le ciel aux ourlets griffés de pluie », « Le vent crénelait le dôme des nuages », « Les mouettes criaient dans le décolleté des nuages »), sensuelle (baisers de cinéma, les lèvres de Méryl « au goût de thé vert et pétillant », ses jambes au « mouvement élancé » ou « le galbe d’une hanche ».

Dans ce roman, Éric Paradisi se livre à une introspection de ses échecs ,laisseentrevoir son désarroi face à la désintégration de ce qui le faisait exister: ses amours et son métier. Il y développe une réflexion sur la notoriété, la postérité de l’écrivain et la pérennité d’un livre, conscient que « le succès n’aime pas attendre ».

Il chante ce bonheur d’écrire « un travail d’acteur » qui lui procure « une troublante illumination », qui lui permet d’atteindre une certaine volupté, un apaisement, et parfois « coucher sur le papier » des bribes de sa vie allège d’un poids. Sorte d’accomplissement, de catharsis comme pour Louis Malle avec Le Feu follet.

Éric Paradisi rejoint par là même Marguerite Duras qui pensait « qu’on écrivait toujours mieux sur le corps mort du monde et de même sur le corps de l’amour ».

En retard sur la vie, titre emprunté à René Char,résonne comme une ultime lettre à l’absent, ce père adulé (qui ne manqua pas de lui rappeler « que la vie n’est faite que de choix » et une déclaration d’amour aux actrices « immortelles », grâce à l’écran, car « Les gens qu’on aime reposent en nous. Ils s’éveillent n’importe où. Ne s’endorment jamais ». Au lecteur de trouver le frisson révélateur, cher à Nabokov.

Éric Paradisi signe un panégyrique du cinéma et du théâtre empreint de nostalgie.

◊Nadine DOYEN