Miloud KEDDAR, Les Recommencements, prose poétique, Ed. Flammes vives .

Une chronique de Jeanne CHAMPEL GRENIER

 Miloud KEDDAR
Les Recommencements, prose poétique (Ed. Flammes vives *).


Préfacée par Gérard Paris, posfacée par Patrick Picornot, le recueil Les Recommencements est une œuvre portée avec respect et admiration sur les fonts baptismaux. Ce titre positif : « Les recommencements » nous touche particulièrement en une circonstance où son auteur affronte en combat singulier la maladie. C’est donc un titre d’avenir et il mérite d’être lu dans cette perspective. 

Rappelons que le poète ,né en 1950 en Algérie Française, a vécu plusieurs vies : enseignant en aérométéorologie dans l’armée, à Tafraoui ; guide-chef d’expéditions touristiques aux frontières du désert, en pays touareg ; après quoi, en 1976, il décida de s’installer en France où il devint le poète, peintre et philosophe dont témoignent entre autres ses chroniques dans les revues de poésie TRAVERSEES ou VERSO.

« La vie est un éternel recommencement » dit-on, ce qui sous-entend souvent lassitude et manque d’originalité ; mais ici, pour qui s’applique à lire entre les lignes de l’apparence, il s’agit d’accueillir les perpétuels signes de renouveau en toute chose : ainsi découvre-t-on que dans une même vie et à tous les niveaux, s’enchainent « les recommencements ». C’est le cas de qui est en quête des chemins qu’il a en lui, sans craindre les bifurcations, les départs définitifs, autant d’occasions de progresser dans la découverte de soi, en amour,ou dans tous les domaines :

L’aube et la fête aux portes de l’oasis. Là, je l’ai rencontrée, la bouche réinventant l’écume. Ah la femme venue des eaux, lorsque ton corps en braise vibrant éclaira le désert de mes bras !… Sais-tu, je n’ai pas oublié, la dune guide mes pas, les dattes portent l’aurore de mes amours. Maintenant, je pars, je suis parti ! (L’aube en fête p.41)

Et puis un recommencement :

Je pose sur tes lèvres ma dernière écriture. Sois heureuse, le jour se lève entre tes bras. France France, le jour fluide, fruité, clair en un soleil de chair. Sois fière, il n’y a de la chaleur que dans les draps de ton corps ! ( Lettre seconde. p.42)

Il arrive parfois qu’ une simple rose devienne un signe qui rappelle la foi, ce silencieux chemin qui continue en nous et chaque jour « nous recommence » :

La rose de mon balcon est un pont entre les hommes aimant à s’émerveiller, un pont entre les peuples, au-delà des frontières, au delà des continents et je salue Marie car devant la rose de mon balcon je suis comme « …un mendiant retrouvant sa monnaie », je vous salue Marie » !

Dans les phrases de cet auteur survit une pensée de Sage antique, parfois en paraboles, souvent en oracles modestes, dans l’esprit des Anciens qu’on vénère chez les peuples africains : des mots dont le ton n’est pas sentencieux. Car ce que nous révèle le poète, ce sont aussi ces recommencements quotidiens, presque imperceptibles, qui engendrent la joie, la vie, par la grâce de rencontres fortuites. Certains sans le savoir ont accueilli des anges, disent les Écritures**. Dès le premier texte, d’ailleurs, il nous révèle en tout simplicité, avec sa parole singulière, nourrie d’une lecture instinctive des signes, ce qu’est la naissance de l’amitié, là où l’on n’aurait vu qu’une rencontre parmi tant d’autres :

C’était le mois d’avril, ou peut-être en mars, ou peut-être en mai… la table garnie, la vie qui fleurit, et la conversation… nous nous sommes découvert un lien de quelque chose d’autre que le  « Salut, comment vas-tu ? » de plus que le « tu »… Est-ce ainsi que naît le besoin de ce que j’appelle « la connaissance du beau jour », cet accès qui préfigure une amitié… Et maintenant que tu es loin, je peux te dire : l’amitié ne se peut que si elle a nom « l’affection ». On n’aime pas, on apprend à aimer ! ( L’exercice de l’amitié p.13)

Pour le poète, les rencontres amoureuses et les moments d’amitié sont toujours des aubes nouvelles où recommence la vie :

Ton cou brûle dans la brume de tes cheveux (L’orage de la rose p 34)

