Chronique de Nadine Doyen
A l’occasion de la sortie en poche de :
REPOSE -TOI SUR MOI de l’incontournable Serge Joncour (1)
J’ai lu (8,40€ – 504 pages) ; Mai 2017
Prix Interallié 2016, le coup de coeur des librairies de Châteauroux,
élu meilleur roman français de l’année 2016 par le magazine Lire.
Retour sur ce page turner hypnotique qui a séduit le cinéaste Patrick Mille.
La phrase qui donne le ton : « Ils sont rares ceux qui donnent vraiment, ceux qui écoutent vraiment ».
Mais d’autres extraits méritent d’être cités :
« Où qu’on aille on est d’ailleurs, et c’est sans fin qu’on n’est pas d’ici. »
« Une famille c’est comme un jardin, si on n’y fout pas les pieds, ça se met à pousser à tire-larigot, ça meurt d’abandon. »
« Quitter c’est redonner vie à soi, mais c’est aussi redonner vie à l’autre, quitter c’est redonner vie à plein de gens, c’est pour ça que les hommes en sont incapables, donner la vie est une chose qu’ils ne savent pas faire. »
Serge Joncour signe un très beau roman complexe, ambitieux, ample, captivant, social, en prise avec l’actualité qui embrasse le monde rural et la banlieue, la mondialisation, le business, l’argent.
Gros plan sur une cour arborée où nichent des corbeaux et une rencontre.
Celle de deux voisins, de deux solitudes : une femme dynamique, styliste et un paysan reconverti en recouvreur de dettes. Aimantation à retardement, puis passion folle, « tellurique », d’autant plus inattendue que tout les oppose. Vertige des sens. Dépendance amoureuse. Fascination réciproque.
L’auteur, en subtil entomologiste des coeurs, traque les méandres du désir.
Il montre qu’aimer est un moyen de résister à la dureté du monde.
Il radiographie notre époque avec un regard acéré. Il insiste sur cette pression permanente, et instille du suspense, ses deux antihéros aux destins happés par une succession d’embûches, rencontrant des êtres fourbes, menaçants.
Le sel de cette love story ? On ne sait pas ce qui va arriver jusqu’à l’épilogue.
Serge Joncour, pétri d’empathie, essaye toujours de se raccrocher à l’humain. Il nourrit une généreuse bienveillance pour ses protagonistes, (des faibles, des fragiles, victimes de la crise) devant leurs turbulences intérieures.
L’auteur revendique un roman optimiste, basé sur la confiance qui s’installe entre deux êtres qui se sont apprivoisés.
Laissez-vous séduire à votre tour par Ludovic, l’altruiste, « le super plumber ».
On retrouve avec délectation le style Joncourien : puissant, écorché vif, fluide, cinématographique suscitant tout de suite des images fortes (corbeaux « jaillissant comme des assiettes au ball-trap », geyser, chute dans l’étang).
En quittant ce roman prégnant, sidérant, le lecteur va, lui aussi, rêver d’entendre cette invite: « Repose-toi sur moi ».
Qui ne rêve pas d’une épaule forte pour s’y poser ?
Un livre tour à tour, touchant, drôle, inquiétant, violent, poétique, poignant, tendre, nostalgique, qui ne vous laisse pas au repos !
Il enflamme, se lit d’une traite, émeut comme rarement.
UN GRAND ROMAN – UN GRAND CRU
Serge Joncour trace son sillon, sans tapage, mais avec un talent fou et s’impose parmi les cadors de sa génération.
(1) REPOSE-TOI SUR MOI, chroniqué le 1 août 2016 sur le site de Traversées.
(2) Les bonnes raisons de lire REPOSE-TOI SUR MOI, chronique du 8 octobre 2016.