Lectures d’avril 2025 de Patrick Joquel

Lectures d’avril 2025 de Patrick Joquel
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voir ma lettre/info de mai : https://www.patrick-joquel.com/livres/info-lettre-mai-2025/

Le coup de cœur d’avril : Le livre de Sophie

Titre : L’homme de Skrida
Auteur : Sophie Braganti
Éditeur : Esperluette Éditions
Année de parution : 2025

C’est un récit poétique écrit en Islande, en automne. Un homme, une vie. Entre XVe et XVIe siècle. Quelques ossements. Quelques mots sur un cartel. C’est tout. Une époque. Une île. 

Sophie Braganti y séjourne quelques semaines. Remplit ses cahiers d’impressions, d’images, d’informations. Son appareil photo aussi. Elle marche dans les landes, sous les brumes et brouillards, sous le ciel bleu aussi, dans les vents d’automne, avec le silence à la main. Elle marche, elle roule en vélo. Elle emmagasine de la solitude. Et puis elle écrit. Elle imagine la vie d’un homme.

Sous la forme d’un long poème épique en plusieurs chants, elle m’a entraîné dans l’ombre de cet homme d’une vingtaine d’années, 1,63 mètres dont les ossements ont été exhumés tombe 130. J’ai donc marché dans les traces de ce jeune homme, de sa famille ; puis de son départ vers le Monastère où un frère le prendra en charge. Une vie simple. Ou plutôt simplement une vie. 

La magie a opéré : le livre fermé, cet ami reste avec moi. À son tour il me suit dans les ombres de mes imaginaires.

Une belle réussite que cet homme de Skrida.

À offrir aux amoureux de l’Islande et de ses grands espaces bien sûr, mais aussi aux grands adolescents qui cherchent leur chemin. À toutes celles et à tous ceux qui donneraient quelques heures de leur vie (ou davantage) pour se laisser détourner des urgences quotidiennes pour explorer un moment du passé, un moment d’imaginaire.

https://www.esperluete.be/index.php/catalogue-2/litteratures/en-toutes-lettres/lhomme-de-skrida-detail


*Poésie* 

avec Encres Vives et les éditions Unicité

Titre : L’heure bleue
Auteur : Régine Ha Min Tu
Éditeur : Encres Vives (549)
Année de parution : 2025

Dès la première page, ce petit cahier, le 549e d’Encres Vives, m’a saisi. Une connivence. Une complicité. Une évidence. 
Ça commence en juin, ça se termine à l’automne fin octobre ou novembre. Je suis plus hivernal mais qu’importe.
Ça se passe à l’heure bleue, le crépuscule. Je suis plus en phase avec l’heure bleue de l’aurore. Mais qu’importe.
On est là. Dans ces instants où vivre affleure. Où l’on se sent en harmonie (aujourd’hui, on dit « connecté » ; mais qu’importe). Ces moments où on respire, heureux, paisible et partagé.
Des poèmes plutôt courts, pas besoin de beaucoup de mots pour dire ces moments-là. 

Parmi toutes les voies de la poésie, celle de l’instant, de la joie et du présent est une voie que j’apprécie, que j’explore aussi et en particulier dans les dynamiques haïku ; dans le texte court et soyeux, comme ceux de Régine Ha Min Tu, j’apprécie aussi et beaucoup. Une douce illustration de cette étrange émotion qu’on appelle poésie.

Merci.

À lire dès le lycée.


Titre : Est-ce un songe ?
Auteur : Dan Bouchery
Éditeur : Unicité
Année de parution : 2025

Une anthologie personnelle, un travail toujours en cours mais qui donne un bel aperçu d’années d’écriture. Dan Bouchery nous offre ici un survol de ses territoires, de ses pages. Un voyage bien agréable en 9 étapes.
L’identité, la création, la vie, l’amour, la condition humaine, la révolte, la guerre, les bêtes, l’humour.
Les facettes d’une personnalité, des reflets. Une vie. Avec différents regards selon les jours. Selon l’humeur. Un quotidien que le crayon accompagne, dont le crayon témoigne, que le crayon engage.
Un livre comme une balise dans la bibliothèque ! Un livre à garder ou à offrir et dans ce cas à offrir à celles et ceux qui ont envie de vivre.

