Une chronique de Nicole Hardouin
Jean-Louis Bernard, Au précaire du seuil, Cahiers du Loup bleu, éditions Les Lieux-Dits, 4e trimestre 2023
« Arrivé à la fin de ce que tu dois savoir, tu es au seuil de ce que tu devras ressentir. » Khalil Gibran
C’est au précaire du seuil, lorsque l’équilibre vacille dans les songes avec quelques ombres déchues/ pour peindre l’attente que la raison devient un terrain sans grilles où le passé n’a plus d’âge.
L’auteur nous le souligne dans sa dédicace : c’est là que se font jour les meilleures connivences.
Aller au-delà est toujours dangereux, le dragon veille sur l’incertain de l’inaccessible, c’est pourtant dans l’incertitude du passage que les nuages/ à la verticale/ des rêves et des vents/ se hissent/ grêlés du noir/pour d’improbable voyages.
Quand les yeux de l’auteur s’embuent devant d’étroites solitudes, on ressent le cheminement inlassable de l’écrivain qui oscille entre mots de nuits/ mots de suie/ venus du premier mythe.
Dans ce recueil, derrière les failles de la pénombre, Jean Louis Bernard, en alchimiste du verbe, découd l’ourlet des étoiles et les mots de la nuit/ feront silence. L’auteur rôde dans la clairière des songes et de l’inadvenu, il y retient les effluves du souffle pour natter les inquiétudes/ aux battement fuyants/ du souvenir.
À la source de l’oubli, derrière le ferment des embruns s’organisent, dans la fragilité du moment, les libations du vent, dans lesquels le poète puise l’élan pour passer le seuil et ce dans une écriture rare, élégante, puissante gonflée de sève pour que le mot ultime/ traverse l’obscur/ jusqu’à disloquer/ le verbe.
Quoi que chacun fasse et même si le temps n’est qu’un clou/ sur la croix des songes on ne peut oublier ce proverbe indien :« unie à l’océan, la goutte d’eau demeure »
Ce nouveau recueil de J.L Bernard, dont le dessin est de Romuald Sum, nous fait songer à un livre d’heures où chaque mot, au regard de pluie et d’attente, est à deux pas des étoiles pour comprendre l’Invisible.
On en garde au fond de l’âme un nom pour une trace/ une trace pour le temps.



