
Blanchard Stephen, Hors Je, préface de Joël Conte, France Libris, 2016, 48 p.
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Dans ce recueil, l’auteur refuse d’utiliser la première personne en guise de réponse à ses détracteurs qui lui en reprochent l’usage. Ce choix est aussi une contrainte et dans une perspective oulipienne, on pourrait noter l’omniprésence du jeu.
Parler de soi dans le monde (mouvement centrifuge) et évoquer le monde de sa place (mouvement centripète) sont deux positions complémentaires. L’auteur semble privilégier la seconde.
Néanmoins, l’absence de pronom à la première personne ne prive pas le recueil de sa dimension lyrique : « Il faut garder en soi / les promesses de l’aube », « vivre dans l’intervalle d’un sourire ». S’ensuit-il pour autant, une dissolution du moi ?
Des tournures impersonnelles, prophétiques (« il est grand temps », « un jour viendra sans doute… »), des injonctions (« il faut savoir… », « il faut arrêter… », « qu’il est bon de… ») ou des verbes transitifs à l’infinitif (« se noyer… ») laissent apparaître le prescripteur, l’observateur critique de la société, l’homme en marge qui s’évertue à « recueillir des mots », rêve de peuples rassemblés (p 12, 22, 45) ou contemple la beauté d’un paysage (p 32).
Ces différents regards posés sur l’avenir, la société actuelle (le consumérisme, la téléréalité, le loto, la violence), l’inspiration (« la muse ment », dit-il et son corolaire : la complainte) se croisent.
Être « hors je » est-il synonyme d’une existence menée à côté de certaines règles sociales (une vie de poète) ? Est-ce la capacité de l’auteur à voir en dehors de soi (la société), au-delà (l’avenir), près de soi (les mots) même si « la vie suit son cours / avec le vide inhabituel / des jours sans… » ? Est-ce une manière d’occuper singulièrement une place et de s’y maintenir coûte que coûte ?