Béatrice Pailler, Louves, dessins de Valérie Rouillier, La tête à l’envers, collection Fibre-s

Une chronique de Lieven Callant

Béatrice Pailler, Louves, dessins de Valérie Rouillier, La tête à l’envers, collection Fibre-s


Dans ce monde où certains auteurs produisent à la chaine des livres ou sortent des « nouveautés » à un rythme qui ressemble à celui où l’on commercialise de nouveaux smartphones, d’autres auteurs se réservent le privilège d’écrire un livre en l’entourant d’amour, de patience, de discrétion et effectuent avec leurs éditeurs un véritable travail artistique. 

Le geste semble simple et dérisoire. Pourtant, il est plein de vie, plein d’intentions ludiques et poétiques. Le livret est composé d’une seule grande feuille pliée quatre fois créant ainsi huit pages, couverture et quatrième de couverture comprises. La grande feuille a deux faces, l’une contient le dessin de Valérie Rouillier, l’autre les textes de Béatrice Pailler.

Ce livret est un petit être qu’on a choyé comme un louveteau peut-être. On a choisi avec soin le papier, son épaisseur, sa texture, sa teinte. L’illustration magique résonne comme une pluie de traits bleus abreuvant une terre ocre. Une forêt de mots s’avance. 

Louves, elles sont le sang de la forêt, son souffle, son âme. Jamais domestiquées, libres, sauvages et conscientes, elles jouent ce rôle protecteur et nourricier de la vie libre. Elles sont à la forêt ce qu’est la poésie à l’existence humaine. 

Louves toujours sur le point de s’effacer, de disparaître. L’équilibre discret de l’écriture poétique est sans cesse menacé comme celui d’un paysage où disparaissent les libertés. 

« Petit feu du chant, la haie des oiseaux s’éteint. » 

mais

« une louve enfantine mord la bure des ombres, ici se parle encore la langue des oiseaux. »

Béatrice Pailler réussit à émouvoir son lecteur sans se servir d’artifices inutiles. Son écriture raffinée renvoie sans cesse à la beauté épurée de la nature. Sa démarche s’inscrit dans celle qu’a ouvert Jean Giono. L’invitation à se ressourcer au plus près de la forêt en contemplant les tableaux vibrants qu’elle nous offre est lancée. Marchons à pas de louve. 

© Lieven Callant