Benoît Reiss, Aux Replis, collection Grands Fonds, Cheyne Éditeurs, 2015, 142pages, 22€

Chronique de Lieven Callant

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Benoît Reiss, Aux Replis, collection Grands Fonds, Cheyne Éditeurs, 2015, 142pages, 22€


Pour fabriquer un livre, il faut disposer de feuilles de papier qu’on plie en vue d’obtenir des cahiers. Chaque cahier comporte huit feuillets, seize pages. C’est un travail qui requiert précision et rigueur tout comme celui de l’horloger. Entre les plis et replis, s’écrit une histoire, s’en cache plein d’autres parmi nos doutes, nos rêves, nos souvenirs. Chez Cheyne Éditeurs, on prête à la reliure et aux papiers utilisés une attention particulière. Le livre est d’abord un bel objet avant de devenir un beau moment littéraire.

« Aux Replis » de par son contenu évoque la même justesse des gestes, le même type de savoir-faire que ceux de l’artisan. Pour écrire un livre, il faut à l’instar du narrateur qui observe de longues minutes les mécanismes sophistiqués de la montre qu’il lui faut réparer prendre le temps d’observer les infimes rouages du monde, les interactions entre les personnes, le temps, la nature, les espaces. Dans un premier temps, on se replie sur soi, on s’exile du monde. On vit entre deux mondes, réalités et rêves partagent leurs presque invisibles frontières et le temps se traverse à la vitesse d’un souvenir.

P30 « Je regarde mais sans attacher mon regard sur rien, et bientôt le défaut se précise, devient plus net jusqu’à se détacher et se montrer tout à fait. Je le considère, présence intégrée mais inordinaire dans le mécanisme.

Le défaut peut prendre plusieurs formes: usure, grain de poussière ou de sable, griffure accroc. Il est en apparence simple mais je sais qu’il est plus que cela: il est le signe, dans l’agencement, de l’existence d’une volonté invincible de refus et de dérèglement. Il est une fêlure engagée dans le mécanisme prédestiné et il me montre, à moi qui ai su être assez patient, qui ai su voir en lui autre chose qu’un défaut, la forme que pourrait avoir l’échappée. »

« Aux Replis » a d’abord été compris par moi comme un hommage à la vie qui nous pousse dans toutes sortes retranchements et fait parfois de moi une exilée, une fugitive. Un hommage à ce qui s’échappe et refuse de se conformer. Un compliment fait aux lieux où l’esprit, la pensée se love. Ces lieux qui n’existent nulle part et qui pourtant nous permettent de tenir. Le livre de Benoît Reiss est une dédicace à la vie qui s’écrit, qui laisse pour trace sur les visages des humains des rides. Plis dus aux passages des pleurs et des rires, plis des chemins. Plis et replis de l’écriture.

« Son visage sur le coup s’est entièrement plissé d’un pli comme unique commencé au sommet du front jusqu’au bas du menton, j’ai vu son visage ratatiné soudain en un pli dans lequel les yeux, le nez et la bouche avait disparu; le visage de mon père rétréci soudain en une ride insurmontable. »

Le livre de Benoît Reiss favorise l’introspection, un questionnement qui sonde les endroits les plus repliés de l’être humain.

« Je ne sais pas si mes pensées ont à voir avec la réalité ou si, au contraire, elles la rendent plus opaque, moins lisible, une réalité étrangère au réel. »

P80 « Et moi aussi j’occupais la place attendue. En vérité, cette place était celle que les autres attendait de moi, celle qu’ils s’attendaient à me voir occu-per et que moi, par mimétisme, instruction et mollesse, je prenais pour con-venir. Sans y penser, sans le sentir, je me pliais. »

Face à la montée du nazisme dans une Autriche conquise à la cause allemande, un jeune étudiant viennois n’a d’autre choix que de quitter sa ville et de laisser derrière lui sa famille afin de trouver refuge dans un village du sud de la France libre. Un ami l’aide à se cacher et à obtenir un travail en tant qu’horloger. Dans son atelier, il répare montres et bijoux dont on sent bien qu’ils ont pour leurs propriétaires surtout une valeur sentimentale. Quelle valeur accorder aux objets dans un monde dont le mécanisme est déréglé et conduit à nier aux plus faibles, à une tranche de la population le droit d’être? Le jeune exilé s’efforce de s’intégrer et de se fondre au paysage malgré l’oppression croissante de la guerre.

