Chronique de Nadine Doyen

Dana Grigorcea, La dame au petit chien arabe ; Traduit de l’allemand par Dominique Autrand ; Albin Michel, (15€ – 139 pages), Août 2019
Dana Grigorcea campe son intrigue à Zurich, « petite cité lacustre au charme exotique ».
Anna aime promener son petit chien en bordure du lac et boire son « matcha latte », servi avec des biscuits, dont les miettes font le régal de son chien. Un jour, attablé à ses côtés, Gürkan, jardinier, séduit par sa silhouette délicate, ses gestes gracieux, tente une approche en attirant le toutou !
Une rencontre qui va bouleverser la vie d’Anna, rompre sa monotonie.
Anna est une ballerine à la carrière conséquente si l’on en juge par tous les tableaux affichés dans la salle d’attente de son mari médecin (qui la représentent sur scène dans des rôles phares).
Un couple qui aime recevoir avec champagne, véritable « fontaine de jouvence ». Mais Anna est une femme libre qui vient de succomber au charme de cet inconnu à la voix envoûtante. Elle aime croquer la vie sur le champ. Ils se plaisent, s’apprivoisent, se revoient, flirtent. Fougueux baisers, étreintes, effusions intempestives… Leurs mains ne se quittent plus. Leur bonheur irradie tant que les gens, qui les croisent, sourient de les voir si épris l’un de l’autre, les prenant sans doute pour des jeunes mariés. Le jeune kurde initie son amante à une danse folklorique au son de la darbouka.
Cette liaison extra-conjugale est vécue avec un sentiment d’égarement, de culpabilité pour Gürkan, (marié et père), alors qu’Anna, volage, n’éprouve aucun scrupule. Elle vit cette passion intensément, mais ne sera-t-elle qu’un feu de paille ? En voyage à Venise, Anna, oisive, s’ennuie et devient insomniaque. Elle réalise très vite qu’elle est habitée par Gürkan, ressent la morsure de l’absence et éprouve un désir ardent de le revoir pour combler ce vide. Va-t-elle réussir à le retrouver ? Vont-ils reprendre leur pas de deux amoureux ?
Anna serait-elle comme Louise de Vilmorin qui n’aime que les commencements ?
Dana Grigorcea situe son récit au printemps, moment où la nature renaît et réveille les sens des protagonistes et en été où les corps se dénudent, dans un décor idyllique, sur les rives du lac.
L’auteur ausculte le sentiment amoureux, met en exergue la sensualité des corps, leur souplesse
Une romance très rythmée, baignée de soleil, qui met en scène une chorégraphie pleine de délicatesse, d’élégance, de légèreté, sous le signe de Tchekhov. « La certitude d’avoir été, un jour aimé, c’est l’envol définitif du coeur dans la lumière », pense Bobin.
© Nadine Doyen