Maud Franklin (Aurélie Denis) : le besoin d’absolu de chaque matin

 Franklin

  • Maud Franklin (aka Aurélie Denis) , « Le Taxi » dessins de Nathalie Trovato, , Editions Esperluète, 120 pages, 16,50 €, Noville sur Méhaigne, Belgique

 

Aurélie Denis (Aka Maud Franklin) insufflent à son œuvre une qualité que les gens ne décrivent pas, mais – pour peu qu’ils soient sensibles – ressentent et exigent : l’œuvre travaille pour la vie dans l’envie de réaliser et d’aller vers un but imperceptible mais pressenti. Aurélie poursuit son escalade Elle sait qu’il n’existe pas de vie sans problème, pas d’art sans domaine à interroger, pas d’image sans corps. Tout masque le dévoile.

 

En conséquence Aurélie Denis relie le monde visible et l’ineffable à travers ses corps dans le chaos de sensations et de sentiments. Toute une machinerie intuitive, intellectuelle, musculaire se met en place : l’artiste imagine à travers ses « figurations » son intériorité. La porte en est ouverte à tous les choix avec l’oubli de soi, le regret et la jubilation, la colère parfois d’avoir raté le coche (du moins à ce qu’elle croit).

 

Jusqu’à l’humble effacement de sa propre image Aurélie Denis se transcrit mais ne décide de rien : elle laisse faire la vie, sa vie. Reste l’essentiel en de telles images. Certaines se construisent lentement, d’autres avec fulgurance.

 

Les plus lentement élaborées n’ont pas de date de naissance, elles sont commencées depuis toujours et ne seront jamais terminées. Ce sont de longues conversations avec le corps et son humanité. Les plus rapides proviennent d’un chaos de formes cachées en elle. Créant, l’artiste assiste à une lutte pour la vérité. Elle n’a pas toute les commandes en mains et se trouve étonnée de voir ce qu’elle donne au regard.

 

A tout moment le désir lui vient de sabrer la montée suspecte des tons et des formes mais elle résiste. C’est comme si au milieu d’une piste de cirque elle avait envie de crier haut et fort qu’elle s’éloigne, qu’elle ne comprend plus rien. Les onomatopées n’auraient-elles pas plus d’impact que les belles phrases ou images ? Puis elle se reprend : elle ose jeter l’image aussi distante d’un drame que d’un amusement. Elle montre l’agression, le charme, le réveil, l’endormissement.

 

L’émotion du corps  est primordiale. L’expressivité tout autant. Cédant à des pulsions qui deviennent autant de marqueurs de l’  « écriture » plastique ou non qui l’habite, Aurélie Denis dispose d’un langage inédit. Elle doit sa dignité à oser s’exposer publiquement. A cela une raison : chaque être a quelque chose à donner et, par cela, il avance vers l’ineffable. Dans un besoin d’absolu de chaque matin.

 

Son livre « Le Taxi » dit l’atroce dans lequel elle fut sur le point de perdre la vie pour cause d’ « aveuglement ». L’accident fait passer pour rien d’autres sévices. Il a un ascendant et un « prestige » que tout engin automobile offre hélas facilement. L’auteure en est sortie après de longs mois de rédemption physique et intellectuelle.  La satisfaction des besoins les plus simples s’est transformée : ceux-là deviennent  aussi sacrés que (pour le temps de rémission et de mise en forme) presque impossibles. De quoi remettre les idées et bien des perspectives en place. Le sens est d’autant plus évident que les femmes généralement sont sur ce point plus mature que les mâles.

 

« Revenue sur terre », l’auteure règle des problèmes. Ce n’est plus le sol dont elle avait l’habitude. Jusque là elle nourrissait des semences qui germaient à la va comme je te pousse. La terre comme la narratrice elle-même sont soudain plus charnelles, tendres, pulpeuses. La vie remonte à la tête, descend dans le ventre, retrouve la pulsion du sang – le temps bien sûr que l’élasticité des tissus  comme celle de l’âme moule l’existence de manière plus débordante.

