Où va ce train qui meurt au loin, Alain Tronchot, Éditions Traversées, 2020

Où va ce train qui meurt au loin ?

d’Alain TRONCHOT

Préface de Jean-Pierre Siméon, 39 p., Éditions Traversées, Virton (Belgique), ISBN 978-2-9601658-6-9, 1er trim. 2020

Rarement, un opuscule provoque sans sommation un tel traumatisme. Et je pèse mes mots car les mots du poète ont ici, au goutte à goutte, valeur de souffrance. Qui se décline à la première personne d’une femme-médecin jetée dans une carcasse plombée, à savoir dans un wagon à bestiaux vers un camp de concentration nazi.

La police d’écriture (mais pourquoi donc dit-on « police » ?) est petite, la couverture noir-blanc et sépia est éloquente : nous voici embarqués dans un récit décharné, vertical, comme de simples notes jetées sur un bout de papier et qui commencent crûment par :

Nos cris sans autre sillage

que le cahot des plaintes étranglées

par l’acier

obsédant que la roue ronge et roule crisse et traîne sa carcasse

Et la nôtre

Tout est dit. Rien n’est encore dit, tant l’indicible est à venir. La voix d’un homme intervient. Les voix s’entremêlent et se confondent. Par une plume trempée dans le sang. Ose-t-on parler de prose poétique ou de poésie, tant ces termes véhiculent généralement dans notre esprit d’autres notions plus affables ? Mais Jean-Pierre Siméon, le poète, ici préfacier, a raison :  la poésie (…) est notre seul moyen de saisir le réel entier, dans son épaisseur de faits et d’effets, de sens et de sensations multiples et contradictoires. La poésie est en quelque sorte la preuve du réel et de la violente polyphonie des sacrifiés (…)

Oui, la lumière blafarde de l’écrivain, entre deux lampadaires décharnés, frappe les tôles du désespoir. Renaissent ici les heures qui sont plus longues que les jours, vibre le silence du fusillé, coulisse le verrou, s’étrangle la gorge du bafoué.

Bien entendu, Jean Ferrat, dont le père mourut à Auschwitz, nous revient de notre mémoire adolescente :

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers

Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés

Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants

Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent

(Nuit et Brouillard : Ferrat chante Aragon)

Le projecteur d’Alain Tronchot est encore plus rude, nu, brutal : 

Ce gamin fébrile penché sur un vieillard à l’agonie

Cette mère impatiente et coupable

d’effacer d’une caresse l’interminable sueur (…)

L’acier chuinte la prière aux morts et ceux qui vont mourir

Silhouettes pénitentiaires. Nourrissons déshydratés. Mépris sanglé à toute parole. Gestes iniques :

Un soldat sans âge un grand seau dans les mains

Pose le seau au milieu de cent dix femmes

(…)

Un seau encore vide de nos matières

Courage, lecteur ! Donne-moi la main. Juste pour 39 pages. Tu regagneras ensuite ton domicile douillet. Courage pour affronter, quelques minutes encore, ce cheminement macabre mais bien réel où l’inhumain a bafoué toute dignité…

Et Tronchot de « conclure » (sans conclusion) :

à mesure que la touffeur m’inflige son parfum sauvage saveur des vieilles juments promises à l’abattoir le wagon s’affaisse se disloque sous les cris (…)

ce n’était

que

le commencement

Disparition de la ponctuation qui s’efface sous le sens. Désintégration de la phrase. On est loin, très loin d’aimables muses et de leurs rimailles en « poétique » fadeur. On est au-delà d’un Céline ou d’un Apollinaire ou du réalisme cru de Curzio Malaparte dans Kaputt. Tronchot nous ramène à notre condition où la lumière tremblante de la vie ne saurait occulter les affres de ce train qui meurt au loin…

© Claude Luezior

Les chants de Jane, Claude Miseur, revue du Grenier Jane Tony, Bimestriel Novembre/Décembre 2017, n°12

Une chronique de Patrice Breno

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Les chants de Jane, Claude Miseur, revue du Grenier Jane Tony, Bimestriel Novembre/Décembre 2017, n°12


Une plaquette d’une vingtaine de pages, voici la dernière livraison du vigilant Claude Miseur. « Les chants de Jane » se déclinent en vingt « petits tableaux pour se risquer plus loin que la couleur », comme il nous en parle en préambule.

Des poèmes en guise de clins d’oeil caractérisent le poète, que nous apprécions pour ses attentions et qui, l’air de rien, de ne pas brusquer, nous dépose ces textes si délicats. C’est que Claude est non seulement dévoué à l’écriture, mais aussi fidèle à ses amis.

Tout en retenue, ses mots portent à nos yeux ses craintes, ses hantises, mais aussi ses désirs, ses espérances.

