Le labyrinthe du seul, de Paul Mathieu, illustrations de Pierre-Alain Gillet, 80 p., éditions Traversées, collection Poésie, Virton (Belgique), 2021 ISBN : 9782931077023

Une chronique de Claude Luezior

Le labyrinthe du seul, de Paul Mathieu, illustrations de Pierre-Alain Gillet, 80 p., éditions Traversées, collection Poésie, Virton (Belgique), 2021 ISBN : 9782931077023


Le livre étant encore fort heureusement, pour la plupart d’entre-nous, un objet de vie, ce mot tout d’abord à propos de l’élégant ouvrage publié par les éditions Traversées : de dimensions plutôt originales (20,5 x 21 cm), ce recueil est illustré par un tableau attrayant sur fond gris perle, avec deux présentations et photos des auteurs en quatrième de couverture. L’on retrouve le talent double de l’artiste-peintre Pierre-Alain Gillet, dont les œuvres multiples agrémentent le texte, à l’intérieur du volume : acryliques, dessins brou de noix ou gravures, tantôt figuratives avec une « patte artistique » de haute lignée, tantôt apparentées à une gestuelle large et abstraite… Se dégage une atmosphère néo-expressionniste (que les critiques d’art s’abstiennent de me vouer aux gémonies !) à mon sens parfaitement en phase avec les textes de Paul Mathieu.

Nous sommes en présence de proses « serrées », fortes en images, dénuées de ponctuation, où le « et » a fait place au signe « & », où se cabrent des phrases fracassées : 

On a beau faire on n’en sortira pas

de cette affaire de miroir mouroir

où soudain tout s’en va à la renverse

bribes de silence & débris de bruits

La mise en pages n’est pas innocente : elle contribue à relier ces proses à la verticalité des poèmes, lesquels s’intercalent sans fard au gré des chapitres : 

&

les mots

tous les mots

&

toutes les existences

désastreusement

accoudées

au non-lieu

au lieu de nulle part

Solitude de l’être en son labyrinthe. Graffitis jetés sur la peau des murs, lutte des mots et des signes sur la page, convergeant vers une même fulgurance. Les gestes picturaux de Pierre-Alain Gillet viennent ici à point nommé et rehaussent encore d’un cran le propos. 

Là saignent des rêves encastrés dans une réalité qui ressurgit: celle de séjours vécus par Paul Mathieu à Berlin et près de Hambourg. S’érigent alors des ombres dont la véracité n’a cessé d’exister, se dressent des souffrances et des personnes dont les plaies continuent de suinter. Non seulement dans l’Histoire et le souvenir, mais encore là, au plus intime de nos chairs. 

Certes, les descendants ne sont pas responsables de leur aînés qui furent peu ou prou enchaînés dans la folie meurtrière d’une dictature.  Pourtant, nous ne sommes pas sans nous poser la question d’une fragilité commune au genre humain : le laisser-dire, le laisser-faire, l’indifférence, sœurs jumelles à l’indolence des esprits et des cœurs. 

Comme s’il s’agissait d’une affaire de famille. Ce d’autant que d’autres horreurs, plus insidieuses peut-être, se perpétuent sous nos yeux, soulignées par les médias contemporains.

Et l’auteur de conclure :

Quand tous se taisaient muets face à la meute

la rose seule a porté le monde au clair – seule

frêle & blanche à tendre aux regards le

triomphe de sa nudité sans jamais éparpiller

son nom par la fenêtre béante de ce qui est

vivre & maintenant vivre

Plus que jamais, l’art et la poésie sont-ils remparts contre l’infamie ? À ses débuts en tout cas, avant qu’elle ne déchire notre mince épiderme d’humanité…

©Claude Luezior

Nouveau aux Éditions Traversées -Initiale – Lieven Callant

Lieven Callant, Initiale, Préface de Xavier Bordes, Éditions Traversées, poésie, 262 pages, 20€

Préface de Xavier Bordes

Extrait:

À mi-chemin entre chaos et cosmos, entre univers (désordonné) et monde (ordonné), se trouve donc le moment de la poésie, de la circonstance qui requiert l’expression poétique : cheminement vers une saisie compréhensible des choses, vers la constitution d’une sorte de “mythe personnel” qui irrigue de sens le chaos ineffable où la naissance nous a projetés, et devient l’esquisse des traits d’un “monde habitable”, selon la fameuse formule de Hölderlin souvent reprise. 