« Aux Replis » fait donc aussi allusion à tous ces endroits où l’on espère trouver un refuge, une main tendue, une parole qui rassure.

« Aux Replis » finalement désigne un endroit dévasté, inoccupé, inhabitable, un no mans’ land. Un de ces endroits qui ressemble à ceux qu’avaient choisis les nazis pour établir les « camps de la mort ». Soudain des voies de chemin de fer se dédoublent et une partie des rails mène des wagons à bestiaux jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus « rien ». La population locale voyant passer les trains ne sait d’ailleurs pas comment désigner ses lieux où des campements sont dressés de manière provisoire afin de régler de façon définitive et sans laisser la moindre trace le sort d’un peuple, le sort de ceux qui refusent de se plier à la dictature.

« ici, ici, ici ». C’est ici qu’ils ont creusé la voie vers les Replis, c’est ici: à l’intérieur de cette faille entre les arbres. »

Replis désignent également les lieux où l’on ne peut plus jamais revenir.

« Là d’où je sors est un monde de cendre.  Il ne servirait à rien de faire demi-tour, de faire un pas en arrière, car au moindre contact ce monde s’effondrait et se dissiperait en poussière.

« Je sais que ce monde n’est pas réellement calciné comme je l’imagine, je sais que ce ne sont que des images et que je n’aurais qu’à tourner les talons sur mes pas, (…) Je dois aller.»

Pour vivre, survivre serait-on contraint de s’exiler, d’être partout un étranger, étranger à soi-même ou étranger au monde. Prisonnier d’un camp d’extermination ou éternel fugitif qui se plie aux paysages, se fond au décor et atteint la frontière suisse?

Le livre de Benoît Reiss n’a pas l’indécence de répondre aux questions les plus lourdes, les plus douloureuses. La réponse ne pourrait qu’être insuffisante, inutile parce qu’elle ne peut faire toute la lumière. La manière qu’a choisie Benoît Reiss n’est pas celle qui accuse, qui choque, qui démolit mais celle qui suggère, soulève le voile et nous révèle avec plus de prévenance ce que finalement nous savons tous et choisissons parfois de ne plus savoir. Le vainqueur est celui qui s’échappe, qui échappe aux replis.

Ce qui m’a particulièrement plu dans ce livre, c’est que le récit reste ouvert et suggère bien plus qu’il n’impose. L’écriture toute en subtilités de Benoît Reiss nous rappelle que notre lecture enrichit ses récits, qu’il ne nous faut pas simplement consommer une histoire toute faite et qui va finir. Notre lecture tout comme l’écriture n’ a pas de véritable fin. Il existe toujours un retranchement où trouver de l’espoir, la voix qui nous manquait, le chemin qui nous délivre.

Les mots, les phrases de ce livre fonctionnent comme des miroirs et ce que l’on contemple nous ressemble étrangement, nous évoque une liberté de choix, un doute et l’endroit où notre imagination doit renaître.

©Lieven Callant

Jacques GUIGOU – D’emblée – L’Harmattan, 2015.

Chronique de Marc Wetzel

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Jacques GUIGOU – D’emblée – L’Harmattan, 2015.

