William Cliff – Le Temps, suivi de Notre-Dame – poésie (Le Table Ronde, éditeur.)

Chronique de Xavier Bordes

William Cliff – Le Temps, suivi de Notre-Damepoésie (Le Table Ronde, éditeur.)


La poésie de William Cliff est d’une configuration particulière : d’une part elle joue avec la versification classique, plus ou moins rythmée et rimée, jeu subtil et souvent assorti d’humour. Sa seconde caractéristique est que cette poésie renoue avec l’ancienne tradition narrative, que les poèmes monnaient en une succession de stations, un itinéraire, ici celui du temps d’une vie décliné au JE. Car William Cliff n’hésite pas à assumer la première personne. Il raconte un passé toujours présent grâce au langage, dont il empoigne fermement la restructuration mémorielle, avec une note de fine distanciation, comme s’il n’était pas dupe de soi tout en se réenchantant de consigner ces moments de son existence avec un côté pittoresque, vigoureux, voire picaresque parfois, qui témoigne d’une grande attention aux gens qu’il a pu rencontrer, et qui ont participé à ses aventures, en particulier amoureuses d’amours homosexuelles. Pour Cliff le corps humain est important. Plus généralement, il faut donc aimer, non sans en souffrir, intensément d’être incarné ici-bas, pour être capable de saisir en quelques traits essentiels les protagonistes qui accompagnent des moments vécus dont les poèmes accusent le relief. Par certains côtés, je rattacherais volontiers cet humour par amour, à la fois volubile et pudique, d‘une désarmante simplicité dans le trait, à celui qui animait Joe Bousquet dans Le Médisant par bonté, ou encore aux tableaux – mutatis mutandis – pleins de vitalité populaire, d’un Breughel l’Ancien. Que William Cliff mette tout son livre sous l’égide d’un rondeau de Froissart (« On doit le temps ainsi prendre qu’il vient »), célèbre pour ses chroniques expressives, colorées, parfois truculentes, un Froissart également poète qui, rappelons-le, vint achever sa vie en Belgique, voilà qui est un signe supplémentaire de l’état d’esprit de notre auteur. Le livre se clôt sur le poème Notre-Dame, d’une touchante humanité, qui place rétrospectivement le recueil entier dans la perspective intemporelle d’une poésie qui ferait, par la vivacité suggestive de ses récits, par sa foi en la communauté des humains, échec au temps. Façon pour le poète, comme nous tous voué à une inéluctable fin, d’entrer par la porte du langage dans une forme d’éternité verticale…

William Cliff conte avec le coeur, et c’est ce qui nous rend intimes, consanguins avec sa poésie.

                                                                                            © Xavier Bordes