Ni l’Ombre de la Pomme ni le Chacal n’arrêtent celui qui marche vers la lumière, ni la nuit parce qu’elle n’est qu’une attente du jour… (Que le jour se lève p 53)

Il y a eu cette angoisse de n’être que ce « nous deux » quand l’horloge pouvait décider de plus de pommes sur l’arbre, une autre main dans la sienne, un ou plusieurs regards sur le rêve d’être deux. Si nos corps ont plus d’une lune, nos cœurs sont encore du matin. (L’horloge du matin p. 33)

Je te vois marcher mon ami, tu vas où comme ça ? Je marche, je marche, comme tu vois, je marche dans la nuit pour que se lève le jour. Ainsi depuis l’origine nous marchons pour que la lumière soit.(En lisant « Une pomme d’ombre » de Paul MATHIEU) (p. 53)

La vérité dans tout cela ? Après avoir lu « Les recommencements », on ne peut s’empêcher de  »recommencer ». Car on apprend vite à aimer la parole poétique de ce nomade qui parle la langue du perpétuel renouveau du cœur et de l’esprit, ménageant des pauses, des silences qui donnent du relief aux rencontres. On suit pas à pas ce voyageur épris de lumière et d’amitié, cet homme droit venu des sables afin de s’accomplir dans le partage. La vérité, c’est aussi qu’aucun vent ne pourra effacer ses mots, aucun retour à la case départ ne pourra nier ses œuvres écrites ou peintes ; son œuvre voyagera, s’il le faut par le bouche à oreille, de mémoire en mémoire, accompagnée du chant des dunes, à l’infini…

©Jeanne CHAMPEL GRENIER

* 17 rue Georges Léger, Le Coudray, 28130 Saint Martin de Nigelles – France

** (Hébreux 13:2 )

Miloud KEDDAR « Chemins de soi », poèmes, Ed.Flammes Vives- 12 euros

Une chronique de Jeanne CHAMPEL GRENIER

Miloud KEDDAR, « Chemins de soi », poèmes, Ed.Flammes Vives- 12 euros

  


                     Chaque homme se demande un jour, et le plus tôt est le mieux : qui suis-je ? Pour quoi suis-je fait ; et de ces interrogations naissent mille questions sans réponse puisque la réponse se construit par tâtonnement la plupart du temps, sauf si l’on a un don précoce et particulièrement évident, irrépressible. Certains chemins s’ouvrent d’ailleurs dans la douleur ‘‘Etre poète c’est avoir une corde cassée et être sensible » Il va s’agir donc de chemin de compensation, de réparation intérieure. Comment trouver cet accord parfait entre les manques et les exigences de la vie ? Il faut compter sur le hasard dont le jeu est imprévisible .   »Écrire, c’est mélanger les cartes, jeter les dés, les cartes seront retournées » Nul chemin déjà tracé d’avance, il n’est pas question de destin mais de chemin à créer pierre après pierre.Tous les outils seront nécessaire, les mots comme les couleurs.

                    Pour cet homme ayant vécu dans le désert des Touareg, qui étudia la météorologie en Algérie, il s’agit à chaque instant d’être patient, attentif aux signes du ciel. La vie est un chemin difficile et personnel ; il est fonction de tous les sens mis à l’écoute. L’homme du désert connaît le chemin de l’eau par la soif, le chemin de l’ombre par la brûlure sur la peau, le chemin de l’autre par l’absence, la solitude. Il avance de façon primitive au sens de  »premier » avec respect, et goût du progrès, du développement futur, comme  »la rivière se jetant dans le plus du fleuve qu’il nomme vie qui s’efface en renaissant dans le multiple »’ Il y a encore chez ce poète originaire du pays du désert des traces d’oueds interrompus asséchés dans ses aspirations de fleuve régulier qui file vers la mer. Rien ne semble acquis. » Pas à pas se rejoint l’éternel  ». L’auteur qui a passé sa jeunesse à l’écoute des signes qui pourraient le guider vers le meilleur de lui-même, est devenu Penseur, Poète et Peintre en empruntant mille chemins personnels dans la discrétion et la sagesse.

