Chronique de Nadine Doyen
Le diable est dans les détails, Leila Slimani ; Le 1 / en livre, Editions de l’aube (9,90€ – 59 pages)
Beaucoup ont découvert Leila Slimani lors de son attribution du prix Goncourt 2016 pour Chanson douce,mais l’auteur avait déjà publié auparavant et écrit pour des collectifs dont Le 1.
Eric Fottorino, directeur de l’hebdomadaire Le 1, désireux de faire connaître cette voix féminine, a rassemblé six de ses chroniques dans cet opus.
Dans la chronique datée du 19 janvier 2015, l’auteure revient sur les tragédies qui ont secoué la France et son incapacité à écrire sur ces drames. Elle souligne la nécessité de « prendre de la distance » et insiste sur le rôle de la littérature.
Elle s’interroge sur le phénomène de haine qui se déverse sur les réseaux, d’autant qu’elle n’est pas épargnée. Elle évoque le cas Michel Houellebecq dont Soumission déclencha des polémiques. Mais aussi d’autres auteurs menacés pour leurs écrits. Elle aborde la question de l’autocensure et de la responsabilité en littérature.
D’où sa chronique de novembre 2015, dans laquelle la romancière déclare sans détour son hostilité « aux fous de Dieu », ne mâche pas ses mots : « je vous hais », déclare-t-elle, à l’adresse des « terroristes, des intégristes ». A leur paradis, Leila Slimani leur oppose Paris, dont elle vante la beauté. Prête à défendre la capitale, comme Victor Hugo.
Elle revisite son enfance passée au Maroc et se remémore les Noëls en famille, où se côtoyaient différentes obédiences, sans le moindre heurt. Pourtant Leila Slimani a une identité hybride : « l’enfant de tous ces étrangers », « immigrée, Française, Parisienne ». « Consciente du privilège d’être ensemble», elle aspire avant tout à un monde tolérant, à une France « où chacun a sa place » et se respecte.
Leila Slimani décline un plaidoyer pour la littérature qui, selon elle, « est plus que jamais nécessaire. », pour son « espace de liberté où l’on peut tout dire, où l’on peut côtoyer le mal, raconter l’horreur et s’affranchir des règles de la morale et de la bienséance ».
Dans la nouvelle qui clôt cet opus, été 2016, l’auteure montre comment l’adolescente Rim, contrainte au silence pendant la sieste du père, a assouvi sa quête de l’ailleurs : en dévorant moult livres, voyageant « le dos au mur », lisant même en marchant.
« La lecture est un billet d’absence, une sortie du monde », selon Christian Bobin. Ainsi Rim quitte sa famille pour explorer la Russie, se fait des amis. Puis elle découvre L’Amérique, connaît Paris comme sa poche, les bords de Marne.
Par cette ode à la lecture convaincante, l’auteure vient rappeler que l’on compte encore beaucoup trop d’illettrés dans le monde arabe.
Partez à la rencontre de Leila Slimani, qu’Eric Fottorino présente comme une « auteure aux multiples facettes dont la voix interpelle, tantôt par un murmure, tantôt par un cri ».