Chronique de Pierre Schroven
La malle aux souvenirs : poésies/ Marcel Detiège ; Bruxelles : Michel Frères, 2016
La poésie de Marcel Detiège parle le langage du cœur, du corps et de l’esprit ; mieux, elle semble « armer », au détour de chaque page, un soleil bienveillant dont la seule vue rend heureux et nous fait respirer un peu.
« L’élan vient
quand vient son heure
chargé des jours en essaims
le paradis nous revient
le désir et
le regain »
Partagé entre des pointes d’humour caustique et des élans retenus de tendresse, le poète scrute le réel humain ; mais attention, point ici de leçon voire d’envolées lyriques « qui ne vont nulle part » mais une poésie de chair et de sang communiant avec les humbles choses de la vie.
« On a besoin d’amour
ni la métaphysique
ni les épiphonèmes
ces prêches de laïcs
ne pourront rien y faire »
On est ici en présence d’une poésie chaleureuse et humaine qui, plutôt que de s’aventurer à percer les secrets de l’univers, a pris le parti de parler au cœur, d’animer les sens et de satisfaire l’esprit. Cependant, même si l’humour « brasse » l’ensemble du recueil, Detiège ne se prive pas d’exprimer son angoisse face à la fuite du temps(l’ennui, la mort…) et aux limites du langage : « l’amour de la vie, souvent n’est point autre chose qu’une grande énergie à combattre l’ennui ». Bref, dans « La malle aux souvenirs », Marcel Detiège partage avec nous une poésie qui féconde une joie à la seconde et tire émotion (ou pensée) des plus menues manifestations de la vie.
Le soleil brille
L’heure tourne
Et mon corps se réchauffe
Je ferme les yeux
M’enfuis à pieds nus
Sur les chaudes autoroutes
De la liberté
Sans la moindre pudeur
En courant comme un faune
Je traverse les campagnes
Endormies à midi
Je saute par-dessus
Des moulins en bordée
Et de monts en montagnes
Me rapproche du ciel
Le frôle
Et le trouve
D’un coup de tête
Au grand émoi des anges
Surpris à l’heure de l’apéro.