Dans le jeu la vie, nouvelles, Guy Chaty (éditinter 2015, 15€).

Chronique de Martine Morillon-Carreau

Dans le jeu la vie, nouvelles, Guy Chaty (éditinter 2015, 15€).

Il y a jeu et jeu ! Celui par exemple de l’enfant endossant, le temps de son jeu, un personnage, une personnalité autre, mais jeu que pratiquent aussi certains adultes du livre de Guy Chaty, tel ce narrateur-protagoniste de la première nouvelle, justement intitulée « Jeu ? », pour le plaisir et le temps d’une rencontre amoureuse au cinéma ! Mais, au sein même de ce ludique canular, vient se greffer un autre type de jeu, ce défaut de serrage entre les deux pièces d’un mécanisme, qui va en perturber bientôt le fonctionnement. Ici, le joueur se trouve pris, par sa partenaire, à son propre piège – à son propre… jeu – jusqu’au « Qui suis-je ? » final, interrogation tout existentielle, qui n’empêchera pas l’élégante pirouette de la chute. Ainsi, tout au long du livre, l’auteur ne se prive-t-il pas de jouer à son tour… Le poète Guy Chaty n’est-il pas  également acteur – un auteur-acteur dont le goût pour le théâtre transparaît dans quelques-unes de ces nouvelles construites comme de vraies saynètes ? Dans le jeu la vie témoigne en tout cas, au fil des vingt-deux nouvelles, du jeu de leur auteur avec la langue – celle du bois dont on fait les clichés et le prêt-à-penser – celle ne disant le plus souvent, sans nous laisser loisir d’y prêter attention, que l’enchaînement de situations convenues ou les rouages de conduites humaines, dont l’auteur s’amuse au contraire à questionner, détourner les automatismes habituels. Un ton – toujours sur le mode humoristique (ô le cocasse « Parasol fou » !) cher à un auteur passionné de Raymond Queneau – qui amène le lecteur, au-delà de son premier mouvement de plaisir amusé, à s’interroger sur les comportements sociaux courants ou les identités sexuelles (celles de Claude et Camille dans « Il ou Elle ? ») voire l’indécidable et réversible appartenance à l’espèce humaine et/ ou animale, comme dans « L’âne amoureux ». Mais l’humour pratiqué par Guy Chaty est parfois noir : « Quand l’avion explosa », l’ultime brillante nouvelle, met allègrement la narration en abyme, dans une sorte d’écriture spéculaire, qui amène à douter jusqu’au bout de qui écrit quoi, tout en mimant jusqu’au vertige le tourbillon endiablé du crash final !

 

©Martine Morillon-Carreau