Chronique de Lieven Callant
Mon cerveau, ce héros
mythes et réalité – Elena Pasquinelli – Manifeste – Éditions Le Pommier, Paris 2015 234 pages, 19€
Jolie couverture avec le dessin d’un cerveau en habit de superman. Mais ce n’est pas la couverture qui m’a incitée à lire ce livre, c’est l’intervention d’Elena Pasquinelli sur les ondes de France Culture.
Elena Pasquinelli, chercheure en philosophie et en sciences cognitives, chargée de cours à l’Ecole normale supérieure et membre de la Fondation La Main à la Pâte passe en revue la plupart des grands neuro-mythes.
L’auteur distingue les mythes liés aux capacités extraordinaires du cerveau comme le mythe des pouvoirs du cerveau sur la matière, comme le pouvoir extra-mental qui permettrait de recevoir et de transférer de l’énergie et des informations. Elle distingue les mythes sur les capacités ordinaires du cerveau. L’auteur se penche ainsi sur la mémoire, la perception. Elle distingue les mythes liés à l’anatomie et aux fonctions du cerveau. Ici aussi l’auteur dénonce le mythe affirmant qu’on utiliserait que 10% des potentialités de notre cerveau et que dans une certaine mesure il serait possible d’en améliorer les performances comme on le ferait pour un athlète au moyen d’exercices (brainGym). Les possibilités de modeler, de modifier le cerveau sont relativement restreintes même si la plasticité cérébrale été maintes fois démontrée notamment sur des cerveaux endommagés où une zone du cerveau reprenait les fonctions ou une partie de des fonctions de la zone endommagée. Le mythe du cerveau droit et du cerveau gauche, c-à-d la théorie qui soutiendrait qu’on utiliserait une partie du cerveau plutôt qu’une autre selon les activités, le sexe, l’âge est lui aussi remis en cause par Eléna Pasquinelli.
Bien plus que remettre les horloges à l’heure en confrontant les mythes avec les théories scientifiquement établies et les réelles connaissances actuelles en neurologie, Elena Pasquinelli propose une méthode d’analyse qui peut facilement être extrapolée à d’autres domaines, à tous les domaines de la vie courante.
Ainsi chaque chapitre se structure de la même manière: Décrire le mythe, son contexte historique, ses moyens de diffusion. Confronter les fausses informations aux connaissances réelles en la matière. Tirer une conclusion et fournir les sources appuyant la conclusion et les différentes étapes de l’étude du mythe en question. Les lecteurs sont régulièrement invités à vérifier par eux-mêmes les informations mises à disposition par Elena Pasquinelli.
Il est rappelé tout au long des démonstrations que toute expérience scientifique pour être validée doit respecter des protocoles très précis et préétablis par des experts spécialisés dans le domaine en question. L’analyse des résultats d’une expérience doit elle aussi suivre une méthode scientifique. Les statistiques jouent un rôle capital dans l’évaluation et l’extrapolation des résultats. Il ne faut pas perdre de vue que toute expérience se base sur un échantillon de sujets. La pertinence du choix de l’échantillon reste elle aussi à être évaluée. Tout au long du processus de découverte peuvent se glisser des erreurs.
Les médias spécialisés ne jouent pas toujours correctement leur rôle qui est de vérifier la valeur des études publiées. Les chercheurs eux-mêmes ont tendance à attirer l’attention sur les thèmes perçus comme étant positifs. La contre-expertise qui vient éventuellement invalider les résultats trouve plus difficilement sa place dans les médias. Il nous revient à nous, lecteurs, de ne pas faire aveuglément confiance. Des outils de réflexion sont mis à notre disposition, ce livre en est un. Le bon sens prône de toujours vérifier soigneusement les informations en analysant et interrogeant les sources. N’oublions pas d’actualiser régulièrement nos connaissances. Rappelons-nous qu’il est facile de confondre les liens de causalité et ceux de la simple corrélation.
Si Elena Pasquinelli trouve nécessaire de dénoncer les neuro-mythes c’est avant tout pour réveiller les consciences. Posséder des informations exactes, correctes éviterait aux décideurs de prendre des mesures inefficaces, inadéquates voire dangereuses et néfastes dans des domaines tels que la santé publique, l’éducation nationale.
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre. Son ton militant, direct et sans ambiguïté m’a séduit. Notre cerveau est un organe fascinant ne laissons personne l’exploiter indûment.