Jacques Cornerotte & Anne Léger, Le guetteur de matins, Editions Traversées, La Croisée des Chemins, Juillet 2015, 188 pages.

Chronique de Lieven Callant

Une Guetteur

Jacques Cornerotte & Anne Léger, Le guetteur de matins, Editions Traversées, La Croisée des Chemins, Juillet 2015, 188 pages.


Textes et images

Les photographies de Jacques Cornerotte comme on le signale à la fin du livre sont issues de quatre régions: la Gaume, l’Ardenne, la Meuse française et les Cévennes et rendent « hommage à ceux qui ont fait et qui font encore de ces terres de si grands chemins de richesse. » Chaque image a sa propre petite histoire. Elles révèlent comment un arbre à lui-seul porte le ciel chargé de nuages, comment une fenêtre perce un cadre pour faire du paysage un tableau dans l’image. Elles célèbrent le temps, celui des saisons, celui des objets, des outils mis un temps au repos. Pour en apprécier toutes les nuances, le photographe a ralenti le temps. Chaque image est un tableau où les dégradés de gris allant du blanc pur au noir profond rétablissent l’équilibre subtil qui existe entre les matières, les textures, les ombres et la lumière. La composition étudiée de chaque photographie nous laisse entendre qu’elle plus qu’un instantané où l’on donne au hasard le rôle principal. Chaque photographie est pleinement mûrie et étudiée comme peut l’être une nature-morte, un portrait en clair-obscur qu’aurait réalisé un grand peintre. Certaines images font d’ailleurs directement référence à un Georges de La Tour où les scènes très étudiées sont éclairées par l’unique source lumineuse d’une bougie.

Les images interrogent avec finesse la réalité qu’elles représentent, les gestes qui construisent le quotidien, les objets qu’on utilise et qui ont la faculté magique de révéler le geste et l’homme à l’origine de ce geste. Sans en faire l’objet d’une représentation, l’humain est au cœur des photographies de Jacques Cornerotte. En partageant son intimité avec la nature et les éléments naturels, le photographe nous dévoile une partie de son âme, nous laisse regarder comment on peut espérer apprivoiser la vie tout autour de nous.

Aux photographies en noir et blanc de Jacques Cornerotte répondent dans les mêmes teintes, les textes issus d’une étroite collaboration entre Jacques Cornerotte et Anne Léger. Certains textes ont été primés. L’univers évoqué est celui des campagnes où le temps semble avoir été arrêté. L’avis (la vie) des anciens est valorisé(e). On estime leur parole, on apprécie leur savoir-faire. L’humain a encore sa place. À la campagne où la vie quotidienne est tributaire de la nature, de ces caprices comme de ses générosités, la solidarité, l’amitié, la patience sont encore des mots qui ont du sens. L’isolement, la solitude sont nécessaires, on ne les redoute pas comme des maladies contagieuses car elles permettent le recueillement sur soi-même, l’acceptation de l’autre, la résilience. Les textes écrits à quatre mains et qui ne permettent pas de repérer qui a écrit quoi ont le pouvoir de révéler avec finesse la vie, de dresser les portraits de personnages attachants et hors du temps. Justes, précis, ils révèlent la beauté nostalgique d’un monde sur lequel la modernité et l’économie libérale de consommation n’ont pas eu d’emprise et n’ont pu corrompre. Ainsi les histoires nous parlent de gens qui croient aux miracles, à la magie de la neige qui tombe et recouvre tout d’un manteau scintillant et immaculé. Le pain qu’on a pétri avec patience et amour, porte en lui les saveurs de la vie. La pluie soudain rafraîchit la terre et l’âme et la nature nous ouvre son cœur en nous permettant d’être quelques instants complices d’un cerf et de sa biche.

Les textes et les images font bien plus que se répondre, qu’entremêler leurs histoires. Les uns comme les autres honorent les spécificités de leurs écritures. Jamais le texte ne se fait légende, jamais l’image ne devient une illustration. La qualité de l’impression est à la hauteur des images et des textes. J’ai particulièrement apprécié les notions de respect de l’autre, de ses modes d’expression et de vie. Rien ne semble troubler l’atmosphère sereine qui anime et justifie ce très beau livre.

©Lieven Callant



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