Dans la vie, Jacques Guigou (né en 1941) est un intellectuel militant, qui réfléchit activement, en temps réel, sur les dissonances et disparités de son époque. En poésie, bien sûr, le voici, tout au contraire : contemplatif, lent badaud du littoral méditerranéen, nostalgique, impartial observateur des dunes, algues et marais. Comment comprendre alors cette sorte de parenthèse anhistorique, cette séquence de détachement enchanté (qui n’est pas la première, car voici son dix-neuvième recueil de poésie !) dans l’engagement socio-politique constant d’une démarche ?
C’est peut-être qu’il reste militant dans son attention même aux choses non-humaines, qu’il est sensible au travail propre du réel, au jeu dialectique de ses éléments, aux élans et affres de la société naturelle du monde. Ce baroque cheminement marxiste parmi les saladelles et les arapèdes n’a rien de dérisoire : cet (en apparence) oisif arpenteur de détails de bord de mer arrive à nous … en lucide et inquiet citoyen de la côte camarguaise. Singulier auteur ! Voici comment :
Il est le plus souvent devant la mer, par exemple en enfant qui attire à lui les vagues et fête les embruns :
« Grâce à l’audace de la vague/ audace tenace/ mais audace d’un instant/ grâce à cette audace de la vague/ l’enfant du front de mer/ ose s’énamourer/ sur le môle/ dès lors devenu hyménée/ le vent inéluctable/ n’arrête pas l’arrivée de la rencontre/ et de ses aléas » (p. 11)
mais il est aussi dans la mer, progressant en nageuse scrupuleuse, loyale :
« Comblée/ par la lumière totale de l’été/ la femme de la rive/ ne parvient pas à dire/ la part qui se retire/ dans la mer/ avancée jusqu’à mi-corps/ elle veut maintenir/ ce que les autres disent mort/ à lentes brassées/ elle nage vers cet horizon délié/ qui vient à sa rencontre » (p. 23)
il est parfois sur la mer même, faisant entendre le « soupir » créaturel de ressources surexploitées :
« L’épais soupir s’élève/ de l’amas de poissons/ soudain lâché sur le pont du chalutier/ dans grouillements et frétillements/ s’entend la complainte/ des espèces de la mer »  (p. 46)

