Michel DUNAND – Au fil du labyrinthe ensoleillé (Jacques André Editeur – coll. Poesie XXI)

Chronique de Xavier BORDES

Michel DUNAND – Au fil du labyrinthe ensoleillé (Jacques André Editeur – coll. Poesie XXI)

Avec ce mince recueil au très beau titre, on fait la rencontre d’un poète discret, pétri de songeries profondes, laconique et soucieux de l’essentiel. Une heureuse influence de la pensée du Zen, que l’on sent authentique et non effet de mode plus ou moins frelaté, imprègne le fil de ces pages, qui est manifestement d’Ariane, mais dans un labyrinthe de vie à ciel ouvert, « ouvert à tout, à tous ». Dans ces courts textes poétiques – parmi lesquels je souligne que tel ou tel d’entre eux fait apparaître Ramuz, romancier poétique de la terre valaisanne au style puissant, ou Joe Bousquet, l’un des plus grands poètes (peu connus) du XXème siècle – se laisse découvrir une richesse et une diversité qui veulent être ramifications vers un vivre en joie, non en une joie exubérante et irréfléchie, mais en une sorte de fin « état de joie » pareil à celui du moine oriental quand il travaille son jardin. C’est le côté terraqué de ces notations poétiques, entremêlant géographie, culture aussi bien orientale qu’occidentale, dans une sorte de sagesse du discours qui prend dans son champ la corrélation avec la peinture (Zao Wou Ki, Gauguin, notamment), les paysages de Chine, divers auteurs, diverses époques… Ce sont des traits fugaces, des allusions d’un mot, d’initié parfois (mais aujourd’hui l’Internet renseigne sur tout!), toujours chargés d’un arrière-plan éthique, mais qui ne cherche pas à s’imposer. Michel Dunand y cueille l’instant sans arrière-pensée – mais dirais-je, avec une « arrière-réflexion » qui lui fait trier, conserver les seuls et rares mots suffisants pour ancrer l’instant tout en lançant des lignes vers des « ailleurs », tableaux, paysages, poèmes anciens, noms fameux qui sont un monde à eux seuls, lignes qui pour chacun hameçonneront la part de rêve « ensoleillé » qui lui correspond, approfondiront chez le lecteur réceptif sa conscience de l’Instant éternel, si l’on me pardonne cette expression un peu grandiloquente… J’ajouterai que l’ensemble du livre est dédié à la mémoire de Jean-Vincent Verdonnet, poète considérable du lien avec les choses et la nature, décédé en 2013, qui habite les courts textes d’une présence intensément amicale. Le recueil de Michel Dunand me touche aussi par cette fidélité à un proche ; et si le volume en soi paraît mince et léger, il est d’une densité de joie et de « sentiment de la vie » qui est une belle, et réconfortante, leçon ? – non, pas leçon : disons plutôt humble et juste plaidoyer pour la face ensoleillée, secrètement émerveillée, de l’existence, laquelle en notre temps est souvent en proie à l’ombre de gros nuages orageux…

                                                                                            ©Xavier Bordes (mai 2019)