Une chronique d’Arnaud Delcorte
Martine Rouhart, Des chemins pleins de départs, Toi Edition, 2024.
Trois encres de Mireille Peret. Préface de Bruno Mabille.
Un recueil de poèmes dont l’élégance nous entraîne graduellement et sans heurts, d’abord dans le rêve, prélude à l’acte d’écrire, qui constitue la promesse de ces chemins plein de départs. Le nouveau livre de Martine Rouhart se décline en effet en trois temps, plongée progressive mais qui serait, plutôt qu’apnée vers les profondeurs, respiration de plus en plus ample vers la lumière et l’éventail des possibles.
Ce qui frappe d’emblée dans le travail de l’auteure, c’est la fluidité, la justesse, presque l’évidence de ces courts poèmes, variations sur états d’âme ou cristal sensible résultant de l’introspection, après que les brumes soient dissipées. Si travail il y a, on ne peut le savoir, tant l’objet présenté est dépourvu de rugosité, de marques, les possibles repentirs invisibles. Les poèmes ont la limpidité et l’écoulement des ruisseaux de forêt, sans doute est-ce son rythme et son débit, clairs, parfois sinueux, toujours en prise avec le relief qu’ils épousent. En phase.
Martine Rouhart nous emmène sur ses chemins avec une belle philosophie de vie : nulle pesanteur ni complainte, face à ce monde qui questionne et use, elle nous frôle à peine la main pour nous indiquer le soleil, l’oiseau, la rosée, elle nous emmène peu à peu, pas à pas. L’air de rien, ses mots nous reconnectent avec nos sens, voire avec l’essentiel. En filigrane, les grands rythmes de la nature et de la vie. À l’écouter on pourrait penser que le bonheur est simple, on a envie d’y croire.
Le lexique choisi n’est pas savant, il épouse néanmoins sincèrement son propos, avec pudeur, et fait la part belle à la nature tangible ainsi qu’à cette nature intérieure, consciente ou inconsciente, qui nous anime dans le rêve et la songerie. Les mots voix / voie / vois y reviennent souvent. Ce n’est sans doute pas un hasard…
S’il y a quelque chose d’oriental dans l’approche, ce n’est pas à chercher du côté du haïku, fortement codifié comme les arts de l’ikebana ou du thé, car la grâce de ces poèmes est indissociable de leur liberté de forme et de fond, en ce sens très occidentale. Ici, rien de contraint, rien de ritualisé. Une sagesse païenne en quelque sorte. Mais peut-être y-a-t-il de l’Orient dans l’esprit, plus unitaire que dual. En phase avec ces rythmes de l’être et du monde indivisibles. Une poésie qui nous relie, sans doute pas plus japonaise que celte ou soufie, mais quand même un peu de tout cela, puisqu’humains nous sommes toutes et tous, in fine. La poésie de Martine Rouhart crée le lien et semble oublier l’ego ou en tous cas nous en montrer le chemin.