À partir du lycée, je dirai.

https://www.editions-unicite.fr/

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Les lectures de Patrick Joquel

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poésie

Titre : Sur la pointe des pieds
Auteur : Christophe Jubien
Illustrations : Laurent Pinabel
Éditeur : MØtus
Année de parution : 2024

Des poèmes courts. Chuchotés. Des toutes petites merveilles du quotidien. Christophe Jubien les voit, ces invisibles. Ces muettes. Il nous les partage, sur la pointe des pieds. Sans vouloir déranger. Juste comme ça. Un sourire. Un sourire d’enfant : « tu vois, c’est ça ». C’est presque rien mais c’est bien mieux que rien. Un ancrage au monde. Un encrage de la vie simple. Pas besoin de Lamborghini ou d’Aston Martin pour découvrir le monde, même si ce n’est pas interdit, quelques pas lentement posés sur le trottoir du jour, le carrelage de l’appartement et tout devient réel. Vivant. La poésie, c’est aussi cela : cette attention au trois fois rien qui rendent le monde neuf.

Les illustrations de Laurent Pinabel joue de cette simplicité, comme un enfant lui aussi et avec humour et couleurs.

Un livre murmuré qui donne envie d’être heureux. 

Offrir du bonheur à tout âge.

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Titre : Mais pourquoi donc est-ce que je parle à ce rocher ?
Auteur : Daniel Birnbaum
illustrations : Paolo Leone
Éditeur : Association Francophone de Haïku
Année de parution : 2023

Lire et relire Daniel Birnbaum qui est parti en 2024 est à la fois nécessaire et plaisant. Des haïkus tout simplement. Une vision du monde proche. Un humour. C’est salutaire. Et ça se partage volontiers !

Il tape trois fois au carreau

mais comment répondre

au bourdon

une feuille tombe

sur une autre feuille

encore plus de silence

premier novembre

le vent s’obstine

à remuer les feuilles

et dans un autre recueil de haïku chez le même éditeur on trouve ceci que j’aime beaucoup :

matin d’hiver

la neige tombe

jusqu’au silence

Tout va de trois vers/ Daniel Birnbaum

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Titre : signe-moi que tu m’aimes
Auteur : Levent Beskardès 
traduction en français : divers traducteurs dont Brigitte Baumié 
Éditeur : éditions Bruno Doucey
Année de parution : 2 024

Un livre étonnant. Des poèmes écrits en langue des signes. Dans l’espace. Des poèmes gestes si je peux le dire ainsi. Les poèmes sont également dessinés par l’auteur, ainsi on peut les lire en langue des signes. Ils sont ensuite traduits en français. Je peux alors les lire et entrer dans l’univers de Levant Beskardès. Découvrir son regard sur le monde. Sa perception. Forcément décalée, différente : questions de sens. Ces différences nous enrichissent. Le monde n’est pas tout à fait le même pour chacun.

*

Titre : des fourmis qui gigotent
Auteur : Ludivine Joinnot
Images : Valérie Linder
Éditeur : L’ail des ours, collection Graines d’ours
Année de parution : 2024

Un livre avec trois longs poèmes. 

Le premier : Dans cette maison-là évoque la chaleur familiale. Le home sweet home. Le bonheur de vivre. De vivre ensemble. De s’écouler avec les jours.

On se dit que la vie est belle

on voudrait qu’elle dure longtemps

longtemps, longtemps, longtemps

Le second Ma tête est dans les trains évoque le voyage. Un trajet en train. Le paysage à la fenêtre. Le ciel. Le temps qui passe. Le silence et le rêve du voyage.

Ma tête est dans les trains

le ciel change de couleurs

une voix annonce le prochain arrêt

Le troisième Des fourmis qui gigotent évoque un autre voyage en train. Celui d’une petite fille qui emmène sa Nonna en voyage en train. Comme deux petites filles. L’impromptu. La surprise. Et la joie.

Nonna s’est mise à rigoler

sans plus pouvoir s’arrêter

et moi, j’ai ri avec elle,

même si je ne savais pas trop pourquoi

nous avions soudain le même âge

et des souvenirs plein nos bagages

Les images et leurs couleurs ajoutent encore un peu plus de chaleur à ces pages. On se sent bien dans ce livre. Comme un cocon.

À lire et sans se lasser dès cinq ans par exemple, et donc à déposer dans toutes les bcd des écoles et bien sûr au-delà car la poésie échappe aux étagères.

