Une chronique de Pierre Schroven

Pierre-Jean Foulon, XL,Thuin, Editions du Spantole, 2018)
Dans ce recueil, Pierre-Jean Foulon nous confronte à l’étrangeté de notre présence, met en question l’identité et nous incite à prendre nos distances avec les évidences qui nous sont offertes. En effet, se méfiant des idées générales susceptibles de faire passer la représentation avant la vie elle-même, il questionne le monde et ses mirages, célèbre les puissances du corps et s’interroge sur la notion même de la poésie si prompte à nous mettre au monde, à transcender le néant, à traduire le flux et l’énigme de la vie. Ici, l’écriture est instinctive, destabilise, laisse agir des vertiges ; ici, les poèmes sont perclus d’images bouleversantes qui ne semblent jamais épuiser le mystère qui les entoure ; ici, tout nous invite à retrouver l’intensité d’un étonnement, à fuir nos parures mondaines, à nous confronter au vide et à ouvrir la question de notre être. XL est un livre qui d’une certaine manière, nous fait mieux percevoir le fait que c’est au moment où plus rien n’a de signification que surgit le monde ; mieux, c’est un livre dont les textes disent le monde sans nous et apportent de l’eau au moulin d’une pensée qui s’inscrit dans le réel (plutôt que de s’y superposer) pour célébrer la vie dans son infinité, sa mouvance et son ambiguïté :
La foule corne sous l’arche des frontières ; épanouie en ses victoires, l’hydre capte l’horreur des fanions et des gueules : le monde savoure la délicate entrée dans l’univers inverse. Les heures tanguent dans la nuit. L’ordre se lézarde au bas des murs. La mort vacille dans l’inconscient. L’empire ameute ses troupeaux. Les rails pénètrent les demeures. Les chars caressent les dolmans. Livrés au vide, les regards assoiffés fouillent de longs amas d’aube sous la pupille des âges envahis…


©Pierre Schroven