 

Dans « Le Taxi » demeure la faculté mère d’un être mobile propice aux déplacements et à leurs appétits incessants. Au delà, la réflexion sur la vue amène à réanimer les rapports de l’être à la lumière. Celle-ci, telle une baguette magique,  le rappelle à jouir s’il est capable de renaître et de porter non l’œil mais le regard sur une exubérance vitale considérée – avant l’accident de parcours – comme misérable, atrophié. Cela vaut largement une psychanalyse, apprend à se servir des pieds pour se déplacer et de la tête comme du cœur pour faire un choix, aimer de façon inédite. L’amour  ne naît plus d’une contemplation de soi mélancolique mais du sentiment d’une présence toujours fugitive. Déblayant les miasmes affectifs, l’auteure dresse la table de l’écriture pour les sensations qui se dégustent. Dans un tel menu fragmenté et en toute candeur la créatrice se situe d’emblée dans le rang des indociles et des irrégulières.

 

Vivre devient une façon d’être en glissant sur la pente de pensées où la distance qui sépare l’arbre de l’étoile n’est pas très grande. C’est aussi apprendre à obéir à des lois auxquelles nul ne peut se distraire. « Le taxi »  prouve aussi que l’intelligence est moins une donnée immédiate de la conscience qu’un mouvement. Se retirant ou se donnant elle peut faire de chacun de nous des coques incertaines prêtes à couler sur le flot de l’évènement ou un vaisseau du salut.

 

©Jean-Paul Gavard-Perret

Le 2ème Salon de la Poésie de Virton–Appel à participation

Le 2° Salon de la Poésie de Virton

« Les éditeurs vus par leurs auteurs »

dans les caves de l’hôtel de ville.

samedi 11 octobre 2014

Hotel de ville de Virton  Rue Charles Magnette 17 6760 Virton, Belgique

Hotel de ville de Virton
Rue Charles Magnette 17
6760 Virton, Belgique

Vous connaissez maintenant Patrice Breno et sa revue trimestrielle « Traversées ». Ce sera la deuxième année qu’il organise ce rendez-vous dont le Luxembourg avait bien besoin. Chloe des Lys et ACTU-tv y seront bien sûr.

premier salon de la poésie le 26/10/2013

 

 

Chers éditeurs,



C’est en qualité de responsable de la revue littéraire trimestrielle « Traversées » que j’ai le plaisir de prendre contact avec vous.

 

Le samedi 11 octobre se déroulera dans les très belles caves de l’hôtel de ville de Virton (Belgique) le deuxième Salon de la poésie « Les éditeurs vus par leurs auteurs », auquel éditeurs et auteurs sont les bienvenus. Comme les places sont limitées, si vous êtes intéressé, une (ou plusieurs) table(s) de 1,80 m X 0,80 m pourra être mise à votre disposition. Ce salon est bien entendu ouvert à tous !

 

En voici le programme :

 

de 14h à 18h : Salon de la poésie

Stands : tenus par les éditeurs et auteurs

Tribune : lectures / tables rondes / conférences…

 

Séance de dédicaces

 

Je ne doute pas que vous percevez toute l’audace de ce projet et c’est donc avec confiance que je me tourne vers vous. 

Pourriez-vous dès lors par retour de courriel ou par téléphone au 0032(0)497442560 ( au plus tard pour le 20 août 2014) me confirmer votre participation ou me prévenir au plus vite si vous aviez un empêchement quelconque ?

 

Dans l’espoir que ce Salon de la poésie trouvera de l’intérêt à vos yeux, recevez, chers éditeurs, mes salutations distinguées.

Patrice BRENO

Revue Traversées

Prix de la Presse Poétique 2012

Directeur de publication

43, Faubourg d’Arival

6760 VIRTON (Belgique)

https://traversees.wordpress.com/a-propos/

0032 497 44 25 60

 

Traversées N°68

N°68

N°68 – Mai 2013

Abonnement: 4 numéros (Belgique) : 22,00 € (Etranger : 25,00 €)

1 numéro (Belgique) : 7,00 € (Etranger : 8,00 €)

à verser au compte bancaire n° 088.2136790.69 de Traversées, Faubourg d’Arival, 43 à 6760 VIRTON (Belgique)

(CODE IBAN : BE71 0882 1367 9069 – CODE BIC : GKCCBEBB)

Pour la France, il est préférable que vous envoyiez un chèque à l’adresse ci-dessous libellé au nom de “Colette HERMAN”.

Précisez le numéro à partir duquel l’abonnement doit prendre cours.

Ne pas oublier de mentionner : « TRAVERSEES A PARTIR DU N°… »

Patrice Blanc, « Fleurs d’âge », Editions du G.R.I.L., 1310, La Hulpe, Belgique, 5 €.