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Titre : Et le vent sur la terre des hommes
Auteur : Bernard Grasset
Éditeur : éditions Henry
Année de parution : 2024

Certains prennent des photos. D’autres esquissent des aquarelles. Écrivent des cartes postales. Ou des poèmes. Bernard Grasset, quand il voyage, écrit des poèmes. Librement. Quand on lit ces poèmes, on voyage à son tour. Bien assis. Des images passent dans nos yeux. Des paysages. Des émotions. Un partage. Les mots du poème donnent à voir. On feuillette ce recueil comme un livre d’images et de sensations. Le vent. La mer. L’espace. La solitude et la rencontre. 

Un livre à offrir à tous ceux qui aiment partir à l’aventure, à la découverte. Un livre à mettre dans les cdi de collèges et lycées pour inciter à tenter un carnet de voyage à chaque déplacement pédagogique ou personnel.

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Patrick JOQUEL : Sur les sentiers de l’invisible, photos de Laurent DEL FABBRO, éditions de la Pointe Sarène.

Merveilleux petit ouvrage pour découvrir l’arrière pays niçois.

Ces quelques photos de laurent Del Fabbro se passent de commentaires et les textes de Patrick Joquel incitent à partir sur place immédiatement.

Michel Lautru

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album

Titre : Balla le faux lion
Texte et dessins de Kemo
Éditeur : ineffable éditions
Année de parution : 2024

Une légende sénégalaise. Celle de l’homme victime d’un sort qui le transforme en lion. Que choisir ? Vivre avec les lions ou demeurer fidèle aux humains ? Quels sont les regards des autres du village face à la transformation ? À la différence ? Des questions bien contemporaines et cependant venues du fin fond de l’Afrique sahélienne. Comme quoi l’humain est bien le même qu’il vive ici ou là, aujourd’hui, hier ou demain. 

Ce magnifique album aux couleurs sablées ou bien nocturnes selon les chapitres s’adresse à tous ceux qui aiment s’asseoir et écouter. Écouter la voix des ancêtres mais aussi celles du vent, de la lumière et de son cœur (ou de sa conscience). 

Un conte à donner à entendre et à voir dès cinq ans et jusqu’à plus soif. Le conte, comme la poésie, s’adresse à tous ceux qui en sont curieux.

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Patrick Joquel
www.patrick-joquel.com  

Les lectures d’octobre 2024 de Patrick Joquel

album

Titre : La grève du Père Noël
Auteur : Susie Morgenstern
illustrations : Theresa Bronn
Éditeur : efa
Année de parution : 2024

Un album tout coloré, joyeux et léger ; malicieux aussi. On connaît la joyeuse malice de Susie qu’accompagne ici la malice joyeuse de Theresa. Un album à offrir à Noël. Pour accompagner un Père Noël fatigué à la découverte de Nice. Il cherche une idée de cadeau. Un cadeau pas comme les autres. Un cadeau qui rend heureux. Quel est ce cadeau magique ? Je ne le dirai pas ici mais je vous invite à le découvrir. Soyez curieux !

https://www.lefestivaldulivre.fr/evenements/lecture-dessinee-la-greve-du-pere-noel-avec-susie-morgenstern-et-teresa-bron/

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Titre : André cultive l’avenir
Auteur : Julie Rieg
illustratrice : Dominique Devun
Éditeur : De fil en mémoire
Année de parution : 2 024

Une biographie à hauteur d’enfance de André Aschiéri, maire de Mouans-Sartoux pendant des années, député aussi. Un homme qui a développé la ville avec une vision humaniste de la cité autant que de ses habitants. Il a mis à l’honneur pour tous, la vie associative, le sport, la culture avec un regard acéré sur l’écologie. Le vivre ensemble et en accord avec la planète.

Un livre pour découvrir un homme qui s’est engagé en politique tout entier et sans jamais rien lâcher.

