Une chronique de Lieven Callant

Eric Chassefière, L’Arbre de Silence, Éditions Sémaphore, Collection Arcane, 69 p, 12€
Le silence de la mer, première partie de ce recueil, rassemble quelques variations poétiques courtes ayant pour thème central apparent la mer. Les poèmes sont autant de marines, peintes fébrilement en quelques mots. Plutôt qu’une description méthodique des paysages marins, ce que cherche à reproduire le poète, c’est une description de sensations, d’émotions internes. La nature invite à se laisser glisser jusqu’à soi-même pour un ressourcement salutaire. Une découverte sans nom et qui s’imbibe de silence.
Cette voix qui brûle sur du silence propose des poèmes qui participent du même élan de peindre tout en légèreté et avec une économie de moyens et selon un rapport à la nature plus fougueux, plus amoureux. Nait le désir de faire corps avec elle, de partager sa lumière, ses silences. De vivre par le poème.
Mots plus légers qu’ombres
d’oiseaux frôlant la terre
mots tenus longtemps
dans la parole du corps
mots d’avant le silence
d’avant le cri
mots lancés comme des pierres
à la force de l’instant
mots murmures
quand l’arbre parle
mots jamais retrouvés
toujours écrits
dans la langue du chemin
mots dont il faut apprendre
à dire la perte
mots traces
qu’on n’écrit qu’une fois
Ce poème me semble résumer bien mieux que je ne le pourrais l’enjeu de ce recueil. Sa symbolique qui est aussi d’emprunter aux paysages et aux événements naturels que sont les pluies, le vent, la lumière, l’avancée du jour, des significations multiples.
« le poème est l’arbre » « écris les mots
n’enferme pas les mots dans la page
laisse-les respirer prendre souffle
écris comme l’arbre respire »
« sois ce chant sans commencement
d’un rêve de cigales palpitant dans l’ombre »
Entre effacements et apparitions, ombres et contours, cris et silences, être et paraître, le poète cherche des instants de plénitude, de furtive liberté. Il faut vivre le poème « sans jamais aller plus loin que les mots » il faudrait « les charger de leur juste de poids de vie, parler les mots simples de l’effacement. ». Il faut « être le marcheur des lisières » « au seuil de l’ici ».
Tombeau de Joseph Delteil n’a à vrai dire rien d’un tombeau car nous l’avons compris, les mots du poème regorgent de vie, s’en imprègnent. Eric Chassefière referme son livre comme il l’a ouvert sur un hommage. Il repère les signes de l’invisible, les chants du silence et invite le lecteur à s’émouvoir, à voir, à penser, à aller au delà des apparences. Comme je suis de nature à contempler parfois au dépend d’une action rapide et forcée, de nature à rêver, de nature à me positionner en lisière et que les paysages où la mer est une présence et l’arbre une source de vie, j’ai apprécié ces poèmes de la simplicité.
© Lieven Callant