Entendu ce matin, Saïdeh Pakravan, éditions Caractères .
« Traverser l’espace, c’est toujours traverser le temps »
Valentine Goby, La fille surexposée, Alma éditeur, Paris, 2014
Née dans une famille iranienne, de langue française, depuis des générations, si Saïdeh Pakravan savait lire à trois ans, à six, elle savait qu’elle serait écrivain. « L’écriture coulait dans mes veines », nous dit-elle sur son site ; beaucoup des siens ont écrit avec plus ou moins de succès.
Enfant, elle suivait « sa famille au cours de diverses missions diplomatiques de » son père : d’Iran, elle va au Pakistan, en Inde, en France, puis aux Etats-Unis. Aujourd’hui elle passe régulièrement d’un continent à l’autre. Inutile de dire que le français et l’anglais sont maîtrisés.
Dans Entendu de matin, la démarche de Saïdeh Pakravan est on ne peut plus originale. Lors de ses joggings matinaux, notre auteure – tel un troubadour – pique ci et là des paroles de hasard, qui deviennent sources de poèmes.
Si l’auteur « change de pays comme on change de chemise », France-USA-France, tout chez Saïdeh est course, observation à la loupe du monde en mouvement, de la vie de tous les jours… Elle tente de répondre aux questionnements de chacun, se projette dans ses pérégrinations et ses observations et y entremêle ses choix, relations, sentiments et réflexions propres :
« … et si le poème qui me vient
porté par quelques mots happés au vol
n’était qu’une fuite de plus
devant ce temps rempli de mauvais choix ? »
Ses poèmes, tels des propos philosophiques, tentent de nous dire « comment le monde fonctionne », comment la vie tourneboule à Paris, au téléphone, dans la rue, sur le net, bref « comment la terre continue à tourner », avec sa galerie de bien-pensants.
Une saveur et une fraîcheur incomparables se marient pour notre plaisir dans cet ensemble magistral.
Beaucoup de créateurs fixent des images sur leur rétine ; l’auteure ici retient des paroles qui s’envolent, les rattrape au lasso et les retranscrit sur la page blanche, pour les y immortaliser.
Je terminerai en paraphrasant l’auteure par ces mots : « Pardon », Saïdeh, « vous n’auriez pas » des poèmes à nous proposer, juste pour le plaisir de les déguster sans retenue aucune !
©Patrice Breno