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poésie

Titre : Est-ce que tu rêves encore
Auteur : Christine De Camy
Éditeur : la Boucherie Littéraire
Année de parution : 2 024

On aime bien dire d’une poète c’est une rêveuse ; pareil pour un poète. Égalité dans les stéréotypes de la poésie. Cependant, la poésie c’est toujours autre chose. Si elle sait rêver, comme certaines fictions littéraires, elle sait aussi jouer, aimer, explorer, interroger et bien d’autres sentiers aussi… Ce recueil explore et interroge le rêve. Ce truc bizarre qui joue dans notre cerveau pendant que le corps dort à poings plus ou moins fermés, comme un bébé ou bien comme une bûche disent les anglais. Ce truc quasiment insaisissable même pour ceux qui essaient d’y être attentifs, d’en sauver quelques bribes au réveil, dans un carnet de nuit. Ce truc dont on dit certains matins :

– J’ai fait un chouette rêve, cette nuit…

– J’ai cauchemardé cette nuit…

– Je n’ai pas rêvé…

Cette dernière phrase est un mensonge : on a oublié.

Ce truc qu’on se souhaite mutuellement au coucher :

– Dors bien ! Beaux rêves !

Mille et une questions autour du rêve dans ce livre. Certaines résonneront avec le lecteur, d’autres non. Aucune explication, juste des échos. Des interrogations qu’on espère partagées. Pour se rassurer peut-être…

mille et un

– Es-ce que tu …

Un livre qui se lit à plusieurs voix, comme une foule interrogative, une foule en recherche. Un livre à partager dès le lycée.

https://www.livre-provencealpescotedazur.fr/ressources/catalogue-des-parutions/est-ce-que-tu-reves-encore-729303066795

au matin ils s’effritent souvent

entre tes doigts comme ils s’émiettent

est-ce que les tiens à l’aube s’effilochent aussi

est-ce qu’ils te bribes de rêves

la sonnerie tranche net

est-ce qu’elle t’alarme ça bat dedans

est-ce qu’elle t‘écarquille

la nuit vole en éclats

rêve congestionné suspendu rêve cisaillé

et tu sautes à pieds joints

et plus question de

d’autres fois dimanche peut-être

ton sommeil s’étire et baille

restent quelques flocons sur tes mains dés écailles

est-ce que balai haussement d’épaules

un rêve n’est qu’un rêve

et poubelle pu

est-ce que dans ta paume tu les cueilles

*

Roman

Titre : La planète des dormants
Auteur : Gaël Aymon
Éditeur : Nathan
Année de parution : 2018

Un vaisseau spatial en perdition atterrit sur une planète dont les relevés disent qu’elle est habitable et déserte. Habitable oui, déserte non. Les astronautes découvrent un peuplement humain. Mystère sur son origine. Ils entrent en contact. Les opinions divergent dans les deux groupes : les pour, les contre… En dire plus serait divulgacher l’intrigue et ses rebondissements. Ce serait dommage. Un livre SF mais qui résonne bien avec des questionnements actuels : pollution, colonisation, rencontre et différence… Je l’ai dévoré en une après-midi d’automne sous alerte orange…

À lire dès le collège.

https://site.nathan.fr/livres/la-planete-des-sept-dormants-roman-sf-dystopie-9782092580110.html?srsltid=AfmBOoq7B8qcpQcZJoFi6Yg-nt-_AVq3YxzqC4lJrrm3v1rW4z6uW-yU

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Titre : Rufus le fantôme
Auteur : Chrysostome Gourio
Éditions Sarbacane
Année de parution : 2017

Raconte-moi une histoire de fantôme. Pas une histoire à faire peur. Non, une histoire du quotidien. La vie du fantôme Rufus : l’école, les copains, le désir d’avenir, le projet d’un métier. C’est là justement que ça coince un peu : le désir de métier de Rufus ne correspond pas à l’attente de ses parents, fantômes eux aussi. Il se débrouille pour apprendre ce métier en cachette auprès d’un professionnel (fantôme aussi). Comme tout métier, il est frappé de ré organisation pour gagner en productivité. Révolte en sourdine des professionnels et finalement Rufus va innover. Créer une grande première dans la société des fantômes.

C’est vivant, drôle et tient bien en main. À lire des 8 ans.

https://editions-sarbacane.com/romans/rufus-le-fantome

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© Patrick Joquel
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Lecture et adaptation de « TERRE ADOLESCENTE » de Jeanne CHAMPEL GRENIER – Poésie libre

