Chronique de Nadine Doyen

De la page à l’image : quand une intrigue séduit une réalisatrice. Le FILM : REVENIR de JESSICA PALUD, Prix du scénario à la Mostra de Venise. Également primé au festival du Croisic : Chabrol du Jury jeune, Chabrol de la meilleure adaptation, Chabrol du public. Sortie en salles le 29 janvier 2020. Casting : Adèle Exarchopoulos et Niels Schneider |
Adapté librement du roman de SERGE JONCOUR :
L’AMOUR SANS LE FAIRE, poche J’ai lu (7,30€ – 316 pages) avec en couverture l’affiche du film

LE COUP DE PROJECTEUR sur le livre :
La petite voix enfantine, inconnue , au bout du fil, chez ses parents est un mystère pour Franck, en rupture avec eux depuis 10 ans. Pour en avoir le coeur net, il décide d’effectuer sur le champ un retour au bercail, sans prévenir. Serge Joncour alterne la voix de Franck et celle de Louise, l’épouse du frère décédé, au chômage. On suit le parcours de ces deux êtres cabossés par la vie jusqu’à ce que leur route se rejoigne dans la ferme familiale où les parents de Franck élèvent le fils de Louise. Ce gosse, gisement d’énergie inépuisable s’avère le pivot du roman, et le trait d’union entre les protagonistes. Franck montre beaucoup de bienveillance pour Louise. Ils s’apprivoisent peu à peu, partagent le quotidien. Leurs regards s’aimantent, le charme de Louise opère. Les soirées à la belle étoile favorisent l’intimité. Dans cette nature lénifiante, ils se sentent en osmose. Auraient-ils trouvé leur paradis ? Franck va-t-il se réconcilier avec ses parents ? Ce retour aux sources lui sera-t-il salvateur ? Laissons le suspense quant au destin de ces deux solitudes décidées à se reconstruire, à ne pas se faire de mal, à vivre avec intensité ces moments suspendus, ces parenthèses enchantées, en toute harmonie. L’originalité réside dans la chute que réserve chaque chapitre, aiguisant la curiosité. L’auteur impulse avec brio des accélérations au récit, distille des scènes cocasses ou épiques. Il peint avec délicatesse et pudeur les sentiments contenus, la peur d’aimer, les émotions enfouies. Et si l’amour était dans le pré ? Poésie et sensualité se côtoient en cet été caniculaire.
Un roman familial touchant, sur fond de réalisme sociétal, ancré dans le monde rural qui montre des paysans rivés à la terre et soulève la question de la transmission. Vibrant hymne à la nature sauvage. Serge Joncour transcende avec brio les paysages sublimes du Lot, à la manière des «nature writers ». Un récit solaire, traversé par une pléiade d’odeurs, débordant de tendresse, de douceur, de nostalgie, qui a inspiré Jessica Palud pour son film Revenir :Prix du scénario au festival de Venise. Un livre qu’on quitte à regrets. Un vrai baume, ce qui n’est pas rien par les temps qui courent.
Extraits :
« Dans l’amour il y a bien plus que la personne qu’on aime, il y a cette part de soi-même qu’elle nous envoie, cette haute idée que l’autre se fait de nous et qui nous porte. »
« Je ne sais pas, dans fond c’est la seule vraie chose qu’on devrait se promettre dans la vie, de ne jamais se faire de mal. »