mais où qu’il se place, l’auteur ausculte les forces à l’oeuvre, en scribe de l’alternance des contraires, spatiale d’abord,
« coquilles qui se font/ fossiles qui se défont »  (p. 33),
fossiles que par ailleurs « les eaux de mer voilent et dévoilent » (p. 45),
mais aussi temporelle,
« Serrées puis desserrées/ par les spasmes de la mer/ les algues rousses de la jetée/ rajeunissent leurs rochers… »  (p. 49)
comme si Jacques Guigou savait prendre pour nous le pouls vrai de l’Évolution.
Réellement, il figure la sorte de droits et devoirs mutuels des éléments, dans le rendu de choses qui, à la régulière, se défendent les unes des autres, et se défondent, se destituent, les unes les autres – moins par la loi du plus fort que par celle du mieux influent, du plus durablement prégnant :
« Assaillie par le dernier coup de mer/ la dune a laissé s’effriter/ les certitudes de ses plus hautes touffes/ sous la critique des vagues/ sables et racines/ ont cédé de leurs croyances/ de leurs croyances/ conquises depuis peu/ contre le mouvant et l’accident » (p. 48)
Tout dans cette étrange poésie relève d’une sorte de panthéisme activiste, où la voix interroge une sorte d’Immémorial actuel, en secrétaire de Déluge, en porte-voix nuancé, mais incorruptible, du lamento déterministe de l’Univers, de « l’infracassable » toutes-choses-causantes-et-causées de l’Etre.
C’est un homme qui connaît les cruautés incompressibles de la vie, quand
« la lame sauvage du sagneur/ déloge la macreuse qui couve » (p. 34), oui, l’alerte et fragile macreuse, poule-de-mer dont la chair même a goût de poisson !
même si les cruautés ont pu venir aussi de lui,
« Tiré de sa coquille/ par l’enfant qui le taquine/ le bernard-l’ermite/ rougit de sa mise à nu/ égaré dans les rochers … » (p. 21),
mais cela ne l’empêche pas de se tenir en joie, à la vitesse nécessaire de la liberté, récoltant à leur rythme les possibles :
« …ce beau milieu/ qui n’est pas un abri pour lui/ au matin l’enfant n’essaie pas de sauter/ par-dessus son ombre/ il trépigne à la pensée/ des chemins qu’il pourra parcourir » (p. 13)
et pardonnant à l’impossible, dans une sorte de prescription concédée aux faits de l’abîme :
« Après l’assombri et le meurtri/ ce que la mer laissait encore apercevoir/ de l’épave de guerre/ n’est plus vu ni connu … » (p. 7)
Pour souligner encore la singularité de cet homme et d’une démarche qui porte la contradiction dans son recueil même des choses, on dira que ce panthéisme est pragmatique, est humaniste, est mystique,
pragmatique, car on voit dans ce poète une sorte de magicien public (mais secret), qui œuvre fonctionnellement à la transfiguration de tout, en guetteur bénévole, en guide intérieur des gémissants efforts de la Création (dont parle une fois Saint-Paul), ce « familier de la jetée », « homme des marais », « amateur de l’évènement », « marcheur du môle » se présentant fidèlement comme un « devin du rivage », qui, rituellement, « se confie à l’humeur de la vague », parce que pour lui, réellement, le littoral se fait « auteur des bonnes mises au monde ».
humaniste, car soucieux de l’avenir réellement semé, et n’oubliant jamais, – en vaquant sur les Lidos – que l’eau monte, que le littoral se bétonne, que la surpêche s’épuise, mais soucieux plus encore de chanter l’intensité des situations biophysiques, le nœud intact de leurs lumières !
et mystique pourtant, car on ne peut pas jouer, sur des décennies, comme il fait, au Pierrot des bacs (du Sauvage), des forts (de Peccais), des phares (de l’Espiguette), des estuaires (du petit-Rhône), fixer inlassablement les couleurs locales en leur visibilité globale, sans stationner devant une Porte vue de soi seul. Le titre énigmatique de ce recueil (« D’emblée ») résume le signal de présence suffisante qu’il poursuit, la surprise pour lui continuée d’une sorte de perfection d’office, où se « rencontre »  l’instant de grâce, le moment héritier de la totalité du temps (un héritier indiscutable, comme né directement avec sa couronne), pendant lequel et depuis lequel « la journée de joie ne se laisse pas faire » (p. 52)
« d’emblée/ ce berceau ajointé à son ombre/ d’emblée/ cet appel aux grands jours à venir/ d’emblée/ cet air au plus-que-parfait … » (p. 53)
C’est un vieux poète, un homme déroulant ses « paroles premières à la levée des lèvres et des vagues », et qui obtient, quand « la prose du monde se tait », de faire surgir, dans une farouche élégance, « le coup de patte de ce qui n’apparaît pas ».

 

©Marc Wetzel

LE PEINTRE NIQUILLE, OMBRE LUMINEUSE

Chronique de Nicole Hardouin

LE PEINTRE NIQUILLE, OMBRE LUMINEUSE

0Claude LUEZIOR : ARMAND NIQUILLE, artiste-peintre au cœur des cicatrices ; Éditions de l’Hèbe, 2015

Dans cette biographie romancée de Armand Niquille, l’écrivain Claude Luezior fait vivre de manière passionnante le parcours singulier de ce peintre hors cadres mais aussi celui de ses ancêtres et leurs implications dans l’Histoire de France. Biographie car tous les éléments et références se veulent exactes, romancée de part certains dialogues imaginaires tracés dans le respect de la personnalité de l’artiste-peintre que Luezior a personnellement connu.