(« …) Là pourtant, au milieu des broussailles, il avait planté des légumes espacés que bordaient des lis blancs, des verveines et le comestible pavot ; avec ces richesses, il s’égalait dans son âme…aux rois ; et quand, tard dans la nuit, il rentrait au logis, il chargeait la table de mets qu’il n’avait point achetés. Il était le premier à cueillir la rose au printemps et les fruits en automne ; et, quand le triste hiver fendait encore les pierres de gel, et enchaînait de sa glace les cours d’eau, lui commençait déjà à tondre la chevelure de la souple hyacinthe, raillant l’été trop lent et les zéphirs en retard. Aussi était-il le premier à voir abonder ses abeilles fécondes et leurs essaims nombreux ; les tilleuls et lauriers-tins étaient pour lui extrêmement féconds ; et autant l’arbre fertile, sous sa nouvelle parure de fleurs, s’était couvert de fruits, autant il cueillait de fruits mûrs à l’automne.(… »)

                                                                                                                Bucoliques de Virgile, IV


       Jeanne, dans ce nouveau recueil illustré en couverture par une belle reprise inspirée des amants de Chagall, vos adolescents sont bien jeunes, à moins qu’ils ne papillonnent encore…Ils ont gardé le printemps dans leurs mains « balsamiques » et « leur duvet tout neuf ». Elle boit le thé fumant, en silence, avec « un grand fou entreprenant, plein de chardons dans les cheveux »( p 9). Elle jardine mais lui « reste autour » faisant crisser le cuir de ses bottes.

      Si le creux des mains semble ponctuer le texte poétique de douceur et de tendresse, c’est bien la Terre qui en est à son adolescence ( p 10). Pourtant, une main dans une poche retrouve « des petits mots perdus », ceux de la mater familia qui a veillé tard sur les danses et les polkas( p12). « La Terre se couche tard », les ados retrouvent la raison à l’aube, pieds nus après  « des effluves sacrées, quelque noce de Cana » agrémentée d’orangeade et de miellats ; mais ils sont de grands papillons ou de fines tourterelles ! …Et les mains fragiles « emplissent les sacs de lin fin ( dont on cousait les draps) de plantes choisies et d’aromates, et lui, malgré le froid, est à l’affût du cerf « dans sa hutte de branches  »(p 22) ; faisant tous deux corps avec la Nature. 

       L’occupation de l’une est aussi le grand souci de l’un ; et même si « chaque pas brise un miroir » ( P.14)  « chacun entend l’ici et l’ailleurs » ( P.19)

Parfois ils s’en retournent au bord d’une rive où l’herbe sèche leur a rendu leurs doigts ; la Nature et le froid mis à part, je cite Jeanne CHAMPEL GRENIER : « Ils ne sont plus que deux, Elle et Lui, bien serrés, pieds nus, et n’ont (  »n’avaient », dans le texte) d’autre faim que la liberté » ( P. 21)

  Réunis au chaud, Maria Carmen laissant ses obligations, fait une pause au son du flamenco : moments d’harmonie où les reflets des corps s’impriment derrière le rideau, puis il l’écoutera dormir « ..Car son cœur est là «  dans l’ancolie de ses yeux clos où le rêve a la teinte du laurier rose et du mimosa bleu » ( P. 24) : Fruits vertigineux de l’amour !

« À l’embarcadère, Elle retient ses cheveux, de sa main blanche… » L’hiver semble leur être favorable ; peut-être grâce au feu qui exige des mains tout un abracadabra ! Elle se fait alors babouchka et lui moujik, et c’est ce que renvoie « la forêt de glace où chaque pas brise un miroir »

    L’imbécile que je suis vient de comprendre : l’amour est une rivière, où l’homme se tient en amont, et sa compagne en aval ( ou inversement) mais leurs membres brassent les mêmes eaux : Une rivière « est un nid de hasard…qui fait bien les choses »( P 27) aussi sont-ils à l’épreuve du ‘‘fond de l’air » . Et voilà que de  »papillons’,‘ nos ados se font  »passereaux réfugiés dans les pins connus d’eux seuls ».

     C’est un nouveau battement d’ailes, pas si différent de nos bras agités. Ce peu de sommeil fonce d’un éclat violet son regard matinal de femme et le chèvrefeuille s’est emparé des cheveux de l’homme.
La guitare posée, à l’heure bleue, l’instant se partage dans un vase improvisé avec les albizzias, l’émotion des jacinthes, la force de la mélisse et de la menthe : Coeur sensible !…
Derrière le rideau monte l’écho de sa voix « à peine bleue » ; et blanc comme neige résonne son « Salut ! » ; Poètes, ils sont aussi, à portée de voix, de haut en bas de la rivière ; c’est donc là qu’Elle trouve le temps de remplir des cahiers d’écolier ( qui sont mille), tandis que doucement la musique – et cela m’importe beaucoup – transcrit « une vie entière(…) sur des portées multiples »

