Salvador Dali, le sommeil et l’éveil

Chronique de Miloud Keddar

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Le sommeil c. 1937 Huile sur toile

Salvador Dali, le sommeil et l’éveil

Je voudrais vous parler dans cette chronique de la peinture « Le Sommeil » de Salvador Dali ; mais avant d’entrer dans le vif du sujet, un détour me semble utile et vous n’en douterez pas, j’en suis sûr. Dans son livre « Dali » aux Editions Gründ et avec la traduction française de Pascal Varejka, Fiorella Nicosa nous rapporte, en sous-titrant « Les objets invisibles », une de ses approches de la peinture et du personnage Dali : Salvador Dali, nous dit-elle, « se proclamait apolitique et étranger à l’histoire » mais il fut touché par « l’annonce de la mort violente de son ami de jeunesse, Garcia Lorca ». Dali déclarera que de Lorca « Ils essayèrent et essaient encore aujourd’hui (d’en) faire (…) un héros politique ». Garcia Lorca pour Dali n’était autre qu’un poète pur et il fut « la victime propitiatoire des questions personnelles » « et avant tout la proie innocente de la confusion omnipotente, convulsive et cosmique de la guerre civile espagnole ». Le ton est donné de la parole du critique (et du philosophe) qu’était Salvador Dali. Cette approche que je fais du peintre et du penseur, avec l’aide, en autres de Fiorella, prime dans toute recherche que l’on peut tenter sur l’œuvre peint de Dali. Fuyant la guerre civile, Dali allait rencontrer l’Art de la Renaissance. Il s’interrogea sur « la mort et la destruction » et s’en remit à « cet autre sphinx du devenir européen, la Renaissance ». Et de ces réflexions et de cette période allait naître chez Salvador Dali la méthode dite « paranoïa-critique » avec entre autres chefs-d’œuvre « Girafe en feu » (1936-1937), « Métamorphose de Narcisse » (1936-1937) et de même « Le Sommeil » (1937) ; cette dernière qui est centrale dans notre chronique ici et qui lui fut inspirée par le rocher dit « du sommeil » au cap Creus.

Après ce long détour, qui nous fut nécessaire, voilà que nous arrivons à la peinture « Le Sommeil » de Salvador Dali. Dali a dit que dans cette peinture il a voulu représenter, ou plus exactement donner la vision de la « monstruosité du sommeil comme une gigantesque tête pesante, avec un long corps fin maintenu en équilibre par les béquilles du réel ». Tout est dit de l’idée dalinienne. J’ajoute pour ma part que dans « Le Sommeil », Dali table sur le Sommeil et le Réveil. Dali est et reste, je le dis et sans trop me tromper, un peintre-philosophe. Il fut, nous ne l’ignorons plus, un peintre surréaliste (mais la Psychanalyse, base même du Surréalisme comme nous le savons, avant d’être une matière à part, fut une pensée philosophique). Dali en tant que penseur fut, j’ose l’affirmer ici, un philosophe de l’Eveil ! Le Réveil et l’Eveil que je dis de la pensée dalinienne nous sont de nos jours nécessaires, nous seront salutaires ! Le Monde comme il va est en crise et où la vie d’une personne ne représente que peu de chose. Dans notre siècle, il nous faut être des Bellérophon pour peut-être éliminer les chimères de certaines croyances qui ne mènent qu’au désastre. Dans mon recueil de poésie : « Man Oumi lal Ouma (de ma mère à la communauté) » dont la parution est prévue l’année va venir par l’éditeur La Porte, je termine le recueil en question par le poème court que voici : « Pays, Algérie/Pays/Tu sais/Même dans la main de l’ange/La guerre est un animal qui ne dort pas ». Ceci me ramène à mes deux peintures annoncées dans le titre de cette chronique. « Le sommeil » (2016) et « Pégase-Bellérophon » (2016). Ces peintures, comme l’ensemble des peintures que j’ai réalisées en 2016, sont sur un fond noir et les figures –dans le sujet traité- sont obtenues par un mélange de noir et de rouge avec plus de rouge que de noir et, dans certaines, la présence d’un rouge pur. La dernière peinture de l’année 2016 introduit le blanc (peinture titrée « Face ou Face et regardant dans la même direction » et qui présage de peintures avec plus de couleurs que nous autres peintres disant « des couleurs froides »). Parlons maintenant de mes deux peintures, de l’idée qui y préside, et du lien –ou de la comparaison- d’avec « Le Sommeil » de Salvador Dali.

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Ma peinture « Le sommeil » ? Celle dite « Pégase-Bellérophon » ? J’ai donné quelques indications utiles déjà, mais encore quelques propos : Par ces deux peintures, j’ai voulu dire le fait humain, une des multiples manifestations de l’Etre (le fond noir de la toile, les figures par le mélange du noir et du rouge ne sont pas ici pour évoquer « le néant qui mange les choses » d’Yves Bonnefoy ni le néant qui grandit dans « l’être et le néant » pour que ne subsiste que le Néant, mais pour dire le simple de l’être, le simple de la condition humaine. Je m’explique : Entre veille et sommeil est une des manifestations de la condition humaine. Mes deux peintures s’y attardent et à la peinture-philosophie de Dali je viens proposer une peinture d’une lecture plus poétique, et c’est là mon seul souci – je parle du simple de la Condition).

©Miloud Keddar


(Notes :

Salvador Dali, « Le Sommeil » ( 1937), Rotterdam, Museum Boymans-Van Beunigen.

Miloud KEDDAR, “Le sommeil” (2016), acrylique sur toile, 50 x 60 cm, Collection particulière,

Et « Pégase-Bellérophon » (2016), acrylique sur toile, 50 x 60 cm, Collection particulière.)