                    Mot après mot, couleur après couleur, le tout baigné de silences alternés de rumeurs, il a vu des idées fondatrices s’installer en lui ; il s’est laissé irriguer, et de sa terre intérieure en jachère, aride, sont nés des chemins, parfois une oasis fertile, de paix et de joie : »A regarder un fleuve caresser fiévreusement la joue de la terre,…on se prend à croire en l’amour »

Attentif aux rencontres, souvent avec son  »autre » intérieur (  »Éclaire cet autre en toi qui s’oppose à tes doutes »), sa vie prend de la profondeur, et cette profondeur il pourra la partager car elle est source d’enracinement : »Et tu iras d’un seuil, au salut d’un autre seuil »

                      C’est donc bien de chemins intérieurs dont il s’agit ; d’une longue introspection positive, créative, qui permet à l’homme de connaître sa position face à ses aspirations premières.

Le recueil s’achève alors sur un long ralenti où les mots orange, lune, brume créent une image mentale de repos ‘‘une orange fait l’aumône à la nuit..., une lune caresse nos paupières...et toujours l’avenir…une aube plus claire et verte... laisse place au jour qui sur le toit réitère son chant…

C’est la divine phrase des Écritures consacrant le jour de création:  »Et il y eut un jour et il y eut un matin ». 

                       Ce poète, apparenté au Sage qui ne se veut pas philosophe mais penseur, sait que l’on n’avance pleinement dans la vie qu’en accomplissant, parfois dans la douleur et le renoncement, ses propres chemins intérieurs, ce qui est bien plus que de développer ses dons personnels, car ces chemins de vie ne se tracent pas sans inclure l’autre, son semblable, avec une certaine idée de l’harmonie, du silence et de l’infini. Alors seulement, on peut se sentir en phase avec l’univers : « O rêve, ô pilier ! Au dessus-de l’abîme soutenant tout l’azur ! » 

Le miracle c’est qu’en lisant cet auteur, en scrutant ses toiles, on se trouve,  »après tant de pleurs, en rêve encore dans l’enfance continuée », en phase avec sa vision de l’homme et du monde ; car si certains poètes sont pour « l’ ici et le maintenant », l’auteur de » Chemins de soi » est pour « L’ ici et l’Ailleurs, et le maintenant et demain ».  Il y a de la grandeur tranquille, naturelle, dans ces poèmes ; y cheminer nous donne le sentiment de voir peu à peu poindre une aube nouvelle… 

© Jeanne CHAMPEL GRENIER

Miloud KEDDAR- 20 B Chemin du THON- 26000 VALENCE

Paul Mathieu ; Une Pomme d’Ombre ; poésies ; Editions Rafael de Surtis ; 2015 ; 32 pages ; 15 euros

Chronique de Miloud Keddar

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Paul Mathieu ; Une Pomme d’Ombre ; poésies ; Editions Rafael de Surtis ; 2015 ; 32 pages ; 15 euros


« L’autre face de la lumière »

Une autre face de la lumière, un autre versant du va-t-en-connaissance, le livre Une Pomme d’Ombre de Paul Mathieu. Le soleil qui se couche dans l’ici est dans son midi ailleurs là où le poète n’est pas ! Et à Paul Mathieu d’écrire : « Cette Une Pomme d’Ombre (…) tombée un peu par hasard dans le jardin d’octobre, n’en finit pas (…) d’accorder quelque lumière à celui qui veut bien la ramasser ». (Que le lecteur soit averti qu’il ne trouvera pas cette citation dans le livre de Paul Mathieu. Elle est extraite de la dédicace que l’auteur a bien voulu me faire). Mais pourquoi dévoiler la dédicace et dans quel but ? Je réponds que par elle l’auteur avisé donne par quelques mots un aperçu du contenu de son livre. Par elle il résume l’œuvre, nous éclaire, nous guide en quelque sorte, comme nous le verrons.

Décryptons, voulez-vous, la dédicace comme elle est citée : « Octobre »  n’est-il pas le soleil dans son couchant (le mois d’octobre, signe de l’année finissante) et n’est pas lumière la main autre que celle du poète qui veut bien ramasser la pomme là où le poète n’est pas ?