Xavier Bordes


Intro:

À l’intérieur de moi, déposée sur une petite table de bois brille une bougie. la moindre respiration en atténue la clarté. La flamme fait vaciller tendrement la lumière jaune que ma vie réclame. Les ombres sont longues et jouent les étranges pièces d’un théâtre magique.

À l’intérieur de moi, brûle une chandelle. Rien d’étonnant qu’elle me fasse écrire de travers, elle est inconstante, elle danse, elle chante et ne pense qu’à la fête. Elle est de la même race que la sève des volcans qu’on croit endormis. Elle est le cheveu arraché à la tête du soleil.

À l’intérieur de moi, parfois tout s’éteint, les vaisseaux s’égarent, les ruisseaux tournent sur eux-mêmes et combattent les rivières. Il fait froid, il fait noir, c’est vide. Le temps se crispe, l’amour m’oublie. À l’intérieur de moi, il ne reste que l’ombre et sa gueule béante, elle dévore les jours pour en faire des boulettes de papier chiffonné.

À l’extérieur de moi, on ne voit rien de tout cela, des jeux de la lumière avec l’ombre. Je brille, je ris, on m’aime et puis on ne m’aime plus. Ma main reste franche, mon regard droit, mon manège tourne et j’oublie, j’oublie.

À l’extérieur de moi, on ne voit pas mon doute permanent (restera-t-elle allumée ?), je suis lisse, je suis grande, je suis une farandole. L’inconstance et mes colères osent se faire appeler liberté.

À l’extérieur de moi, je ne laisse transparaître qu’une lueur bleue dans le gris, que certains aiment confondre avec la beauté. Sur mes lèvres le baiser, sur l’épaule un papillon rêvent de s’envoler vers les cieux en prononçant : « pour toujours ». Sur ma tempe tremblote une veinule, au rythme galopant d’une folle bougie.

Illustration de la couverture: Bertrand Els

Rome Deguergue, Girondine, A la lisière de la proésie & du narratoème, photo et pictotofographies de Patrice Yan Le Flohic, éditions Traversées – La croisée des chemins, 2018.

Girondine jpegRome Deguergue, Girondine, A la lisière de la proésie & du narratoème, photo et pictotofographies de Patrice Yan Le Flohic, éditions Traversées – La croisée des chemins, 2018.


Janvier 2018. Girondine vient de paraître aux éditions Traversées.

Voici les commentaires de l’éditeur qui a retenu ce recueil parmi une cinquantaine de manuscrits reçus.

 

 

D’une facture originale : « à la lisière de la proésie & du narratoème », ce recueil décrit avec passion certains accents girondins et adresse de véritables dédicaces à ces personnages qui ont marqué et marquent encore cette région, et ce tant par leurs actes que par leurs écrits.

« … à tous les enfants, petits & grands qui apprécient

les paysages, les légendes et les embellies résolument tournées vers l’à-venir ; promesses d’embarquements toujours

renouvelées et de retours prodigues,

parmi les beautés girondines » 

Une importante iconographie illustre à merveille ce recueil, où des photographies en noir et blanc incarnent à la fois une recherche des traces d’antan liées aux allures et autres activités du fleuve ainsi que ses transformations contemporaines…

En fin d’opus, un lexique bienvenu nous délivre des informations utiles liées aux activités locales et à une meilleure connaissance du biotope girondin.

Un ouvrage que tous ceux qui désirent découvrir ou re découvrir cette région devraient posséder dans leur bibliothèque.

 

Patrice Breno

Girondine Bulletin de commande

 

 

Bon de commande: Girondine Bulletin de commande pdf

 

Retour

Votre message a été envoyé

Attention
Attention
Attention
Attention

Attention !

Jacques Cornerotte & Anne Léger, Le guetteur de matins, Editions Traversées, La Croisée des Chemins, Juillet 2015, 188 pages.

Chronique de Lieven Callant

Une Guetteur

Jacques Cornerotte & Anne Léger, Le guetteur de matins, Editions Traversées, La Croisée des Chemins, Juillet 2015, 188 pages.


