Stella Vinitchi Radulescu, Ce jour qui saigne et autres textes, Editions du Cygne.

Une chronique de Patrice Breno

Stella Vinitchi Radulescu, Ce jour qui saigne et autres textes, Editions du Cygne.

L’auteure, d’origine roumaine, vit aux U.S.A. Son écriture, fluide, est axée principalement sur l’ouverture à la vie, au jour par opposition à la nuit. Les vers très courts sont jetés sur la page comme des traces d’espérance, sortes de bouées de sauvetage de l’âme. Stella Vinitchi Radulescu nous offre par ce recueil tant d’espoir, tant de lumière que ses mots peuvent nous aider à combattre contre la nuit (l’absence de l’autre) et le vide (la solitude même si nous sommes entourés) qui nous assaillent si souvent, sortes de tremplins vers un ailleurs salutaire et salvateur. « Ta soif / de feu et de lumière / quand dans le monde il fait encore / nuit ». 

C’est une révolte, un combat permanent et incessant qu’elle nous offre en ces pages auréolées : « bouge / et tout est dit ».

Stella dit l’amour, la vie, le désir, la mort aussi « pour qu’un nouveau jour commence ». Elle aime aussi le silence, le refue, les portes qui s’ouvrent et se referment sur la route, la lumière, la mort, le silence, le paradis…

Chaque page de ce recueil engage le lecteur à méditer et à bien retenir ceci : « remplissez le vide qui monte / en vous, / meublez votre solitude, / accrochez une à une les heures, c’est vite fait / une vie ».

avec « Ce jour qui saigne », ces « Fragments de vie et de mort » et ces autres textes, nous trouverons peut-être quelques réponses à nos questions existentielles.

© Patrice Breno

Les chants de Jane, Claude Miseur, revue du Grenier Jane Tony, Bimestriel Novembre/Décembre 2017, n°12

Une chronique de Patrice Breno

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Les chants de Jane, Claude Miseur, revue du Grenier Jane Tony, Bimestriel Novembre/Décembre 2017, n°12


Une plaquette d’une vingtaine de pages, voici la dernière livraison du vigilant Claude Miseur. « Les chants de Jane » se déclinent en vingt « petits tableaux pour se risquer plus loin que la couleur », comme il nous en parle en préambule.

Des poèmes en guise de clins d’oeil caractérisent le poète, que nous apprécions pour ses attentions et qui, l’air de rien, de ne pas brusquer, nous dépose ces textes si délicats. C’est que Claude est non seulement dévoué à l’écriture, mais aussi fidèle à ses amis.

Tout en retenue, ses mots portent à nos yeux ses craintes, ses hantises, mais aussi ses désirs, ses espérances.

Ne taisons pas nos souffrances sinon la douleur est là et « nommer ce silence » et puis « la tragédie n’est plus ».

« Se risquer plus loin que la couleur » c’est aussi « parler absence … distance … territoire … liberté ».

En ces quelques petits tableaux, Claude Miseur nous fait entrevoir par sa poésie la lumière qui doit filtrer malgré les ruptures.

« Et l’air parfois palpable

dont le cri scande l’inaudible

immobilité du guet

à cet instant lâchée

les prémices

attendent leur ravisseur

le hasard s’est posé

non loin d’ici »

©Patrice Breno

Mad, Michaël Lambert, éditions Murmure des soirs, 2016, 281 pages.

Chronique de Patrice Breno

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Mad, Michaël Lambert, éditions Murmure des soirs, 2016, 281 pages. http://www.murmuredessoirs.com


Mad, la cinquantaine, citadine, abandonne la ville pour la campagne, alors qu’elle excelle dans son art, la peinture.

Jean, fermier-cultivateur, bourru, lâché par son épouse qui rêvait d’un autre monde, d’une autre vie, se retrouve seul à seul avec Rémi, leur fils.

Ce roman narre la rencontre improbable entre Mad et Jean, deux êtres écorchés, que tout éloigne mais que tout finit par rapprocher.

Mad, comme son prénom le suggère, est folle, folle de vie, folle d’espérance. Elle veut tout recommencer à zéro. Et pourtant, loin de la ville, rien n’est vraiment simple : tout porte à l’exaspération : la terre pas si facile à cultiver ; les jeunes pas si faciles à apprivoiser, surtout les motorisés du quad qui saccagent tout sur leur passage, les routes, ses terres, son potager ; les chasseurs qui tuent sans vergogne…

Mad voudrait tout changer en un tournemain, le nouveau monde qui l’entoure et… surtout Jean dont elle tombe amoureuse.

Pourtant, à certains moments, elle sait canaliser sa force, sa violence, face à la jeunesse fougueuse de Rémi souvent incomprise de son père, face aux éléments perturbateurs qui la désarçonnent souvent. En cela, la peinture, qu’elle maîtrisait déjà en ville et qu’elle transpose dans son nouvel univers, lui sert de catharsis. Une art-thérapie en somme.

Ce roman est aussi une ode bucolique à la nature, au bio, au ravissement et/ou à l’incompréhension du monde animal et humain ; tout de sensualité et d’énergie mais aussi tout en retenue, ces presque trois cent pages gagnent à être lues, ne fut-ce que parce qu’elles exaltent l’amour et la vie, tout simplement.

L’actualité de l’auteur, Michaël Lambert, est à voir sur le site http://www.aveclesourire.be ; tout un programme finalement.

©Patrice Breno

 

Sacrifice, Joyce Carol Oates, éditions Philippe Rey, 2016, 357 pages.

