Une chronique de Pierre Schoven
Jean-Marie Corbusier, Comme une neige d’avril, La Lettre volée,Bruxelles, 2022
Dans ce recueil, Jean-Marie Corbusier interroge le regard, le mot et le monde, nous invite à épouser le mystère de celui-ci voire à nous ouvrir à ce qui est hors de nous (« j’écris aussi loin que possible de moi »/André du Bouchet). Conscient du fait que nos yeux sont souvent éteints par l’habitude et le monde de l’utile, le poète questionne ce qui nous entoure, traque les forces dissimulées derrière les formes, vise la richesse du vivre et par un langage nu, essaie de traduire les états d’un réel traversé par les gerbes colorées de ce qui ne cesse de naître et de disparaître ; mieux, à l’écoute de ce qui se manifeste comme de tout ce qui se réserve, il vient nous dire que c’est au moment où plus rien n’a de signification que surgit le monde. Ici, tout se fragmente, s’efface, semble suspendu dans le vide et nous fait entrevoir la clarté que préserve la nuit; ici, les blancs et les silences enracinent le langage en son versant invisible ; ici, enfin, tout vibre d’une vie nouvelle et ouvre en notre être qui se croit achevé une béance.
Pierre pour l’autre mur
à nouveau pierre
Tenir le souffle sans que le mot ne parle
telle que neige
retient la neige où je heurte
Air
que les mots râpent