Ce 27 janvier 2015, le 82ème Prix Des Deux Magots a été décerné à Serge Joncour.
Félicitations à Serge Joncour pour ce brillant parcours de la part de toute l’équipe de Traversées.
- L’écrivain national ,Serge Joncour, Flammarion , 21€ – 390 pages
L’automne dans une région retirée du Morvan « pour en revenir le sang neuf et la tête gorgée d’idées neuves ». Un séjour prometteur pour cet auteur en résidence dont les seules occupations seront de rédiger un feuilleton pour le journal local et d’animer des ateliers d’écriture. Cette anticipation idyllique est bouleversée par la découverte d’un fait divers : la disparition d’un riche maraîcher, Commodore.
Un auteur peut-il résister à la recherche de la vérité ? Parmi les suspects, deux jeunes, Aurélik et Dora, vivent de « petits métiers » et la photo de la séduisante Dora plonge l’écrivain dans un état second. En dépit des nombreux obstacles, l’écrivain recueille de précieux indices et enrichit son roman d’aventures rocambolesques.
Roman policier ? Autofiction ?
« Un roman n’a pas à dire la vérité, il peut bien plus que cela ». Le lecteur est tenu en haleine jusqu’à la fin, par l’intrigue et aussi par les multiples aspects du roman.
La forêt « cette masse verticale » joue un rôle capital car les protagonistes y demeurent. Elle est aussi l’objet d’un différend politique entre les industriels et les écologistes.
Cette aventure trépidante suscite chez le narrateur une réflexion sur le métier d’écrivain et ses aspects positifs. Être écrivain permettait de se rapprocher de tous, « d’aborder chacun sans préjugés et sans morale ». Que penser alors de la question : « Un auteur dans le fond doit-il servir à quelque chose ? » Serait-ce antinomique ?
Observateur avisé de la nature humaine et de la société, il nous livre, non sans humour, une sage philosophie. « Ma vraie force c’était ma discrétion parce que dans la vie, rien n’est plus dur que de savoir se taire » ou encore « Vivre, c’est accepter de perdre, quitte à en être gorgé de remords, quitte à regretter ».
L’écrivain national n’a-t-il pas été invité par des libraires pour promouvoir la lecture ?
Quel ne fut pas son désarroi quand, lors d’un atelier d’écriture, il découvrit des adultes illettrés ! Sa bonté et son empathie l’emportèrent et la séance fut gratifiante !
D’autres rencontres plus houleuses avec des lectrices qui assimilaient l’auteur à son personnage laissèrent le narrateur mortifié ! Pour autant, il fait l’apologie de la lecture : « Lire,c’est voir le monde par mille regards, c’est la réponse providentielle à ce grand défaut que l’on a tous de n’être que soi ».
La politique, incarnée par le maire, opportuniste patent, n’a pas échappé à quelques
coups de griffes !
Que dire du stratagème destiné à épaissir le mystère ? Dora devient une figure équivoque. Tantôt il avoue « peut-être que j’avais à faire à une grande manipulatrice » et plus loin « Dora était l’unique lumière, le seul être de raison toujours présent ».
D’où la perplexité du lecteur !
J’abonderai dans le sens de Milan Kundera: « Dans le territoire du roman, on n’affirme pas ; c’est le territoire du jeu et des hypothèses ». Serge Joncour est en parfaite adéquation avec cette opinion, pour notre grand bonheur !
©Colette Mesguich.