Antonio Moresco, La petite Lumière, roman traduit de l’italien par Laurent Lombard, Éditions Verdier, collection Terra d’altri, 124 pages, février 2017, 14€

Une chronique de Lieven Callant

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Antonio Moresco, La petite Lumière, roman traduit de l’italien par Laurent Lombard, Éditions Verdier, collection Terra d’altri, 124 pages, février 2017, 14€


Ce roman étrange et surprenant est une narration en 18 chapitres, à la première personne.

Le personnage principal c’est le narrateur, omniprésent, un « je » qui se redécouvre dans ses rapports à la nature environnante. Il y a aussi les quelques habitants fantômes de l’autre village, un berger cartographe qui note toutes les apparitions lumineuses non expliquées, un enfant, des défunts.

Les lieux: un hameau déserté par ses habitants, entouré de collines et de forêts où vit le narrateur qui cherche ainsi un moyen pour disparaître. Curieusement, malgré l’immense solitude, l’hostilité apparente d’une nature qui reprend ses droits, le narrateur semble se ressourcer. Il accède comme dans un rêve à la part la plus profonde en lui. Une sorte d’ultra-conscience.

Le temps de l’histoire est celui des saisons, de la végétation, de la lumière et de l’obscurité, de la solitude campagnarde. Les éléments naturels, les tempêtes, les tremblements de terre ou encore l’emprise de la végétation sur les constructions architecturales humaines font naître et développent l’idée de mondes à plusieurs vitesses. Le temps n’est presque plus mesurable. Il s’éternise ou au contraire fond et implose. Antonio Moresco interroge la notion même du temps qui se déroule comme une succession raisonnée d’évènements en faisant de son roman la narration de sensations, un déferlement de questionnements, de doutes, d’observations personnelles au narrateur, d’aventures centrées sur elles-mêmes et qui restent sans réponses définitives et sujettes à interprétations multiples. 

Toute l’intrigue est dans le titre: la petite lumière. Quelle est cette petite lumière, où est sa source, pourquoi brille-t-elle? À quelle magie doit-elle sa constance? Pourquoi choisit-elle à l’instar du narrateur un lieu isolé et désert pour briller et pour combien de temps? Est-ce une étoile? L’âme d’un défunt? 

L’auteur disperse les indices subtilement, les distille au gré de thèmes ancestraux et universels autour de l’existence et de la mort qu’il revisite. La place de l’homme dans son propre monde se réduit à peu de chose et à l’échelle de l’univers, elle est dérisoire, on s’en doutait mais la force de ce roman réside justement à proposer une alternative au néant: la force d’une petite lueur, l’étincelle de la création artistique, poétique qu’il traduit par le désir de son narrateur d’offrir une résistance, un refus net et profond de suivre les routes qu’on trace d’avance pour lui. Il préfère se retirer, il choisit la solitude que beaucoup compare à la mort, parce qu’elle est l’unique voie possible vers soi. C’est un suicide. Emotionnel surtout à tout ce qui ne lui correspond plus, c’est une métamorphose, un échelonnement de vies et de morts qui se perpétue. La magie prend les rennes de l’histoire. Les réalités sont multiples, le rêve se démultiplie pour nous faire connaître les visages différents de l’existence. Une seule phrase, un seul mot parviennent à bouleverser tout le livre renvoyant le lecteur à une nouvelle relecture de l’histoire, des histoires. Chaque chapitre se déploie alors autrement.

Que le lecteur ne se trompe pas, le roman n’est jamais lourd à digérer malgré les thèmes abordés. Sans intrigue ou presque par la prose de son écriture Antionio Moresco rend malgré tout son roman palpitant, intrigant, étrange. C’est entre les lignes que notre imagination est invitée à voyager. L’auteur suggère avec une précision habile, honnête car elle ne vise pas le détournement de l’attention, le délassement inutile, elle va vers l’essentiel. 

© Lieven Callant