Une chronique de Claude Luezior

Jeanne Champel Grenier, DES NOUVELLES, un peu, beaucoup, passionnément, 183 pages, 2024, éditions France Libris, ISBN : 782382 684887
Passionnée, chaleureuse, la préface donne le ton et fait pacte avec les lecteurs : courir sans se retourner, sans trop de conditions, juste pour l’ivresse de la quête et celle du partage. Car à l’orée de ce monde agité, de ce grand orchestre désaccordé, le « je », cet oiseau rare, sait-il encore « où il habite » ?
Cette suite de brèves nouvelles égraine sa diversité, non seulement par ses thèmes, mais aussi par ses styles. Tantôt tendres, tantôt rocambolesques, les textes s’attardent souvent de manière poétique sur le souvenir, l’imprévu, le merveilleux.
Venise no 16, aquarelle à propos d’un peintre (comment en serait-il autrement dans la ville de l’aqua alta ?) séduit plutôt que décrit la cité de toutes les surprises.
Casa Inès, à propos de sa mère-grand a une dimension personnelle, pleine d’émotions contenues. À l’instar des dessins de l’auteure (y-compris celui de la première de couverture) qui sont tout à la fois purs, naïfs, et engageants.
Les peuples à la belle étoile, texte particulièrement réussi, sorte de pastiche à la St-Exupéry, nous émeut, mieux qu’un réquisitoire contre l’intolérance.
Mémoire-Déboires, concentré de jeux de mots, a un phrasé différent qui demande vivacité d’esprit. Rabelais campe dans le jardin !
Il y a des jours… a un aspect cocasse, alors que Mariska est presque conçu comme un impossible très (trop ?) bref roman d’amour.
Les cerisiers blancs, essentiellement basés sur des dialogues très réussis, évoquent avec pudeur et humour une dame très âgée en sa maison de retraite, tandis que Siamine 1ère du nom est la description tout à fait poétique d’un chat (le pétale rose de sa langue sur son fin museau…) en une robe délicate.
D’autres aventures, tableaux et rencontres nous attendent avec bienveillance, sagacité, voire malice au fil des pages.
Bref, on l’a compris, Jeanne Champel Grenier, poétesse bien connue, est également à l’aise dans les nouvelles, bien que ce type de prose puisse être quelque peu frustrant car un personnage sitôt adopté nous quitte après trois pages. Ainsi va la vie de ce genre littéraire ici parfaitement maîtrisé et assumé.
On imagine bien l’écrivaine dans ses œuvres à l’école (où elle fut professeure) ou avec ses petits, voire ses arrière-petits-enfants. Délices d’une personnalité éminemment inventive et généreuse.
De toute urgence, voilà donc une transfusion de rares bonheurs.
