Chronique de Miloud Keddar
Paul Mathieu, « Le temps d’un souffle », illustrations de Blandy Mathieu, Editions La Croisée des Chemins –Traversées, coll. Images, 2017, 72 p, 18 euros
« Le premier souffle est le début du dernier souffle »
De ce livre, tout d’abord l’épigraphe. Et c’est Albert Camus qui écrivit : « Celui qui désespère des événements est un lâche, mais celui qui espère en la condition humaine est un fou ». Là tout est dit ! (J’ajoute que Camus est considéré comme auteur français par les Français et comme auteur algérien par les Algériens et que je me sens concerné. Je suis né Français –par le hasard de l’Histoire- et puis devenu Algérien –encore par le hasard- et aujourd’hui je suis (à nouveau) Français, mais cette fois par ma propre décision ! Ce qui me fera dire que nous pouvons (parfois) avoir le choix et dire par ailleurs : que tout auteur par ses écrits –comme d’autres par leurs activités- nous appartenons à la communauté des Hommes !
Maintenant vient le moment pour moi de dire que je connais mal le travail de Paul Mathieu, et mieux encore : « Le temps d’un souffle » est de lui ma première approche – première lecture. Tenons donc la présente chronique comme réservée à ce seul livre. Et le titre que je donne à ma chronique, me direz-vous ? M’y a invitée l’illustration de Blandy Mathieu (page 51) qui a peint la phrase « Asseoir le premier mot » et Paul Mathieu m’y ayant préparé (page 12) par les vers « (…) briller/ jusqu’à l’absence/ jusqu’à/ la poussière de l’absence/ jusqu’à s’effacer » et puis page 50, donc juste avant la phrase peinte par Blandy Mathieu, Paul Mathieu qui clôt le poème par « ne pas dire non » (ne nous invite-t-il pas là à résister à la « lâcheté » et à la « folie » que dit l’épigraphe ?). Est-ce cela ou je me trompe ? Et je ne me tromperai pas en affirmant que « Le temps d’un souffle » est le livre de deux humanistes. Comme avant Paul Mathieu le fut Albert Camus et comme l’est Blandy Mathieu peignant la phrase « Asseoir le premier mot » (c’est-à-dire « naître à ce monde », naître à la Poésie comme à l’Art !) Ce livre ne dit autre « qu’une participation joyeuse au maintenant (…) prêt pour la mort. » comme le rapporte Philippe Jaccottet dans son livre « Ce peu de bruits » citant, en page 106, Peter Handke, Handke qui a écrit encore : « Je ne sais pas observer, je sais être ouvert » ! Et je termine cette brève chronique par les deux derniers poèmes de Paul Mathieu qui en disent long ;
« malgré les interdictions
affichées ici et là
on mord un peu
sur les pelouses
ça ne fait rien
nos pas ont si peu de poids
que nul ne songe à nous le reprocher » (page 70)
Et page 71 :
« à la fin
on creusera les caves
où asseoir le premier mot
puis on parlera de pierre
pour dire la voûte
& l’on ouvrira des fenêtres
aux forêts en marche
pour habiter l’homme
le temps d’un souffle » (Paul Mathieu)