Arrivés là, posons-nous les questions : De quoi est composé le livre de Paul Mathieu et de quoi nous entretient-il ? C’est un petit livre par le contenu : un poème et quatorze proses (petit livre mais dense par l’idée et les dires !). Paul Mathieu nous parle de l’écriture, de nous autres simples humains avec notre besoin de lumière et Paul Mathieu nous entretient sur la poésie. Une Pomme d’Ombre est un livre surtout de poésie. J’ai tentation de citer tout le contenu mais je ne m’attarderai qu’à ce que je juge essentiel

et dès page 17 nous lisons : « Nous écrivons peu (…) nous n’aimons pas les règles & nous savons que c’est de cela qu’il faut d’abord nous affranchir » et puisque la poésie, il me semble, nous préserve de la tourmente, Paul Mathieu écrit page 21 : « (…) les cicatrices maquillées par l’ordinaire au milieu desquelles tremble parfois une construction préservée de la tourmente » et Paul Mathieu de continuer toujours pas 21 : « Qu’importe si l’on y devine le ciel entre les fissures du toit (…) le regard peut-il s’y reposer un instant avec l’espoir de retrouver on ne sait quel fragment de soleil » (nous, toujours à la recherche de la lumière !). Paul Mathieu n’affirme pas toujours, il s’interroge, nous interroge comme page 12 : « Nous vivons dans ce qui n’est pas vivre & nous hésitons même à dire que c’est la vie » ou encore page 22 : « Après tout que restera-il ? », « Une pomme pour la soif & rien de plus ? ».

Quelques citations encore, des affirmations, des va-en-connaissance :

Page 11 : « (…) la soirée (…) s’ensommeille (…) c’est toujours la même histoire : sans cesse attirés par les sirènes de départ & les grands oiseaux que l’on dit ailleurs nous profitons du peu de clarté »

Page 17 : « Nous nous disons que la beauté peut s’appréhender de plusieurs façons » (de l’étoffe d’un rien ou du peu nous écrirons une écriture de lumière !)

Enfin page 18 pour terminer : « (…) dressés sous la grande capeline d’étoiles pour traverser l’obscurité nous apprivoisons un feu que nous promenons –lui & toute la poésie » (toute la poésie !).

©Miloud Keddar


Pour rappel  « Une Pomme d’Ombre » de Paul Mathieu présenté sur France Culture par Sadou Czapka https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=1b862ed8-b399-11e5-8e9e-005056a87c89

Miloud Keddar, Man oumi lal ouma, (de ma mère à la communauté) poésie en voyage, éditions La Porte, 2017

Chronique de Lieven Callant 

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Miloud Keddar, Man oumi lal ouma, (de ma mère à la communauté) poésie en voyage, éditions La Porte, 2017 


Le livre s’ouvre sur un credo de Claude Morenas:

« Au nom des mondes et de la vie, au nom de ta propre et immense liberté qui est seul juge, tu te dois de t’accomplir de toute ton âme et de toutes tes forces, en ne meurtrissant rien, en ne blessant personne, en une ascension journalière, obscure peut-être mais persévérante.

(Car) c’est à la vie génitrice d’espèces que nous avons à rendre des comptes, à elle seulement et à nous-même qui somme les plus exigeants.

« La vie génitrice d’espèce » peut être vue comme un don qui nous est fait à notre naissance par notre mère qui elle-même l’avait reçu de sa mère. La vie comme un flux qui nous rend responsable de nos actes comme des pensées qui les sous-tendent comme si ce don, cette vie reçue ne nous appartenait qu’en partie, le temps infime de notre passage sur terre.

À travers la vie, c’est un message plus vaste qui doit être transmis, nous n’en sommes que les messagers provisoires mais pourtant il importe et concerne intimement et vivement l’être humain que nous sommes, l’entité particulière.  Voilà ce qui m’est venu à l’esprit en lisant les poèmes courts contenus dans ce recueil signé Miloud Keddar.

Mais pas seulement, car sans ne m’être jamais rendu qu’en rêve en Algérie, j’ai senti grâce à eux, l’écho d’une voix plus ancienne, comme un de ses vents chauds et secs qui nous ramène des poussières et des sables ocres issus des déserts arides et mystérieux. La voix d’un pays, d’un continent peut-être que les chants promènent depuis la nuit des temps. On reconnait l’enfant, l’adulte exilé de ce pays qui le comprenait si bien, je veux parler de celui de l’enfance, couvert par l’aile protectrice de l’espoir, de la joie, de l’innocence. Le poète se reprend à vouloir « l’organisation du bien » en interrogeant et ses blessures et ses souvenirs et ses langues et les manières d’y parvenir. Il est question de départ, de mort, on évoque des « bottes » qui servent de toit à une maison devenue sans porte et sans fenêtre une prison ou plus éloquent « Une étoile sans cris! ». On suggère les visages que prennent la déroute, l’exil obligatoire mais tous se dépouillent du sentiment de rancune que suppose « Un homme a tué un homme »

« Un geste mort

Que nous tenons comme un Livre:

L’héritage comme houille. »

Que j’interprète comme nous signifiant l’erreur de croire qu’on peut disposer de la vie des autres même sous uns de ces prétextes que nous inscrivons dans nos livres comme s’ils étaient des lois universelles.