Ne taisons pas nos souffrances sinon la douleur est là et « nommer ce silence » et puis « la tragédie n’est plus ».

« Se risquer plus loin que la couleur » c’est aussi « parler absence … distance … territoire … liberté ».

En ces quelques petits tableaux, Claude Miseur nous fait entrevoir par sa poésie la lumière qui doit filtrer malgré les ruptures.

« Et l’air parfois palpable

dont le cri scande l’inaudible

immobilité du guet

à cet instant lâchée

les prémices

attendent leur ravisseur

le hasard s’est posé

non loin d’ici »

©Patrice Breno

Le printemps des poètes à Virton le 11 mars 2017 en images

à tous et toutes pour cette très belle soirée!

Merci à Claude Miseur et à Jacques Cornerotte pour les photos

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Traversées n°71

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On parle et présente votre revue Traversées sur le site du Service du Livre Luxembourgeois et sur Art et Lettres

La revue Traversées en quelques lignes

 

 

Aujourd’hui, ils sont plus de 400 créateurs différents, écrivains, poètes ou prosateurs, dessinateurs, plus de 400 personnes différentes à avoir collaboré, contribué à
la quintessence de Traversées.

 

Traversées est une revue trimestrielle de littérature francophone née à Virton (Gaume – Belgique). Le premier numéro est sorti à l’automne 1993.

 

Traversées symbolise le passage d’une rive à l’autre, imaginaire ou non. Lorsque l’on écrit, lorsque l’on dessine, c’est bien sûr d’abord pour soi, mais surtout pour communiquer
avec d’autres. Donc, Traversées est censée encourager cette relation. En
plus du parfait inconnu, des figures notoires qui sont des « locomotives ».
La revue a prouvé, en 60 numéros parus à ce jour, que beaucoup de créateurs
confirmés peuvent lui faire confiance. Les textes reçus sont scrupuleusement
classés et – surtout – lus par un Comité de lecture (qui faisait aussi office
de Comité de rédaction). Sa composition en a été modifiée au cours des
années : en ont fait partie, Patrice BRENO, Alain CHINA, Cathy LEYDER,
Marie-Josée CARION, Marie-Line SCHNEIDER, Michel BAAR, Paul MATHIEU, Véronique
DAINE. Dès l’été 2010, deux groupes ont été constitués : un Comité de
rédaction, composé de Marie-Line SCHNEIDER, Nadine DOYEN, Paul MATHIEU, Serge
MAISONNIER, et Patrice BRENO; un Comité de lecture, composé de Jacques
CORNEROTTE, Suzette GELAMBI et Xavier BORDES. La mixité des deux comités
n’étant pas négligeable pour l’objectivité et l’éclectisme des choix opérés et
des analyses.

 

Traversées ne se veut pas une revue à caractère régionaliste, mais est ouverte à tous les courants de pensée, à tous les horizons littéraires, tout en respectant la bienséance. On
peut recenser des collaborateurs non seulement dans toute la Belgique, non
seulement en Europe, mais même dans le monde entier.

 

Si vous cherchez un quelconque fil conducteur à la revue, vous n’en trouverez pas. Les responsables de la revue recherchent davantage la variété, la diversité tant des idées que des sujets. Chaque numéro
est découpé en trois parties : le dossier ; les textes
d’auteurs ; les chroniques. De temps à autre, quelques illustrations
agrémentent les pages de la revue.

 

 

1. Le dossier :

 

 

Parmi les parutions, des dossiers ou tribunes libres ont été consacrées à un auteur : entre autres Jacques Ancet, Franz Bartelt, Philippe Besson, Jorge Luis Borges, Francis Chenot, Pierre Dhainaut,
André Doms, Marc Dugardin, Paul Février, Guy Goffette, Gaspard Hons, Danielle
Hoffelt, Gaspard Hons, Georges Jacquemin, Serge Joncour, Hubert Juin, Werner
Lambersy, Philippe Leuckx, Santiago Montobbio, Michel Pesch, Arthur Praillet,
Roland Reutenauer, André Schmitz, Jacques Simonomis, Jude Stéfan, Salah Stétié,
Alain Suied, Alexandre Voisard… ; ou à un courant littéraire : la
Bulgarie (la littérature bulgare – jadis et maintenant), le Canada (des
auteures et auteurs de l’Outaouais), le Danemark (des images du Danemark et des
Danois dans la littérature française d’hier à aujourd’hui), la France (l
es Solicendristes ou les auteurs de la revue
« Soleils et Cendres »),
le
Grand-Duché de Luxembourg (du côté du Luxembourg : Laurent Fels, Nic
Klecker, René Welter), la Tunisie (plusieurs p
oètes tunisiens
contemporains), le Congo (Fiston Nasser Mwanza Mujila et Patrick
Tankama) ; depuis 2007, un spécial « nouvelles » paraît
annuellement à la veille des vacances d’été

 

2. Les textes d’auteurs :

 

Si, dans Traversées, la poésie a la part belle, la revue accepte également des nouvelles, des critiques, des études sur un auteur, un courant littéraire, une manière de
penser… Les textes qui y sont publiés sont pour la plupart inédits et émanent
d’auteurs confirmés ou non. Parfois, des illustrations agrémentent aussi ses
pages.

