Chronique de Nadine Doyen

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L’horizon dans la poitrine, Albert Strickler, Éditions du Tourneciel – Collection de l’Écureuil volant (9€).
Albert Strickler a pris son bâton de pèlerin pour nous ouvrir de nouveaux horizons, en cinq tableaux. Avec lui dégourdissons-nous pour réenchanter notre quotidien.
Il nous conduit d’abord « sur le chemin de Chartres », en célébrant la joie de marcher quelle que soit la difficulté («chemin âpre », « grands lavements de toutes sortes »). Ce périple lui apprend à synchroniser son souffle et ses pas pour percevoir « la cadence du Temps / Dans le tam-tam de son sang ».
La marche n’est pas seulement nordique, afghane, active, mais aussi « bélier », « métamorphose », « marée ».
Puis on chemine avec « L’homme qui marche », en toute quiétude. Bulle de silence gorgée de lumière par « les ailes du colza / En feu ». Ce périple redonne sens aux gestes, procure du tonus au corps. Il sillonne avec jubilation villages et hameaux, prenant le temps de musarder et de célébrer la beauté des paysages côtoyés.
Ses échappées bucoliques, champêtres, lui procurent l’inspiration pour sa plume de poète d’autant que la météo capricieuse le gratifie en une semaine du « rire clair du printemps », des « heures pétrifiées d’août », « des pluies obliques d’octobre ».
Son perpétuel besoin de s’élever le mène « Au Souffle des crêtes ». Là, le vagabond des cimes se laisse griser par le vent dont il souligne les bienfaits tonifiants : « Le vent a dilaté tout mon être ».
Il lui permet d’évacuer « les derniers miasmes du doute », de se « dégager de la lie des ombres » et de se rapprocher encore un peu plus de la lumière.
Dans la quête vers L’Autre, « son double lumineux », Albert Strickler rejoint Christian Bobin dans cette balade amoureuse avec le divin.
Dans le chapitre Au chant du pèlerin, on glisse d’un poème à l’autre avec légèreté.
Le dernier vers d’un texte devient le premier du suivant jusqu’à ce que l’âme chante claire comme un ruisseau.
Dans le volet final, l’auteur, marcheur impénitent, s’interroge sur la mystérieuse destination des nuages, « ces nacelles errantes ». En « gardien éphémère » de ce « céleste cheptel » il émet maintes hypothèses. Ne vont-ils pas « répandre / Leurs couleurs sur les palettes de peintres » ? Ne vont-ils pas « fondre avec les glaciers » ?
Ne vont-ils pas « se joindre aux canadairs pyromanes » ? Que deviennent-ils « Une fois que le vent équarrisseur / les a dépecés » ? Il ne se lasse pas de contempler leurs façons de « se recycler » et de s’émerveiller de leurs multiples métamorphoses : « grandes cosses / vides », « caravelles de laine », « blocs de marbre », « immenses baleines ».
Poésie et lumière omniprésente habitent ce nouveau recueil d’Albert Strickler, qui est une invitation à s’élancer sur les sentiers. Dans cette errance en « nomadie », le lecteur marcheur retrouve son élan vital, éperonné par une force intérieure.
©Nadine Doyen