« Retiens sur tes épaules

La souveraineté enfantine

La tête haute! »

L’humanité ferait-elle bien de retourner à son enfance, à sa racine nue qui fait de chacun un frère?

Le livre se termine par cette exhorte

« Pays, Algérie,

Pays,

Tu sais

Même dans la main des anges

La guerre est un animal qui ne dort pas! »

Sans doute suis-je bien naïf de songer que ce message s’adresse à ceux que la guerre pour un territoire ne révolte pas.

Comme souvent, la poésie m’emmène avec elle sur ses routes de brumes ou de sable semant en moi toujours plus de questions que de réponses mais n’est-ce pas là un de ses espoirs? Voici donc « de courts poèmes qui en disent long » comme le poète l’a souhaité en me faisant le cadeau de ces vers.

©Lieven Callant 

Paul Mathieu, « Le temps d’un souffle », illustrations de Blandy Mathieu, Editions La Croisée des Chemins –Traversées, coll. Images, 2017, 72 p, 18 euros

Chronique de Miloud Keddar

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Paul Mathieu, « Le temps d’un souffle », illustrations de Blandy Mathieu, Editions La Croisée des Chemins –Traversées, coll. Images, 2017, 72 p, 18 euros


« Le premier souffle est le début du dernier souffle »

De ce livre, tout d’abord l’épigraphe. Et c’est Albert Camus qui écrivit : « Celui qui désespère des événements est un lâche, mais celui qui espère en la condition humaine est un fou ». Là tout est dit ! (J’ajoute que Camus est considéré comme auteur français par les Français et comme auteur algérien par les Algériens et que je me sens concerné. Je suis né Français –par le hasard de l’Histoire- et puis devenu Algérien –encore par le hasard- et aujourd’hui je suis (à nouveau) Français, mais cette fois par ma propre décision ! Ce qui me fera dire que nous pouvons (parfois) avoir le choix et dire par ailleurs : que tout auteur par ses écrits –comme d’autres par leurs activités- nous appartenons à la communauté des Hommes !

Maintenant vient le moment pour moi de dire que je connais mal le travail de Paul Mathieu, et mieux encore : « Le temps d’un souffle » est de lui ma première approche – première lecture. Tenons donc la présente chronique comme réservée à ce seul livre. Et le titre que je donne à ma chronique, me direz-vous ? M’y a invitée l’illustration de Blandy Mathieu (page 51) qui a peint la phrase « Asseoir le premier mot » et Paul Mathieu m’y ayant préparé (page 12) par les vers « (…) briller/ jusqu’à l’absence/ jusqu’à/ la poussière de l’absence/ jusqu’à s’effacer » et puis page 50, donc juste avant la phrase peinte par Blandy Mathieu, Paul Mathieu qui clôt le poème par « ne pas dire non » (ne nous invite-t-il pas là à résister à la « lâcheté » et à la « folie » que dit l’épigraphe ?). Est-ce cela ou je me trompe ? Et je ne me tromperai pas en affirmant que « Le temps d’un souffle » est le livre de deux humanistes. Comme avant Paul Mathieu le fut Albert Camus et comme l’est Blandy Mathieu peignant la phrase « Asseoir le premier mot » (c’est-à-dire « naître à ce monde », naître à la Poésie comme à l’Art !) Ce livre ne dit autre « qu’une participation joyeuse au maintenant (…) prêt pour la mort. » comme le rapporte Philippe Jaccottet dans son livre « Ce peu de bruits » citant, en page 106, Peter Handke, Handke qui a écrit encore : « Je ne sais pas observer, je sais être ouvert » ! Et je termine cette brève chronique par les deux derniers poèmes de Paul Mathieu qui en disent long ;

« malgré les interdictions

affichées ici et là

on mord un peu

sur les pelouses

ça ne fait rien

nos pas ont si peu de poids

que nul ne songe à nous le reprocher » (page 70)

Et page 71 :

« à la fin

on creusera les caves

où asseoir le premier mot

puis on parlera de pierre

pour dire la voûte

& l’on ouvrira des fenêtres

aux forêts en marche

pour habiter l’homme

le temps d’un souffle » (Paul Mathieu)

©Miloud Keddar

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