Une chronique de Lieven Callant
Thierry Radière, Poèmes à Tilda, illustrations de Joy Eau, Les Carnets Du Dessert De Lune, collection Petite Lune, 2022.
« Irremplaçable est le poète, car il prolonge le rêve à l’infini ». Gary Klang
Par cette exergue commence l’album de poèmes à Tilda. Le lecteur est prévenu: le rêve sera prolongé à l’infini. Dès la première page, il est invité à changer son point de vue, à retrouver la perspective d’un « petit ». Si Thierry Radière s’adresse à une enfant en particulier, à travers elle, il s’adresse à tous les enfants y compris ceux qui ont dépassé l’âge requis.
Ce qu’il faut préserver c’est la capacité à s’émerveiller d’un rien. La faculté de traduire la réalité selon sa propre fantaisie, de retrouver la joie de l’émotion. De puiser à sa source toute pure. Pour agrandir le monde, il faut pouvoir le rêver. Voyager dans sa tête sans limites et puis finalement cueillir et partager les fruits de ces voyages aussi peu lointains soient-ils. Le quotidien et l’ordinaire sont à explorer chaque jour selon que l’on grandit et vieillit.
La frontière entre l’adulte poète et l’enfant se fait plus floue. Le poète croit aux histoires farfelues de l’enfant. Pour se rapprocher d’elle et de cet univers, il faut jouer. Jouer avec les sensations, les mots, le sens et les valeurs qu’acquiert la parole au fil de la vie. Pour le poète et l’enfant, le jeu a bien des pouvoirs magiques.
Le cerf-volant dans le ciel
Dessine des boucles
Écrit des mots
Fait des phrases
Tellement légères et belles à la fois
Qu’on aurait envie
De passer sa vie entière
Assis sur le sable
Près de la mer
À imaginer des livres
Dansant devant nos yeux.
Le défi est de taille: grandir. L’enfant est par essence poète, on est donc inviter à le rester tout en devenant adulte. Cette faculté magique disparait à forcer de devenir raisonnable, à force d’obéir à une logique et à se plier à ses règles sans jamais plus les inventer.
Ce qu’il faudrait proposer c’est d’agrandir ses aptitudes créatrices et comme le propose l’auteur:
« Grandir
C’est apprivoiser
Tous les es animaux de son coeur
Essayer de les comprendre
Sans jamais les juger
Vivre avec eux
Sans rien dire à personne »
Il y a en nous « une langue intérieure » qu’il nous faut apprendre à pratiquer. Une langue qui cherche son chemin vers l’expression parmi l’inexprimable.
Les dessins de Joy Eau illustrent lumineusement les propos du livre. Les aquarelles surgissent de la masse confuse et blanche du papier comme si elles surgissaient directement du rêve pour nous inonder de couleurs presque rélles.
© Lieven Callant

Sans botox ni silicone – Blog de l’écrivain Thierry Radière