 

3. Les chroniques de livres et de revues :

 

Traversées a aussi la réputation de recenser d’importantes et judicieuses analyses critiques de livres et de revues, ce qui permet d’aider le lecteur à s’orienter dans ses choix personnels ; des correspondants
fidèles et sérieux alimentent régulièrement cette partie.

 

 

Adresse de contact : Patrice Breno, Faubourg d’Arival 43 à 6760 VIRTON (Belgique).

 

Téléphone : 0032497 44 25 60. patricebreno@hotmail.com

Présentation de la revue littéraire belge « Traversées »par Claude Miseur

 

 

 

RENCONTRES DU CERCLE DE LA ROTONDE

Rencontres du Cercle de la Rotonde

RENCONTRES DU CERCLE DE LA ROTONDE
animée par Marie-Clotilde Roose

Entretien et lectures avec
ISABELLE BIELECKI, EMMANUELLE MÉNARD, CLAUDE MISEUR, FRANÇOISE PIRART

Vendredi 18hVendredi 22 février 2013 à 18h
Bibliothèque de Tournai
AuditoriumAuditoriumAuditorium
Bd des Frères Rimbaut, 2
Tél. : 069 25 30 90
Entrée libre

Site : http://www.lecercledelarotonde.be

Isabelle Bielecki, devenue écrivain belge, a connu l’exil avec ses parents. Son recueil Le Labyrinthe de Papier (Ed. Le Coudrier, 2010), traite de la mémoire et du témoignage qu’est l’écriture. Son livre Petite musique pour cent interprètes ou comment devenir poète, présente des textes d’un genre nouveau : chaque ‘stichou’, humoristique ou réflexif, veut ouvrir le quotidien à la poésie, accompagné des encres subtiles de Suzanne Arhex. Isabelle Bielecki anime plusieurs lieux de rencontres littéraires, dont le Grenier Jane Tony.

Emmanuelle Ménard a fait paraître, en 2012, son premier recueil de poésie, Impressions new-yorkaises, aux éd. Le Coudrier avec quatre illustrations de ses peintures, et une préface du poète Jean-Michel Aubevert. Ce recueil, en bien des aspects, fait écho à son livre Deux jours comme l’hiver, édité chez L’Harmattan ; un premier roman sollicité par Erik Orsenna pour le prix Orange. Le titre résume la durée d’un monologue, muet de désespoir : François, quitté par sa compagne, se remémore le passé, l’intense bonheur comme les arêtes et les chutes. C’est aussi l’occasion de réflexions incisives sur la société.

Claude Miseur est resté longtemps discret sur ses propres écrits. Publiant sur son blog http://www.123website.be/Claude-Miseur, et en quelques revues comme « Traversées », il vient de sortir son premier recueil Variations et Sortilèges aux éd. Novelas, avec des encres légères, enlevées, de Patrick De Meulenaere. Echos à la nature, entrelacs d’émotions et d’images raffinées, ces poèmes ouvrent de vrais espaces où se rafraîchir. Ce mince recueil offre quelques poèmes brillant de simplicité et de grâce ; invitant à découvrir l’oeuvre d’un orfèvre de la parole, infiniment patient.

Françoise Pirart, romancière et nouvelliste, également biographe et animatrice d’ateliers d’écriture, a publié chez Luce Wilquin son dixième roman, Sans nul espoir de vous revoir, dont l’inspiration lui est venue d’un récit authentique, qu’elle a traduit avec Pierre Maury : un voyage à pied à travers l’empire russe, rédigé par un militaire britannique, John Dundas Cochrane, de 1820 à 1823. Y greffant une relation sentimentale entre un jeune homme promis à une brillante carrière de ténor, et la belle Elisabeth d’Ancourt, de vingt ans son aînée, ce récit palpitant atteste d’une grande intelligence de la construction narratrice et des ressorts intimes de l’âme. Un itinéraire à couper le souffle.
Marie-Clotilde Roose

Le Cercle de la Rotonde, 8 rue du Touquet, B-7522 Blandain.
Tel : 069.23.68.93 rotonde@scarlet.be
Site : http://www.lecercledelarotonde.be