Chronique de Patrice Breno

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Sacrifice, Joyce Carol Oates, éditions Philippe Rey, 2016, 357 pages.



Sybilla Frye est retrouvée de justesse, dans une cave sombre, torturée et violée, couverte d’excréments et d’inscriptions racistes. Elle dit avoir été enlevée par des « flics blancs ».

Nous sommes en 1987, dans la ville de Pascayne, au centre d’un quartier noir du New Jersey, USA, où chacun, dans la misère et l’indifférence, fait ce qu’il peut pour survivre. Vingt ans se sont écoulés depuis les émeutes raciales qui ont fait des dizaines de morts, où la police avait pour mission d « tirer pour tuer » … « tous les âges du bébé au vieux si leurs visages étaient noirs ».

Une famille, plutôt un ersatz de famille : une mère, Ednetta, qui s’est amourachée d’une brute épaisse, Anis ; ce dernier, rarement présent, travaille pour le service voirie de la ville, mais fait subir un véritable enfer à son entourage proche.

Ednetta, complètement perturbée, met à l’écart sa fille Sybilla pendant quelque temps, de la presse, des curieux, des bons et des méchants qu’elle a bien du mal à discerner, mais aussi de son compagnon.

Toutes deux seront contactées puis encadrées et enfin manipulées par un pasteur et son frère avocat. Et puis le Prince Noir, au nom de l’Islam, prendra le relais pour « éduquer » Sybilla.

Ce livre reflète le contexte de l’Amérique livrée à elle-même, où Noirs et Blancs se livrent une lutte à mort ; ils se sont toujours affrontés, avec les dérives qui nous parviennent par médias interposés.

L’auteure s’est attaquée ici à un sujet éminemment sensible. Elle ne prend pas parti, à aucun moment. La corruption et la violence, la justice et le châtiment, le racisme et le profit… ce sont quelques-unes des fragilités que connaît l’Amérique depuis tant de décennies. Ce roman intemporel – écrit par un auteur blanc qui a le courage de parler avec force des dérives de l’establishment judiciaire et policier – signifie aussi à quel point l’innocence et la jeunesse détruites peuvent être des armes terribles dans des mains perverses et cupides. Il permet de comprendre comment et pourquoi des gourous illuminés parviennent à détourner et à diriger des foules éperdues et crédules pour servir leurs intérêts propres, que sont le pouvoir absolu et l’argent à flots.

Ce livre n’apporte pas de réponses, car il n’y en a pas. Il reflète par constat toutefois que rien ne résiste à l’intolérance, au racisme, à la méchanceté de l’homme et aux dictatures sous-jacentes. L’espoir, c’est que chacun y mette du sien !

A lire en retenant son souffle, tant l’horreur est permanente et … latente.

L’Amérique, une poudrière ! Le monde aussi …

©Patrice Breno

Sept histoires pas très catholiques, Armel Job, éditions Weyrich, collection Plumes du Coq, 2016, 137 pages ;

Chronique de Patrice Breno

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Sept histoires pas très catholiques, Armel Job, éditions Weyrich, collection Plumes du Coq, 2016, 137 pages ;


« Sept histoires pas très catholiques », ou 7 nouvelles percutantes, où Armel Job nous décrit avec passion et humour les bondieuseries qui sévissent dans les villages ardennais, dans l’après-guerre de 40. La bigoterie, le célibat des prêtres, la rumeur délétère … sont autant de thèmes croqués ici souvent avec une tendresse certaine mais aussi avec humeur. Celles ou ceux qui paraissent des saints sous prétexte d’être des grenouilles de bénitier sont-ils réellement en odeur de sainteté ?

Sept nouvelles reliées par un fil rouge, où le lecteur retrouve l’un des personnages-clés à chaque histoire.

Dans Le dolmen, Achille, envers et contre tous, est athée et, à cette époque, renier Dieu, c’est comme conjurer le sort et recevoir sur soi et les siens tous les fléaux imaginables. Fâché avec le divin dès sa plus tendre enfance, le sera-t-il jusqu’à son lit de mort ?

Les cigarettes de l’abbé Volner lui permettront-elles de résister à la tentation ? « L’usage exorbitant de Dieu lui-même réclamant le Saint Sacrifice »…, « l’usage suprême », à savoir « pas de femme » pour le prêtre.

Dans Le portrait d’Emma V., c’est aussi à s’y méprendre le regard de Dieu qui se lit dans les yeux de la femme peinte.

C’est un véritable vaudeville que l’écrivain nous apporte avec Une communion, ou comment une hostie volée remet les pendules à l’heure.

Aussi, « deux inséparables, deux amis, poursuivent leur tête-à-tête dans l’au-delà », in Le chêne et l’acajou.

La pyxide et son parfum enivrant, « divin », vous transforme son homme…

L’auteur a de ces phrases-choc qui bousculent tout un chacun :

« La loyauté un jour ou l’autre implique la trahison. »

« Si Dieu n’était pas le plus fort, il ne serait plus Dieu ».

« Nous nous fabriquons tous nos illusions. Sans quoi comment pourrions-nous vivre ? »

7 nouvelles, 7 histoires d’amour qui tournent bien ou mal, quelle importance, pourvu qu’il y ait l’ivresse. Et c’est bien ce que nous ressentons à la lecture de ces pages magiques.

Armel Job est un conteur hors pair. Il sait nous emballer du premier au dernier mot, il sait faire s’entrechoquer les âmes, nous parler d’amour et d’amitié, mais aussi de trahison et de lâcheté, bref de tout ce qui rassemble ou désunit hommes et femmes.

©Patrice Breno