Une chronique de Pierre Schroven
Béatrice Libert, Arbracadabrants, avant-dire d’Eric Brogniet, Châtelineau : Le Taillis Pré, 2021
Dans ce livre, Béatrice Libert affirme avec brio son amour inconsidéré pour les mots qui, sous sa plume, deviennent ici les fiers et joyeux ambassadeurs d’un merveilleux, d’une joie et d’une pensée décrochant avec le bon sens et le sens commun ; mieux, elle met ici au jour une seconde réalité, parodie certaines affirmations et valeurs culturelles établies tout en posant avec une apparente désinvolture, la question du statut du réel et de sa perception. En effet, traversé de suggestions érotiques, d’humour léger et de « forces qui résistent », chaque texte du recueil possède cette faculté d’éveil propre à nous faire retrouver la vie « perdue » derrière les gestes et les pensées codées.
A travers cet ouvrage, l’auteure tend d’une certaine manière, à ressusciter l’enfant en nous et, à l’instar de certains peintres, nous propose une série de « tableaux » permettant à l’œil de basculer du côté d’un ailleurs où il ne « reconnait » plus rien ; ici, le cœur des choses bat autrement, la beauté rayonne, le mot est ouverture, l’écriture dérange le sens et par certains aspects, rend le réel recomposé. En Bref, « Arbracadabrants » est un livre jouissif qui voit l’auteure faire délirer la langue, chercher une autre réalité voire créer des images susceptibles de transfigurer le connu, de susciter l’émotion, de générer le rire et enfin, d’éveiller en nous le culte de l’émerveillement quotidien.
Madrier : arbre à poutres
Il s’entend comme larron en foire avec le bélier, géant végétal qui fleurit depuis le haut Moyen-Âge.
Lourdaud, costaud, bougon, le madrier, qui ne badine jamais, semble prompt à trouver la paille dans le bourgeon de ses congénères plutôt que la poutre dans le sien.
Si on le lui pardonne, c’est à cause de son grand âge, mais aussi à cause de son sérieux dans l’art de la déconstruction.