Dès sa prime enfance, Niquille, Petit Chose torturé se pose de lancinantes questions ; « suis-je vraiment le fils d’un conducteur de trams ? Pourquoi ma mère a-t-elle louée une petite épicerie au lieu de rester lingère au château ? » Le doute reste momentanément sans réponse : là, explique C. Luezior, se trouve le ferment de sa souffrance, la racine de son œuvre riche de plus de mille toiles.

L’enfant entend dans l’épicerie maternelle des allusions émises par de charitables commères, les interrogations persistent face au mutisme de sa mère jusqu’au jour où, dans une exposition de peinture, il va rencontrer une sorte de dandy qui lui-même s’essaie à l’art. Face à face, âme contre âme, ils se découvrent ; « même regard, même maintien altier, ils sont semblables. » Niquille a vingt ans, il comprend. Intuitivement ils se sont reconnus, Fred de Diesbach, le fils du comte Raoul est son demi-frère dont il deviendra l’ami. Il fera des visites au château dans l’atelier du peintre, sans jamais croiser le regard de l’aigle Raoul : le puissant comte de Diesbach, son père. A de multiples reprises, ils peindront l’allée du château, les arbres de Niquille seront noueux, torturés, ceux du fils légitime, bien droits. Le Banni Magnifique, selon l’expression du critique J.P Gavard-Perret, signera parfois ses toiles Nihil (rien).

Jamais Niquille ne revendiquera quoique ce soit. Malgré ses cicatrices, il veut rester grand et puissant par la magie de sa peinture.

L’ouvrage rédigé d’une plume enlevée a plusieurs facettes dont un large pan historique : en effet, parmi les ascendants de l’homme au béret on trouve Nicolas de Diesbach, chambellan à la cour du roi Louis XI. A la tête des bernois, alors puissance militaire majeure, Nicolas s’allia à d’autres troupes pour battre le puissant duc de Bourgogne : Charles. le Téméraire qui fut défait aux batailles de Grandson, Morat et Nancy : le très habile Louis XI récupéra ainsi la Grande Bourgogne.

Autre volet historique important lié à Niquile ; nous sommes pendant la seconde guerre mondiale : censure et cruel manque de papier à Paris. Claudel, Mauriac, P. Emmanuel, P. Jean Jouve et d’autres écrivains se retrouvent à Fribourg où ils vont faire éditer plusieurs de leurs manuscrits. Déambulent également dans ce creuset Giacometti et Balthus. Armand, malgré sa nature sauvage baigne dans ce milieu. Il se lie d’amitié avec Balthus.

Malgré ces influences, Niquille reste un solitaire, trace son sillon quasi-monacal dans son atelier. Là il enchaîne ses cathédrales comme Monet pour celle de Rouen, il la peindra cent fois, met en perspective vierges et anges, arbres toujours noueux, taillés à l’instar de sa propre souffrance, s’attarde sur Fribourg. Il crucifie son âme sur de multiples Golgotha.

Niquille est un humaniste, un mystique, il baigne dans une lumière crucifère, toujours en recherche de la verticalité, de la transcendance. Fuyant les coteries, les petits fours, il reste à Fribourg à la recherche de l’essentiel, humble à l’extrême : je ne suis qu’un artisan au pied de la croix. Ce retrait volontaire l’a empêché d’avoir une dimension internationale.

Pendant tout ce temps à Paris, une jeune femme se pose curieusement les mêmes interrogations que Niquille : enfant, sa grand-mère était aussi lingère au château, quarante années les séparent. Elle ne comprend pas : Fribourg, le couvent parisien, le jardinier pervers, les religieuses silencieuses… mais nous laissons au lecteur le soin de découvrir sa quête si bien restituée par C. Luezior.

Dans ce roman écrit avec une plume talentueuse, on retrouve la passion de Luezior pour l’histoire franco-suisse et l’empathie pour cet homme ordonné artiste par un chartreux. Là, se mêlent rigueur et foisonnement, or et sang, avec au centre Niquille, géant de l’ombre, peintre et poète, byzantin et flamand.