  • Patrice Blanc, »Fleurs d’âge », Editions du G.R.I.L.,1310, La Hulpe, Belgique,    5 €.

Ces poèmes de jeunesse de Patrice Blanc ouvrent par effet retard la question de la perte et de recouvrement. Et ce au moment même où l’image était un « cri d’attache pour maintenir les liens » et qu’à l’inverse les mots « à la moustache peureuse » restaient enclins aux croyances sauvages.

Republié aujourd’hui grâce à Paul van Melle, ces poèmes cinglent de leur apatride vérité. Ils annoncent de manière bien ancrée et encrée les textes plus récents de l’auteur : « Le sang du jour », « Articulations » et « Fission de la rose ». S’y découvrent entre autres deux illustres ancêtres du poète : le politique Louis Blanc connu encore pour son ouvrage « Le droit au travail » et le peintre Charles Blanc qui a joui entre les deux guerres mondiales d’une renommée certaine.

Pour autant les « Fleurs d’âge » ne tiennent pas tant s’en faut par ces évocations du passé. Les poèmes évoquent plus pertinemment combien la nuit est moins dans le jour, que le jour dans la nuit à qui – sans les biffer – ait en approfondir les contours.

Patrice Blanc ouvrait déjà une brèche au monde par approfondissement de ses pans soudain écartés et éclairés. Contre le compact et l’opaque se découvrent et se découpent peu à peu les premières strates d’une œuvre simple mais touchante. Jamais l’auteur ne recherche l’effet :

« tes seins sourient ce matin

Tu regardes le brouillard

Et tu touches la froideur

Les chiens raclent leurs soucis le long des rues désertes ».

On entre dans la vie par de petites portes qui semblent plus somptueuses que de grandes arches.

« Fleurs d’âge » illustre donc la consistance de ce qui peut sembler inconsistant. Mais c’est ainsi que l’existant au-delà des surfaces rassurantes attire l’œil. Non sur l’ailleurs mais sur la fascination du présent. Il suffit que l’aimée y « pêche les passants » pour « les mettre dans un pot de confiture ». Et soudain une transe-visibilité permet de les voir autrement au sein d’un humour plus doux que rosse.

De tels textes découplent les visions acquises. Il faut juste se laisser prendre dans leur demi-jour dont l’exquise clarté irise le temps et l’espace. La poésie donne en conséquence le sentiment d’être au monde autrement. Elle projette vers des zones plus profondes. Elles s’excluent autant de la fausse lucidité qui n’est qu’une logique d’apparat que de la pure rêverie évanescente. C’est sans doute pourquoi, soudain, une vérité nue nous fait face. Elle est façonnée des mots les plus sobres et des images les plus simples qui, on le sait, ne sont jamais de simples images.

Une telle recherche duale représente donc une brèche qui ouvre le monde par approfondissement de ses pans soudain écartés. Dans un élément compact et opaque se découvrent et se découpent peu à peu les “strates” par dépliage. On entre à la fois au milieu de deux falaises d’un canyon et on saisit la ténuité de l’être. Un tel livre montre la consistance et l’inconsistance de l’existant au-delà des surfaces rassurantes en attirant l’œil sur l’ailleurs. Celui-ci n’est pas pour autant l’autre monde de la fascination de l’imaginaire mais celui de la nudité. Il permet de passer de la simplification unitaire (ou binaire) à une invisibilité qui est là mais qu’on ne voit pas encore.

Nous pénétrons ainsi dans une verbalisation et un graphisme qui permettent de saisir ce qui jusque là était perçu comme de l’inconsistant. Ils nous découplent de nos visions acquises. Il faut juste savoir entrer dans ce demi-jour de l’inconnu face à la clarté éclatante qui réduit les formes à leurs apparences et au flou qui les diluent de manière évasive. Etirant le temps et l’espace ce travail nous donne le sentiment d’être au monde autrement en nous projetant vers des zones plus profondes qui s’excluent autant de la simple lucidité d’apparat que de la pure rêverie évanescente. C’est sans doute pourquoi, soudain, une vérité nue nous fait face : elle est faite des mots les plus simples et de l’image la plus simple qui, on le sait, n’est jamais une simple image.

©Jean-Paul GAVARD-PERRET