Textes et images

Les photographies de Jacques Cornerotte comme on le signale à la fin du livre sont issues de quatre régions: la Gaume, l’Ardenne, la Meuse française et les Cévennes et rendent « hommage à ceux qui ont fait et qui font encore de ces terres de si grands chemins de richesse. » Chaque image a sa propre petite histoire. Elles révèlent comment un arbre à lui-seul porte le ciel chargé de nuages, comment une fenêtre perce un cadre pour faire du paysage un tableau dans l’image. Elles célèbrent le temps, celui des saisons, celui des objets, des outils mis un temps au repos. Pour en apprécier toutes les nuances, le photographe a ralenti le temps. Chaque image est un tableau où les dégradés de gris allant du blanc pur au noir profond rétablissent l’équilibre subtil qui existe entre les matières, les textures, les ombres et la lumière. La composition étudiée de chaque photographie nous laisse entendre qu’elle plus qu’un instantané où l’on donne au hasard le rôle principal. Chaque photographie est pleinement mûrie et étudiée comme peut l’être une nature-morte, un portrait en clair-obscur qu’aurait réalisé un grand peintre. Certaines images font d’ailleurs directement référence à un Georges de La Tour où les scènes très étudiées sont éclairées par l’unique source lumineuse d’une bougie.

Les images interrogent avec finesse la réalité qu’elles représentent, les gestes qui construisent le quotidien, les objets qu’on utilise et qui ont la faculté magique de révéler le geste et l’homme à l’origine de ce geste. Sans en faire l’objet d’une représentation, l’humain est au cœur des photographies de Jacques Cornerotte. En partageant son intimité avec la nature et les éléments naturels, le photographe nous dévoile une partie de son âme, nous laisse regarder comment on peut espérer apprivoiser la vie tout autour de nous.

Aux photographies en noir et blanc de Jacques Cornerotte répondent dans les mêmes teintes, les textes issus d’une étroite collaboration entre Jacques Cornerotte et Anne Léger. Certains textes ont été primés. L’univers évoqué est celui des campagnes où le temps semble avoir été arrêté. L’avis (la vie) des anciens est valorisé(e). On estime leur parole, on apprécie leur savoir-faire. L’humain a encore sa place. À la campagne où la vie quotidienne est tributaire de la nature, de ces caprices comme de ses générosités, la solidarité, l’amitié, la patience sont encore des mots qui ont du sens. L’isolement, la solitude sont nécessaires, on ne les redoute pas comme des maladies contagieuses car elles permettent le recueillement sur soi-même, l’acceptation de l’autre, la résilience. Les textes écrits à quatre mains et qui ne permettent pas de repérer qui a écrit quoi ont le pouvoir de révéler avec finesse la vie, de dresser les portraits de personnages attachants et hors du temps. Justes, précis, ils révèlent la beauté nostalgique d’un monde sur lequel la modernité et l’économie libérale de consommation n’ont pas eu d’emprise et n’ont pu corrompre. Ainsi les histoires nous parlent de gens qui croient aux miracles, à la magie de la neige qui tombe et recouvre tout d’un manteau scintillant et immaculé. Le pain qu’on a pétri avec patience et amour, porte en lui les saveurs de la vie. La pluie soudain rafraîchit la terre et l’âme et la nature nous ouvre son cœur en nous permettant d’être quelques instants complices d’un cerf et de sa biche.

Les textes et les images font bien plus que se répondre, qu’entremêler leurs histoires. Les uns comme les autres honorent les spécificités de leurs écritures. Jamais le texte ne se fait légende, jamais l’image ne devient une illustration. La qualité de l’impression est à la hauteur des images et des textes. J’ai particulièrement apprécié les notions de respect de l’autre, de ses modes d’expression et de vie. Rien ne semble troubler l’atmosphère sereine qui anime et justifie ce très beau livre.

©Lieven Callant



bulletin de commande Le guetteur de matin

par mail ou via la poste:

Traversées c/o Patrice BRENO

Faubourg d’Arival, 43

B-6760 VIRTON (Belgique)

0032(0)63/57.68.64 – GSM : 00-32-497442560

e-mail:traversees@hotmail.com