Barnabé Laye, la voix d’un poète qui ne s’éteindra pas.

© L’écho d’Orphée

Une belle et haute voix de la poésie universelle, le Poète franco-béninois Barnabé Laye vient de tirer sa révérence, nous laissant une œuvre capitale, une parole de feu brûlant au grand soleil. L’éminent Poète et professeur Hafid Gafaïti, voyait en lui un Poète essentiel, un ascète de la liberté et de l’amour global, un Griot au sens littéral , un esprit épousant l’énergie du monde, dont la voix nous demeure comme un baume salutaire. Comme les « Trois mousquetaires » Barnabé Laye, Hafid Gafaïti et moi étions très liés, dans nos utopies nous repartions à la conquête d’un monde en délitement avec pour mirage celui de remettre l’église au milieu du village. Avec lui, nous cultivions le partage et la fraternité, l’espérance et la vérité. Il « nous invite à aller au-delà de l’indicible. L’Un avec l’Autre en parfaite Union. » Lorsqu’un Poète disparaît, ce sont les pans d’une bibliothèque qui s’effondrent, mais déjà, libre et insoumis, il se remet à l’ouvrage et fait des nuages son plus beau carnet de voyage. « Au rendez-vous des bons copains / Il n’y avait pas souvent de lapins / Quand l’un d’entre eux / Manquait à bord / C’est qu’il était mort / Oui, mais jamais au grand jamais / Son trou dans l’eau n’se refermait / Cent ans après, / Coquin de sort / Il manquait encore. »   Georges Brassens. 


Il y aurait tant de choses à dire

Le bien le mal les embûches les esquives

Tour à tour chance ou malchance destin ou hasard

Et au coin de la rue des circonstances qui nous échappent.

La route est longue et nous sommes loin du port

Nos visages arborent le passage des intempéries 

Et les cicatrices balafrées du temps qui passe.

Dans notre nuit d’errance rôdent les fantômes

Nos démons maléfiques et les rêves impénitents.

Le temps caméléon change aux multiples nuances du noir.

Sur l’eau trouble des mers traversières

Le noir revêt le jour

Le noir revêt la nuit

Le chemin ?

Où est le chemin ? 

© Barnabé Laye.


Homme né des ténèbres et des gouffres

Hommes du commencement et des cavernes 

Tu ignores les sentiers du parcours insondable

Inscrit sur les lignes de ta main et de ton front.

Tu ne sais rien des stigmates et des promesses cachées

Dans les dédales de ta peau et des plis de tes pieds

Tu ne sais rien des oiseaux d’augures et des présages

Alors pris de vertiges et d’angoisse

Tu abandonnes ton destin aux mythes et aux légendes.

© Barnabé Laye.


Parfois il me prend l’envie de chanter

De chanter haut et fort en tapant du pied et tapant des mains

Le blues le bleues dans un champ de coton du côté de Memphis

Chanter le Gospel avec Aretha Franklin dans une église de Harlem

Laisser fleurir le rire au cœur des détresses sombres

Laisser venir l’ivresse d’une mélancolie joyeuse au bord de la soif

Qu’importe mon ami

Si tu marches jusqu’en haut de la montagne

Continue de marcher.

© Barnabé Laye.


Il faudra garder mémoire d’autres temps ici et ailleurs

Pour libérer la colère enfuie dans la plaie rouge

Écrire le coup de poing à bout portant sur la gueule barbare

Finis les atermoiements les cous courbés les résignations.

Écrire l’empilement des ressentiments et des aversions

L’éclatement de la révolte et des foudres des revanches pures.

Écrire les cicatrices indélébiles sur la peau des galères

Tous les asservissements les chaines toutes les servitudes

Et même le coup de pied au ventre des cruautés cachées

Depuis si longtemps dans la honte des alcôves et des placards.

Écrire la liberté.

© Barnabé Laye.