Chronique de Lieven Callant
Les samedis sont au marché, Thierry Radière & Virginie Dolle, Editions Les Carnets du Dessert de Lune, 2017, 52 pages, 12€
La place du marché est souvent l’endroit central d’une ville, d’un village où les gens se rassemblent en premier lieu pour y faire des achats liés à leurs besoins vitaux: se nourrir. Mais avec l’affirmation du titre, l’allusion ne se limite pas à cet endroit riche en saveurs où l’on trouvera nourriture et vêtements et où l’on rencontrera les voisins, les amis mais à ce choix apparement arbitraire de se réserver un moment dans notre quotidien où l’on cesse de se laisser porter par les évènements sans les avoir véritablement choisis. Le samedi est à la forêt, le samedi est au jardin, le samedi appartient au jeu, au rêve. On se réserve un moment quelqu’il soit pour se recentrer sur soi-même et être ainsi disponible aux autres, à ce qui se vit autour de nous. Le samedi est à l’écriture. Mais qu’est-ce qui nourrit l’écriture? Thierry Radière répond à cette question et je laisserai aux futurs lecteurs le soin de chercher les réponses en même temps que l’auteur grâce à ce nouveau livre.
L’écriture poétique est à mon sens le thème principal de ce livre partagé en plusieurs petits textes qui évoquent les réflexions, les actes de rêverie et de prise de conscience, le jeu, la résolution des énigmes posées par quelques uns des souvenirs. Solutions qui consistent bien souvent à réussir à se détacher d’une vision trop fermée par une acceptation de soi et de l’autre. Vivre sans remords. C’est sans doute un « travail » qui se fait et se vit en amont de l’écriture.
Le regard et la parole de Thierry Radière se rapprochent par moments de l’enfant de huit ans qu’il fut et qu’il est encore parfois au travers de sa fille, il parvient à récolter cette fraîcheur infinie et cette curiosité sans préjugés qu’on a à cet âge et qu’on devrait garder. Imagination qui ne connaît pas les frontières que s’imposent les adultes ou que la vie quotidienne leur a imposées. Ainsi comme dans un jeu de rôle, on choisit le personnage que l’on devient et il n’est plus impossible de retourner en arrière, d’inviter sa mère à ce marché des saveurs libérateur, il n’est plus interdit de songer qu’elle ne serait plus enfermée par une vie de contraintes, de devoirs familiaux et professionnels qui ne lui laissaient plus le temps d’exister, d’être à elle-même.
Il est certain que l’adulte qu’est Thierry Radière a pris le temps de choisir ses priorités: le marché, la place centrale de son univers intérieur où l’on choisit et récolte bien plus que des marchandises, sert tout comme la cuisine dans sa maison, de lieu de paroles et en particulier les paroles que nourrissent les rêves, et les questionnements insolites, un lieu où cette parole devient libre, on prête attention et respect à celles des autres, même si l’autre est un enfant, un inconnu, un souvenir..
Le livre est léger, amusant, amusé, savoureux et rythmé d’éléments familiers réconfortants. Il n’aborde pas un présent idéalisé donc lointain et inaccessible. Tout est à porté de main, comme au marché. On se reconnait dans bien des situations. Celle qui fait qu’on entend malgré soi, des conversations qui nous bouleversent, celle où tout en écoutant quelqu’un nous raconter son histoire, on ne peut s’empêcher de continuer à songer à la nôtre.
Cette limpidité, on la retrouve aussi dans les illustrations signées Virginie Dolle, illustrations qui soulignent d’ailleurs l’humour doux qui nait entre les lignes des textes.
Thierry Radière a partagé sur Facebook quelques extraits de son livre, et on peut suivre aussi ses cheminements littéraires sur son blog. Je ne résiste pas au plaisir de donner à lire et à voir, ce que j’ai tenté d’expliquer à propos de ce livre ensoleillé.
©Lieven Callant