Ivan de Monbrison, La cicatrice nue, poèmes 2014-2017, Éditions Traversées, 40 pages, 2020, 15€

Chronique de Lieven Callant

Ivan de Monbrison, La cicatrice nue, poèmes 2014-2017, Éditions Traversées, 40 pages, 2020, 15€

18 poèmes

Ce recueil est composé de 18 poèmes, autant d’entrées qui multiplient les lectures. Dès la première page, le lecteur est invité dans un univers proche du rêve, il lui faut traverser les miroirs, frôler l’inimaginable, partager les promenades de celle qui est morte, qui habite les souvenirs, les meuble, les habille.  

« Tu es à mes côtés
je me sens invulnérable »

« la nuit posée sur tes yeux est pleine d’étoiles-filantes »


« ton visage inscrit à l’envers du mien me protège quand je marche »

Si les frontières existent, portes, reflets, surfaces réfléchissantes, passages du jour à la nuit, du crépuscule à l’aube c’est pour qu’on tente de les franchir comme si l’on pénétrait dans les tableaux de Escher. C’est pour expérimenter la vie, la mort, le souvenir, l’amour surtout. L’amour qui tient à un fil. Pour aller où? La réponse n’est pas donnée. 

« À l’orée de l’ombre il y a (..)
le temps qu’on détricote comme la corde d’un chemin »

La cicatrice n’est plus uniquement l’empreinte d’une blessure originelle, elle est certainement une des entrées sur nous-mêmes, par notre faiblesse, par ce qui touche et nous blesse, par ce qui nous marque au plus profond de notre chair, on accède non pas à une sorte de mise en abîme narcissique de soi et de la douleur ou de la tristesse ressentie à la perte de l’être aimé mais bien au contraire à comprendre la merveille de l’autre, au-delà de la mort, malgré elle. 

« il est temps de tout effacer
de recommencer du début

de suivre ce chemin qui s’échoue dans l’anse

où maints noyés viennent s’échouer

jour après jour

les yeux fixés sur l’horizon

comme pour s’y accrocher. »

Le réconfort ne se trouve pas dans l’idée d’oublier, de continuer à vivre sans ceux qu’on a perdu, « de faire son deuil », comme on dit, mais au contraire de savoir reconnaitre en nous l’autre qui continue à vivre, à nous suivre. Il ne s’agit pas de s’entourer de souvenirs mi-morts, de se complaire dans un chagrin qui ne veut pas finir mais au contraire de se reconnaitre un chemin qui ne renie rien, qui ne nous promet que de vivre en poésie, entreprendre une exploration mi-rêve, mi-vie. 

« Tu vois des vagues images mentales qui apparaissent l’une après l’autre comme sur des tableaux
que tu aurais pu peindre »

P 23, il y a ce poème « L’enfant » qui commence ainsi:

« En sortant de la maison
le ciel
ce morceau de lumière se détache du plafond de verre
l’ombre emporte l’arbre
et le vent sur le chemin
soulève un nuage de poussière
le pas incertain
la pensée se déplace comme un petit oiseau
en oscillant doucement de la tête
derrière le masque
le miroir posé sur l’eau
dans la perspective
la vie passe
et les autres années ne te laissent aucun répit »

et fige à mon humble avis, le cœur de ce recueil que je vous invite très sincèrement à découvrir.

©Lieven Callant