Roman à lire avec intérêt et bonheur.

©Nicole Hardouin

Fondation Armand Niquille

Armand Niquille

Lire l’interview de Claude Luezior :LA GRUYERE p 6 29 oct

voir et écoutez Claude Luezior:

Accueil de l’exil, Anne Moser, Jean-Louis Bernard, Strasbourg, Les Lieux Dits éditions, 2015, (collection 2Rives)

Chronique de Pierre Schroven

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Accueil de l’exil, Anne Moser, Jean-Louis Bernard, Strasbourg, Les Lieux Dits éditions, 2015, (collection 2Rives)

Dirigée par Claudine Bohi et Germain Roesz, la collection 2Rives propose, je cite, de rapprocher les rives de la peinture, du dessin, du collage, de la langue et de la poésie. Issu d’une rencontre entre la peintre Anne Moser et le poète Jean-Louis Bernard, Accueil de l’exil est un livre où l’écriture prend appui sur l’espace suggéré des peintures et devient elle-même encre

Parcourus de vent, de lumière, de traces, de désirs et d’espace, les poèmes de Jean-Louis Bernard ouvrent notre esprit à la présence des mystères, traquent ce que la vie dissimule et célèbrent la nature dans son mouvement perpétuel ; en outre, ils s’appuient sur un silence antérieur au langage pour construire une pensée à partir de tout ce qui nous échappe et capter le chant originel d’un ailleurs à vivre.

Ici, peintures et textes s’unissent avec bonheur pour devenir un lieu de questionnement où la vie est sans cesse réinventée ; ici, tout semble chuchoter l’existence d’un monde que le langage ne peut atteindre ; ici, enfin, tout donne parole à ce qui exulte en nous et autour de nous.

Accueil de l’exil est un recueil qui ouvre la voie à une autre écriture du réel, ajoute une dimension à la vie et ouvre des espaces auquel aucun regard ne s’habitue…

Ici veille

la poudre des chemins

légère souveraine

ici demeure

un silence millénaire

loin des voix à l’encan

tisse les matins arasés

au plombé d’une saison blanche

et les soirs au regard dentelle

des vieilles villes

dans les surplis du crépuscule

quelques spectres à contre-jour

quelques escales éphémères

entre-monde

où zodiaque et limon

s’enchevêtrent

jusqu’à n’être plus

que la cartographie ultime

du désir

Les toits du cœur, Michel Dunand , Lyon , Jacques André éditeur, 2015

Chronique de Pierre Schroven

Les toits du cœur, Michel Dunand , Lyon , Jacques André éditeur, 2015 

2195977213En nous livrant ici les traces littéraires de ses voyages (Tibet, Kirghizistan…), Michel Dunand s’emploie d’une part, à renouveler nos perceptions du réel et d’autre part, à célébrer le mystère du vivant ; ainsi, en cherchant aux quatre coins du monde « les meilleures raisons de vivre », il ouvre un chemin à l’acte créateur d’une vie cosmique en mutation constante ; mieux, il marche vers la lumière d’une pensée s’ouvrant aux clartés de la terre.

On est ici en présence d’une poésie qui sublime l’émotion, colore le monde, dénonce les limites du langage et de la visibilité tout en nous donnant l’amour de la vie ; on est ici en présence d’une poésie qui nous permet de percevoir le réel dans sa totalité vibrante et d’ouvrir l’histoire de notre esprit à la lumière fragmentée de la métamorphose.

Dans Les toits du coeur, le temps respire, suspend son vol, transpire de joie, tombe dans un mystère sans fin et ne parle que le langage du…cœur.

On galope.

On galope avec tout, la nuit, dans les montagnes.

On apprend vite, auprès des feux de branches, et

sans faire un seul geste.

                                      *

On existe.

On ne le sait pas,

cela va de soi.

©Pierre Schroven