Une chronique de Claude Luezior
Jeanne Champel Grenier, Racines vagabondes, éditions France Libris, 92 p., 2023, ISBN : 9 782382 684023
À la page 33, sous le titre Peuples errants, en une forme de dédicace : Boumians et Manouches, Bohémiens, Gitans, Mongols, Juifs errants, Bédouins, Touaregs, Gypsies, Roms, Romanichels et nouveaux migrants. Tout un programme : frémissez, bonnes gens !
Déroulons tout d’abord le fil de la genèse de l’auteur : son grand-père fut sans doute fils de gitane. Il est décédé l’année de sa naissance.
Par contre, sa grand-mère Inès, tant aimée, fuyant la dictature de Franco depuis la Catalogne, pour vivre dans des conditions plus que modestes en France, a pris une immense importance dans la vie de Jeanne.
L’Ardèche occupe une place essentielle dans son existence :
Je suis de ce pays qui accueillit l’exode d’une partie d’Espagne (…)
Je suis de ce pays qui jamais n’oublia la Méditerranée (…)
Je suis d’un pays fier qui subit l’invasion de mille nomadismes (…)
Je suis de ce pays entre Rhône et Ardèche qui accueille l’Ailleurs et qui tatoue la France sur la peau et le cœur de l’humble voyageur…
En résumé : une radicelle, celle de son grand-père au sang gitan, qu’elle n’a pas connu. Des origines espagnoles magnifiées par le souvenir de sa mère-grand. Enfin, de puissantes racines ardèchoises.
Mais surtout, de manière générale, un cœur immense et généreux, dans la vie, comme dans ce nouveau recueil de proses et poésies, pour tous ces peuples migrants, voyageurs, fascinants, chaleureux, errants… Ainsi, les racines vagabondes puisent-elles dans les sources de ses ancêtres.
Des nôtres aussi, car ne sommes-nous tous finalement des Africains ? Comme le disait l’anthropologue Yves Coppens, « père » de Lucy, alors décrite comme la « grand-mère » de l’humanité…
Revenons aux gens du voyage, du mystère :
Ils ont ce feu flambant d’espoir
Et partout des bouts d’infini
Qui brillent au creux des cendres
Traînées de feu sur pierreries
Ou bien :
Ils abandonnent nos rivages
Sans énigme et remplis de vide
Tous leurs rêves ont un visage
Dont les nôtres sont chrysalides
Ou encore :
D’étranges ardeurs dansantes, musicales
Surgissent issues d’abimes millénaires
Alors pulsent avec pudeur les rêves (…)
C’est l’envol, la murmuration de l’amour
Et enfin :
C’était un coin d’Espagne tout incrusté d’églises
Le jour de procession des femmes endeuillées (…)
Elles arboraient de belles robes sombres
Et portaient sur leur front la mantille de soie
Où brillait par instant leur regard mêlé d’ombre
Infinie noblesse de gens si lointains, si proches… On pourrait citer tant et tant de passages magnifiques. Un seul remède : acquérir ce précieux recueil et le déguster à petite page. Les tableaux de la poétesse y ont également finesse et puissance. Jeanne Champel Grenier a mis dans cet ouvrage une immense sincérité, du talent et un lyrisme affirmé, mais aussi et surtout, beaucoup d’âme.


Merci beaucoup pour la parution de la recension de Claude LUEZIOR; j’ai reçu plusieurs appels grâce à vous! Amitié- Jeanne
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