Chronique de Nadine Doyen

Stéphanie Hochet ; Eloge voluptueux du chat , Préface de Gilles Lapouge ; Philippe Rey ( 19€ – 256 pages)
Stéphanie Hochet revient avec un deuxième volet autour de catus, et fait le bonheur de tous les ailourophiles tant ce volume est truffé d’informations.
L’engouement pour sa Majesté le chat ne se dément pas sur les réseaux avec les « lolcats », que l’auteure réprouve car « peu respectueux des chats »
Dans sa préface Gilles Lapouge fait remarquer l’aspect politique de cet opus. Il rappelle que le chat était considéré comme maléfique au Moyen -âge. Il souligne l’audace de cet opus.
Dans cet abécédaire consacré à la gent féline, l’auteure, « chat elle-même » dresse le portrait protéiforme du chat. Elle nous le montre dans tous ses états ! « Maniaque », « flexible » tel un gymnaste, au corps caoutchouteux, « maître du yogi ». Elle met en exergue les écrits de Jean-Louis Hue, aux « descriptions irrésistibles des faits et gestes du chat », comme sa capacité « à se fondre dans n’importe quel objet concave », un tiroir par exemple. Elle le jalouse même, lui qui « ne connaît pas d’interdit » et « défie les lois de la pesanteur ».
Mais si « elle s’extasie sur ses séductions, elle ne dissimule pas ses travers » : ingérable, imprévisible. Parfois un vrai hooligan !
C’est un nocturne. Il peut lui arriver d’entrer en transe. « La petite bête pacifique dégaine ses griffes ». A savoir son côté prédateur féroce, goinfre. Mais la romancière confesse un faible pour ces matous obsédés par la nourriture ». Elle les trouve sympathiques et se remémore « le plaisir inoubliable « de caresser le « corps musculeux » de son regretté Manolo. C’est un lapin qui partage sa vie, désormais.
On peut aborder cet opus de multiples façons. Au hasard, selon l’attirance des mots /entrées. On y croise une myriade de chats mythiques, charismatiques (Choupette (1), Nelson, Tango, le chat du rabbin, Sam l’Insubmersible), de gens célèbres (B.B, Anny Duperey).
L’amateur de voyages partira pour « la nouvelle Egypte des matous » à la rencontre de chats japonais sur l’île d’Aoshima . C’est d’ailleurs au Japon que sont nés les bars à chats.
C’est au cours d’un séjour en Italie que Stéphanie Hochet a pris connaissance de Maru, vedette japonaise de l’écran. Son maître poste ses vidéos sous le pseudo « Mugumogu ».
Si vous passez par Rome, rendez-vous à « Largo di Torre Argentina ». quartier réservé aux petits fauves errants. Plus surprenants encore ceux du musée de l’Ermitage à Saint- Petersbourg dotés d’une carte d’identité.
En Angleterre Garfield et en Belgique, Geluck font le bonheur des bédéistes. L’humour en prime.
Vous aimez la poésie, les haïkus de Minami Shinbô, « des chakus » vous attendent…
L’art vous passionne. Le chat « au corps si harmonieux » a inspiré maints peintres (Manet, Bosch, Goya, Chardin, Picasso…), photographes et cinéastes (Les Aristochats, Fritz the Cat).
Citons cet Anglais de Brighton, Harry Pointer, qui créa The Brighton cats, cartes humoristiques.
Ou encore Foujita qui aimait poser avec Miké, car ce minet apportait à ses tableaux « une pointe de sauvagerie, d’insolence féline, de charme comique ». L’essayiste avoue son faible pour Vinci, « antispéciste avant la mode ». Elle nous offre des descriptions très détaillées des œuvres évoquées.
On ne résiste pas à aller consulter ces peintures sur le net ou à les admirer au Louvre.
L’ami idéal de l’écrivain, comme le définit Patricia Highsmith : « ils offrent quelque chose que les êtres humains ne savent pas offrir : une compagnie qui n’est ni revendicative, ni dérangeante ». On sera étonné de lire le comportement de Churchill.
Une pléthore d’écrivains renommés est associée aux chats. Parmi eux Colette, Marcel Aymé, Baudelaire, Vian. Les poèmes de T.S Eliot ont inspiré la comédie musicale Cats.
A l’entrée « Bébert », on retrouve Frédéric Vitoux qui a écrit sur le chat de Céline dans son Dictionnaire amoureux du chat. Bernard Pivot compare le corps du félidé « à une virgule ».
Les historiens pourront embrasser l’évolution du chat et des lois depuis l’époque où il était considéré comme le diable et persona grata. L’éthologie de l’animal est aussi abordée.
Stéphanie Hochet nous offre un large éventail de lectures et de citations avec le chat comme personnage central. Voir l’impressionnante bibliographie sélective, en fin d’ouvrage.
Le tour de force de l’écrivaine, c’est de donner envie à ceux qui n’ont pas de chat d’en adopter un. Elle nous rappelle les bienfaits thérapeutiques que cet animal procure, comme le « patiner ». Elle aussi, parle de « sérotonine » !
D’où le chagrin incommensurable quand il vient à nous quitter. C’est la gorge serrée que nous lisons les récits de Manolo, ayant appartenu à la romancière, « son âme soeur » et de Plumette, de Jérémy Fel (2). L’interview insérée rappelle Que Tal de Daniel Arsand. (3)
Végétarienne, très engagée quant à la lutte pour le bien-être animal, elle ne manque pas de dénoncer dans cet ouvrage le comportement monstrueux de l’être humain (comme cette fête de Yulin en Chine ou celle d’Ypres).
Pourquoi ce panégyrique est -il « voluptueux » ? Parce que le chat « est un athlète de la volupté », il sait vous faire « du gringue », il « ronronne pour célébrer sa jouissance ». Son corps est attirant, « ses courbes féminines appellent la caresse. »
Les miaulements et feulements traversent cet essai. Le plus inouï, c’est d’écouter ce duo de chats, « cette œuvre de Rossini, mélodie parodique » marquante, « morceau brillant et drôle » qui décline mille variations des cris de chats.
L’auteure ne manque pas d’aborder les diverses races, (depuis le chat de gouttière, le Maine Coon au British shorthair), la « rex mutation ». Rien ne lui échappe.
Stéphanie Hochet signe un florilège félin chatoyant, foisonnant d’anecdotes, singulier, sensuel même, « élégamment érudit », très documenté aux multiples pistes d’entrées.
L’amoureuse des chats signale les étymologies, nous initie à la culture du Japon, embrasse la généalogie de « catus » sur des siècles, les croyances, glisse proverbes, adages et citations ce qui contribue à rendre la lecture très ENRICHISSANTE ! « L’erreur serait de passer à côté »!
Il vous reste tant à découvrir dans cet essai où le chat est roi. Des conseils vous sont même prodigués.
Concluons par cette définition originale du greffier:« Sybarite de la sieste, Lucullus de la gamelle, toujours prêt à la caresse, le chat est champion de la délectation ».
A votre tour de vous délecter de cette pépite inépuisable, merveilleuse ode aux chats.
Offrons à Stéphanie Hochet qui se perçoit « mi-humaine, mi -animale » des « Maneki Neko » en signe de porte-bonheur.
©Nadine Doyen
(1) Choupette : Chatte sacrée de Birmanie à qui Karl Lagerfeld « a légué une fortune par testament ».
(2) Jéremy Fel, dernier roman paru : Helena - Rivages
(3) Que Tal de Daniel Arsand - Editions Phebus