Chronique de Jean-Paul Gavard-Perret
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Pierre Schroven, Autour d’un corps vivant, L’arbre à paroles, Amay (Belgique), 98 pages, 12€.
« Ce qui te porte loin sans regard / Se nourrit d’un geste / Qui ne demande qu’à grandir / Sous l’aile prémonitoire d’une corneille » conclut Pierre Schroven dans un texte lumineux écrit l’égide du peintre né à Liège Guillaume Cornelius van Beverloo cofondateur de Cobra et qui prit pour nom celui de la corneille.
Poète des instants, le poète les magnifie en prête païen (au surplis plié sur un prie-Dieu) pour officier non sans justice dans une écriture plus annonciatrice qu’énonciative et aux vagues chaudes d’un haïku d’un nouveau genre. Le monde recommence. Dans la lumière du soleil instillée entre les feuilles une femme semble venue d’un théâtre japonais pour, passant dans un jardin, glisser dans un lit parfait aux syllabes sonores.
Les poèmes rebondissent du corps pour enlacer le froufrou d’instants qui ouvrent à un désir « tatoué d’oiseaux invisibles ». Hortensias roses, hortensias blancs, murmures que murmures, la lumière au besoin se fait discrète. Reste l’instant, l’instant, l’instant : comme les poètes il ne doit pas disparaître mais renaître.
Schroven desserre le garrot des chronologies, remonte le temps comme une main d’homme grimpe langoureusement le long de la cuisse chaude d’une femme. Il neige des fleurs et chaque poème infléchit leur présence. La poésie n’explique pas elle reprend la familiarité avec le monde en rebond d’après ou d’avant. Mais c’est le présent qui impose sa force – comme le titre l’indique – « autour du corps vivant ». Débordements pythiques, onguents des caresse, bouche ouverte dans l’anamnèse, l’inarticulé, chutes par sursauts, chutes et remontées, extase plutôt que performance, chirurgie d’invisible, par raclement du réel pariétal : entre corps et âme, intériorité et « paysages », les circuits sont rebranchés.
©Jean-Paul Gavard-Perret