Bruit de l’eau, silence du gel… bruits du feu et de l’homme... « On pourrait rester là des jours entiers tendrement adossés au silence » ( P 54) et même se relever en pleine nuit pour hier ou demain « respirer  la peau des mandarines, cette douce écorce qui ouvre la passion, et « se revoir tête nue sous la neige, des flocons au bord des lèvres »

Secret de femme-rivière, de femme-neige : 

« Rester sage pour être aimée ! Des jours entiers ! »

Les lectures de Patrick Joquel

Roman

Titre : Les disparus de Blackmore

Auteur : Henri Lævenbruck

Éditeur : X éditions

Année de parution : 2 023

Voici un roman délicieusement british. Enfin pas tout à fait. Il se déroule dans les îles anglo-normandes, dans une île Blackmore près de Guernesey. Une mini-société mi-anglaise / mi-française. Avec en arrière plan des siècles d’histoire insulaire. Des gens disparaissent sans laisser de trace. Bizarre, n’est-il pas ? Un vieux monsieur aveugle convoque une jeune française dont il a bien connu la maman pour enquêter sur la disparition de sa nièce. Lorraine Chapelle est la première femme diplomée de l’Institut de criminologie, s’il vous plait. Elle débarque donc sur l’île et commence à enquêter… Le curé de l’île de son côté a invité son grand ami Edwed Pierce à venir également enquêter. Edward est détective spécialisé dans l’occulte : un détective de l’étrange.

Ce couple improbable va chercher une explication à toutes ces disparitions ; ce ne sera pas simple tant les iliens se taisent.

Une histoire comme on les aime : déroutante et prenante. À lire dès le collège.

Blackmore-island.com


Titre :Oxcean

Auteur : Nicolas Michel

Éditeur : talents hauts

Année de parution : 2023

Pépite fiction ados 2023. Cela m’a attiré autant que la tentacule de pieuvre en couverture. Je me suis plongé un matin d’été dans cet oxcéan et en suis sorti le soir.

Univers science-fiction, fin 21e siècle. Une première enfant nait avec une écaille de poisson sur la nuque. Tests divers y compris génétique. Rien à signaler sauf cette mystérieuse écaille. D’autres enfants vont bientôt porter également une écaille sur la nuque. Des élus ? Une nouvelle variation de l’espèce humaine ? Un retour progressif à l’océan primordial ? Une nouvelle page de l’aventure humaine et de la Terre ? Face à la destruction des milieux terrestres, l’océan serait-il notre avenir ? Une entreprise de sauvegarde planétaire fondée par un écologiste radical vient surfer sur ces porteurs d’écailles…À travers le roman, on en suit quelques uns et ils nous entrainent dans une réflexion autant sur le pouvoir politique que sur l’écologie.

Captivant. Déroutant. Surprenant. Un peu lointain. Et pourtant tellement possible aujourd’hui. Tellement proche.

À découvrir dès le collège.


album

Titre : Laly à l’envers

Auteur : Katia Jakuba-Rebex

Éditeur : Les mots dans une valise

Année de parution : 2 024

Laly est une petite fille pas tout à fait comme les autres. Elle inverse les syllabes quand elle parle. Maman devietn man-ma, Laly, Lyla etc.

Quand elle entre à l’école, avec angoisse, elle découvre d’autres enfants et d’autres problèmes : dyslexies, zozotement, timidité. Elle se sent moins seule. D’autant plus que son enseignante s’occupe d’elle et finit par la réconcilier avec les syllabes.

Un livre à mettre dans toutes les classes, histoire de se souvenir que nous sommes tous différents et que nous méritons tous aide et respect. Un bel hommage aussi aux professeurs !


Titre : Burlububu

textes et illustrations : Elisabeth Cornet

Éditeur : Encres de Siagne

Année de parution : 2022

Un petit album carré et coloré. Un texte dans la lignée de la chasse à l’ours. Il fera le bonheur des classes de maternelle et de cp ! Les illustrations minimalistes offrent aux enfants un regard différent sur l’image.

Un petit livre pour le plaisir de jouer avec les mots et les traits. Un petit livre qui saura également générer des ateliers de création autant avec les mots qu’avec les crayons.



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